L’Homme Nouveau avait relevé les propos de Mgr Yves Patenôtre, archevêque de Sens-Auxerre, qui affirmait dans un éditorial intitulé "Il est venu confirmer ses frères dans la foi" que "le Pape n'est pas le chef de l'Eglise" :
En tout cas, j’ai bien réalisé qu’évêque, successeur des apôtres, je me trouvais à côté de celui qui, au nom du Christ, venait « confirmer ses frères dans la foi ». Le Pape n’est pas le chef de l’Église. C’est le Christ qui est tête du Corps. Mais il est premier parmi ses frères. Et s’il ne nous a pas fait de révélations extraordinaires, il nous a confortés dans le bonheur d’annoncer l’Évangile, source de bonheur pour le monde. Et je trouve que se remettre avec lui sur ce chemin-là fut un moment de grâce sous le regard de Marie et de Bernadette."
Devant les vives réactions provoquées par cet éditorial, Mgr Patenôtre apporte la précision suivante :
"Mon texte dit toute mon admiration et mon affection pour notre Saint Père ! C’est le Christ qui est le chef de l’Eglise. Relisons les épîtres de Paul, et en particulier l'hymne des Colossiens (1,12-20) : « Il est l’image du Dieu invisible…Il est aussi la tête du corps, la tête de l’Eglise …» Le pape est le chef du Collège des évêques, à la suite de saint Pierre, et ce n'est pas la même chose."
S'il est exact que le pape est le chef du Collège des évêques, sa juridiction ne se limite pas à cela, comme l'indique le Canon 331 :
Can. 331 – L'Évêque de l'Église de Rome, en qui demeure la charge que le Seigneur a donnée d'une manière singulière à Pierre, premier des Apôtres, et qui doit être transmise à ses successeurs, est le chef du Collège des Évêques, Vicaire du Christ et Pasteur de l'Église tout entière sur cette terre; c'est pourquoi il possède dans l'Église, en vertu de sa charge, le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel qu'il peut toujours exercer librement.
François Caussart
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Olivier
Il faut tout d’abord dire qu’il ne s’agit nullement ici de remettre en cause l’affection, ni même (d’emblée en tout cas) la communion, de Mgr Patenôtre avec le Saint-Père. Il s’agit, outre de signaler le côté maladroit du propos (qui a sans doute la bonne intention de souligner que la relation du pape avec les évêques, et du pape avec les chrétiens, n’est pas seulement, voire pas d’abord, de subordination. Ce qui est vrai – mais elle contient aussi cet aspect !), d’étudier sa justesse théologique. Or on peut et on doit objecter à Mgr Patenôtre le magistère, en particulier le magistère pontifical.
Chef vient de caput qui signifie tête (cf. couvre-chef). Or la Tradition et le magistère affirment bel et bien que le pape est la tête de l’Église, et plus exactement, qu’il l’est indissolublement avec le Christ. L’erreur, en tout cas apparente, de Mgr Patenôtre, ressemble assez fort à celle de Jean Hus, qui a été condamné le 6 juillet 1415 lors de la 15e session du saint Concile œcuménique de Constance, décret confirmé par Martin V le
22 février 1418.
Erreur condamnée : « Pierre ne fut pas et il n’est pas la tête de la sainte Église catholique. » (Dz 1207)
De façon plus positive, à la suite du concile de Florence, 17e concile œcuménique, le pape Eugène IV dans la bulle Laetentur coeli du 6 juillet 1439 définit « que le Saint-Siège apostolique et le pontife romain détiennent le primat sur tout l’univers et que le pontife romain est quant à lui le successeur du bienheureux Pierre prince des apôtres et le vrai vicaire du Christ, la tête de l’Église entière, le père et le docteur de tous les chrétiens, et que c’est à lui qu’a été transmis par notre Seigneur Jésus Christ, dans le bienheureux Pierre, le pouvoir plénier de paître, de diriger et de gouverner l’Église universelle, ainsi qu’il est contenu dans les actes des conciles œcuméniques et dans les saints canons. »
Je n’ai pas le temps de faire un traité de théologie systématique, alors concluons par des extraits éclairants de la lettre Super quibusdam du pape Clément VI, datée du 29 septembre 1351, à Mekhitar (Consolator), catholicos des Arméniens :
« Le bienheureux Pierre a reçu du Seigneur Jésus Christ le pouvoir de juridiction le plus plénier sur tous les fidèles chrétiens. » (Dz 1052)
« …ceux qui ont été les pontifes romains, et Nous qui sommes le pontife romain, et ceux qui le seront successivement, en tant que vicaires du Christ légitimes et très pléniers de par leur pouvoir, ont reçu directement du Christ, à l’égard du corps entier et universel de l’Église militante, toute la juridiction liée au pouvoir que le Christ, en tant que tête ayant la même forme, détenait dans la vie humaine. » (Dz 1054)
Benoît
Pour compléter le message d’Olivier, voici un extrait de l’encyclique Mystici Corporis de Pie XII (29 juin 1943) :
“…Pierre, par la vertu du primat, n’est que le Vicaire du Christ, et il n’y a par conséquent qu’une seule Tête principale de ce Corps, à savoir le Christ ; c’est lui qui sans cesser de gouverner mystérieusement l’Église par lui-même, la dirige pourtant visiblement par celui qui tient sa place sur terre, car depuis sa glorieuse Ascension dans le ciel, elle ne repose plus seulement sur lui, mais aussi sur Pierre comme sur un fondement visible pour tous. Que le Christ et son Vicaire ne forment ensemble qu’une seule Tête, Notre immortel Prédécesseur, Boniface VIII, l’a officiellement enseigné dans sa Lettre apostolique Unam sanctam (BONIFACE VIII, Bulle Unam sanctam du 18 novembre 1302. Cf. Corp. Iur. Can., Extr. comm., I, 8, 1. ) et ses successeurs n’ont jamais cessé de le répéter après lui, Ceux-là se trompent donc dangereusement qui croient pouvoir s’attacher au Christ Tête de l’Église sans adhérer fidèlement à son Vicaire sur la terre. Car en supprimant ce Chef visible et en brisant les liens lumineux de l’unité, ils obscurcissent et déforment le Corps mystique du Rédempteur au point qu’il ne puisse plus être reconnu ni trouvé par les hommes en quête du port du salut éternel.”