Partie 2/3 de la série sur l’Eglise Arménienne Catholique, réalisée par Antoine Bordier :
La veille de son départ, il dînait avec son successeur, Mgr Raphaël Minassian. Il lui avait passé le relais en 2011. Les deux éminences s’entendaient bien. Un vrai respect, une vraie fraternité les unissait. Comme à son habitude, la veille, il avait confessé pendant la Messe. Il est parti le lendemain, à l’aurore, le lundi 15 février. Ses obsèques ont eu lieu dans le nord du pays, à Gyumri, en présence du nonce apostolique. Eclairage sur la vie d’un homme qui aimait rester dans l’ombre.
Sa dernière Messe, il l’a célébrée, ici, à l’Archevêché de l’Eglise Arménienne Catholique, qui se situe dans le quartier de Kanaker, dans le nord d’Erevan, la capitale de l’Arménie. Son dernier repas, il le partage dans la soirée, avec Mgr Minassian et d’autres invités. Il est assis sous un tableau représentant la Cène, celle de Léonard de Vinci. Petit, à peine voûté, sa démarche ressemblait à celle d’un vieux sage, d’un moine, d’un patriarche. Ses cheveux blancs, assez fins, témoignaient de sa longue expérience. Né le 17 avril 1932, en Grèce, il est décédé à l’aube de ses 89 printemps. Très jeune, il rentre dans la Congrégation Patriarcale ou Institut du Clergé Patriarcal de Bzommar, au Liban. Fondée en 1749, cet institut forme des prêtres missionnaires. Il est ordonné le 2 juillet 1960. Il est envoyé, ensuite, dans son pays natal. En 1991, le pape Jean-Paul II le nomme Ordinaire auprès des catholiques arméniens de Grèce. Il vivra une vingtaine d’année en Iran, passant une partie de sa vie dans les voyages, entre ces pays. Le 27 septembre 2000, le pape le nomme évêque d’Ispahan. Le patriarche de Cilicie Nerses Bedros XIX, l’ordonne évêque le 28 janvier de l’année suivante. Le 7 janvier 2003, il est nommé administrateur apostolique pour la Grèce. Le 2 avril 2005, il est nommé archevêque ordinaire pour l’Europe de l’Est et vivait depuis en Arménie. Le 6 janvier 2010, le pape Benoît XVI a accepté sa démission, liée à l’âge. En tant qu’évêque-émérite, il a vécu à l’archevêché d’Erevan, où il est décédé. En même temps que toutes ces missions, il prie, écrit et travaille beaucoup. Son dernier livre, sur la vie du Christ est sorti l’année dernière. Mgr Minassian dit de lui : « C’était un homme bon, un grand priant, et, un voyageur infatigable, doux, très aimable qui aimait rester dans l’ombre ».
Un a-Dieu sacré
Le lendemain de son départ vers le Père, le mardi, dès 16h00, son corps est exposé dans la chapelle de la paroisse catholique saint Grégoire de Narek, où se trouve l’archevêché. Elle peut contenir une petite centaine de fidèles. Un va-et-vient de fidèles passe saluer l’évêque-émérite. Habillé de ses ornements épiscopaux, dans son cercueil de bois massif à moitié ouvert, il semble dormir. Son visage, ressemble à sa vie, il est paisible. Le père Bedros Marachlian, qui est de la même congrégation que Mgr Nechan, préside cette veillée mortuaire. Chants, lectures et prières la rythment. Un chapelet est égrené. A 18h00, c’est au tour de Mgr Minassian de célèbrer une veillée plus solennelle. La nièce de Mgr Nechan est là avec une partie de sa famille. Très émue, quelques larmes coulent de ses yeux rougis par la tristesse. Dans l’assistance, Bertrand Venard a fait le déplacement. Il est arrivé au mois de septembre dernier, une semaine avant la guerre dans le Haut-Karabakh. Il est le nouveau recteur de l’Université française en Arménie, l’UFAR. « C’est la première fois que j’assiste à une telle cérémonie. Je suis très touché par ce moment, ce passage entre la vie et la mort. En plus, c’est très beau, très digne et simple à la fois. Les Arméniens ont le sens du sacré, tout en restant simple. » Devant le grand rideau de velours rouge foncé, qui sépare les fidèles de l’autel, le corps de Mgr Nechan continue à recevoir les hommages. C’est la fin de la cérémonie, des membres de la Congrégation des Sœurs Arméniennes de l’Immaculée Conception sont là, ainsi que des sœurs Missionnaires de la Charité. Elles viennent s’incliner et prier auprès du corps. La veillée se termine. Le cercueil est refermé, puis transporté par des élèves du séminaire. Le Recteur du Séminaire des Saints Archanges dirige les manœuvres.
Obsèques à Gyumri
Le lendemain, tous se rendent à Gyumri pour les obsèques officielles, qui auront lieu en présence du nonce apostolique. Dans le bus, les jeunes du séminaire ont pris place. Simon, le jeune volontaire de l’Oeuvre d’Orient qui va vivre un an au milieu d’eux, comme professeur de français, les accompagne. Les obsèques sont prévues à midi dans la Cathédrale des Saints Martyrs, qui a reçu la visite du pape François le 25 juin 2016. D’Erevan, il faut deux heures en voiture pour faire la route jusqu’à Gyumri, située dans le nord-ouest. C’est la deuxième ville du pays, peuplée de près de 150 000 habitants. La Cathédrale des Saints Martyrs a été construite entre 2010 et 2015. En 2015, l’Arménie commémorait le centenaire du génocide arménien. « C’est pour cela qu’elle s’appelle ‶ des Saints Martyrs″, explique le père Bedros Marachlian, le vice-recteur du séminaire. Elle est la cathédrale de l’Ordinariat pour l’Arménie, l’Europe de l’Est, la Georgie, et, la Russie ». Pour Mgr José Avelino Bettencourt, le nonce apostolique, qui a été nommé en mars 2018, « le pape François a voulu rendre hommage à la longue vie dévouée de Mgr Nechan Karakéhéyan. Il l’a rencontré à plusieurs reprises, et, notamment, lors de sa venue en Arménie. Le pape attache beaucoup d’importance à l’Arménie. De mon côté, je suis basé à Tbilissi, où il y a une importante communauté arménienne catholique. » Dans la cathédrale, la visite du pape est clairement affichée à gauche du chœur où un tableau le représente, ainsi que des souvenirs photographiques de son passage. La cathédrale est pleine lorsque débute la cérémonie qui va durer 1h30. Parmi les fidèles, la famille de Mgr Nechan est plus nombreuse que la veille. Les habitués et une dizaine de prêtres venus des quatre coins du pays sont là. Il y a aussi quelques rares français, comme Simon, et, les volontaires de SOS Chrétiens d’Orient, installés dans la ville depuis peu. Tous disent « a-Dieu » à Mgr Nechan qui les regarde du Ciel, assis près du Père.
(A suivre, dans la partie 3/3 de notre série sur l’Eglise Arménienne Catholique, un article sur la Congrégation des Sœurs Arméniennes Catholiques de l’Immaculée Conception).
Texte et photos réalisés par notre envoyé spécial Antoine BORDIER