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Michel Onfray, tourmenté par Jésus-Christ

L’abbé Paul Roy (FSSP) a lu laThéorie de Jésus de Michel Onfray. Un ouvrage contrasté et tourmenté. Extraits :

[…] La thèse « mythiste » est simple, presque sommaire : puisque l’on n’a « aucune preuve » de l’existence de Jésus, il ne peut être qu’un personnage conceptuel, savamment composé et élaboré pour répondre aux attentes et aux prophéties de l’Ancien Testament – correspondance qui représenterait une « preuve » de sa réalité mythique.

Quant aux traces écrites, Onfray avance que l’on n’a « aucune preuve positive » depuis deux mille ans : il récuse ainsi la chronique de Flavius Josèphe comme un faux absolu, et considère que les témoignages de Pline le Jeune, Tacite et Suétone ne concernent pas le Christ mais les Chrétiens. En définitive, selon lui, seuls les Évangiles affirment l’existence historique de Jésus, or leurs auteurs sont juges et partie, donc disqualifiés. Les premiers manuscrits du Nouveau Testament sont en outre rejetés comme tardifs.

Relevons ici déjà une double erreur : en dépit de ce qu’affirme l’auteur, les plus anciens manuscrits des Évangiles ne datent pas du « début du IIIe siècle », ce qui correspondrait (sic) à « plus de deux cent cinquante ans après la vie de Jésus » (en fait 210 – 30 = 180 ans environ), mais du début du IIe siècle (le papyrus P52, retrouvé en Égypte et daté de la première moitié du IIe siècle – soit moins d’un siècle après la vie de Jésus – contenant deux passages de saint Jean).

Quant aux preuves concrètes, elles auraient toutes été inventées par sainte Hélène et les chrétiens post-Constantiniens, car la supercherie de l’existence de Jésus ne daterait que du IVe siècle : auparavant il n’est qu’un Logos, un discours. Le linceul de Turin et ses 600 000 heures de recherche scientifique sont bien entendu balayés d’un revers de main, les autres reliques textiles subissant le même sort. […]

Que retenir de ce grand fatras de considérations dénigrant l’idée « jésuschristique » ? Qu’il est plus difficile qu’il n’y paraît de montrer l’absurdité du christianisme. À vouloir démontrer les contradictions de Jésus, on risque fort d’exposer les siennes. Que l’on nous permette ici quelques questions respectueuses…

  • Si Jésus est un « personnage de papier, » pourquoi vouloir à toute force nier la virginité de Marie et lui donner des frères de sang ? Pourquoi s’employer à réhabiliter un concept sans existence réelle : Judas l’Iscariote, unanimement dénoncé par les auteurs des textes saints ?
  • Si Jésus n’a pas existé, comment peut-on affirmer que les Évangiles ont été rédigés bien après sa vie ? Et si les Évangiles canoniques sont inauthentiques, pourquoi s’appuyer sur les apocryphes pour dénoncer le manque de réalisme de la biographie du Christ ? N’est-ce pas finalement confirmer la justesse du choix de l’Église ?
  • Si Jésus est une composition littéraire, pourquoi une complexité telle que l’on ne puisse le résumer, même après deux mille ans d’interprétation, sans faire face à d’insurmontables paradoxes ? Les premiers chrétiens auraient-ils volontairement composé l’image d’un Jésus schizophrène ?
  • Si le Nouveau Testament est une simple invention, pourquoi tant de maladresses d’écriture et d’apparentes contradictions ? Un narrateur omniscient n’aurait-il pas pu harmoniser les récits pour leur donner plus de crédibilité ?
  • Et si l’œuvre est purement fictive, pourquoi se donner tant de mal à montrer comment s’y accomplit et incarne l’Ancien Testament ? Quant à la Bible hébraïque, est-elle également à ranger au rang des fictions ? N’est-ce pas repousser la question d’un cran ?
  • L’utilisation constante de références vétérotestamentaires n’est-elle pas un indice de la rédaction des Évangiles dans le contexte juif du premier siècle ? Cette culture juive était largement perdue dans les années de l’Empire constantinien où notre auteur place la rédaction finale des biographies du Christ.
  • Lorsque Jésus en croix prie les premiers mots du psaume 22 (« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »), est-ce une preuve que toutes ses paroles sont une composition littéraire, ou au contraire le réflexe naturel d’un mourant qui jette vers le Ciel les prières de son enfance ? Les prêtres et les professionnels de santé en sont les témoins chaque jour.
  • Ces nombreuses références à l’Ancien Testament, le fond culturel fondamental des Juifs du premier siècle, sont-elles une preuve de la non-existence de Jésus ? Ne faisons-nous pas de même avec les figures de notre littérature, qui sont les références primordiales de notre culture ? Et que dire de notre auteur lui-même, qui prend plaisir à citer Flaubert pour railler les croyants : est-ce une preuve de sa non-existence ?
  • Si Jésus est un « mythe » à l’instar d’Apollon ou d’Osiris, pourquoi noircir tant de papier à en démontrer l’inexistence ? Où trouve-t-on tant de pages consacrées à déconstruire une divinité païenne ?

L’utilisation même de la notion de mythe mériterait par ailleurs une réflexion plus approfondie : tout mythe n’est pas une fable, et la correspondance d’une réalité à un archétype n’implique pas nécessairement sa non-existence : Jésus affirme justement « avant qu’Abraham fut, je suis ».

Pour en finir…

On termine donc la lecture de cette Théorie de Jésus avec un goût d’inachevé : une argumentation souvent à l’emporte-pièce derrière des formules rhétoriques, des interprétations contrastées, font pressentir la prégnance mais aussi le paradoxe du questionnement religieux de l’auteur, dont l’athéisme professé urbi et orbi ne parvient pas à se débarrasser de la figure du Christ. Le Logos qu’il semble vouloir sauver en niant son Incarnation pourrait bien être la pierre d’achoppement sur laquelle l’auteur bute inlassablement. Souhaitons-lui de dépasser les pauvres apories regroupées dans ce volume, pour connaître un jour en pleine lumière le Jésus de chair et d’os qui donna un jour son corps et son sang pour nous sauver.

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