Voici l’homélie de Mgr Philippe Christory prononcée à Chartres pour la messe de clôture du 43e pèlerinage de Notre-Dame de Chrétienté :
« Le pape Léon vient d’écrire un message à l’Eglise qui est en France à l’occasion de l’anniversaire de la canonisation de Saint Jean Eudes, Saint Jean-Marie Vianney et Sainte Thérèse de Lisieux. Le pape nous dit :
« Ils ont aimé sans réserve Jésus, de manière simple et authentique. Ils ont fait l’expérience de sa bonté et de sa tendresse, dans une particulière proximité quotidienne et ils ont témoigné dans un admirable élan missionnaire. »
Tout est dit : l’amour, la proximité et l’annonce. Que Jésus soit la source, le sens, la raison d’être de nos vies, comme pour ces saints. Le jubilé de l’espérance à Rome et le jubilé des 1 000 ans de la crypte à Chartres sont des canaux de la grâce que Jésus communique à qui se met à son école en l’écoutant.
Vous, les pèlerins, avez marché, transpiré, souffert, peu dormi, crié, chanté, prié. Vous vous êtes déplacés hors de tout confort, vous soutenant mutuellement, guidés par une flèche de Notre-Dame de Chartres, aperçue dans le lointain. Cette vision vous a donné du courage, vous avez chanté la louange du Seigneur. Vous méritez notre admiration. Vous êtes entrés dans la joie du jubilé de l’espérance.
105 kilomètres à pied. Demandons-nous pourquoi vous avez décidé de fournir un tel effort. Croyons-nous que nous serons récompensés par Jésus ? La révélation biblique dit que face à la fidélité de son peuple, Dieu s’est approché afin de partager notre vie humaine. Lui de condition divine a consenti à descendre dans ce monde habité par le mal. Il a consenti à s’humilier et à vivre même l’humiliation, plus qu’aucun autre homme. Sa passion, Jésus la vit dès sa naissance, à Bethléem. Il s’offre en victime pour payer le prix du rachat de nos péchés et sauver l’humanité de la mort éternelle. Cette offrande libre s’accomplit pleinement sur la croix. Il meurt dans d’atroces souffrances en portant sur lui tous nos péchés. Alors oui, nous avons marché en action de grâce pour le remercier et accueillir le Salut offert gratuitement. Par Lui, tout est donné, tout est achevé, le mystère de la rédemption est accompli. Pas notre amour, nous répondons à son amour, qui est toujours premier.
A la suite du pèlerinage, quelle sera la nouveauté de votre vie ? Quel fruit émergera de ce dépassement de soi ? Nous désirons bâtir une société nouvelle, illuminée par le Christ et vivre selon l’Esprit, en unissant nos talents et nos charismes. Toutes nos capacités humaines doivent se mettre au service de la civilisation de l’amour. Construire la paix et non la guerre. Œuvrer pour l’accueil et non le rejet. Encourager l’amour, et non pas l’indifférence. Avec Dieu, nous ne sommes pas seuls car Jésus fit cette promesse :
« Si je ne m’en vais pas, le défenseur ne viendra pas à vous. Mais si je pars, je vous l’enverrai. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. »
Sur cette promesse, notre foi est bâtie. Jésus est dans la gloire divine et simultanément, il demeure au milieu de nous quand nous sommes rassemblés au milieu de lui en son nom.
Comment faire pour discerner le chemin à emprunter ? Ecoutons Jésus :
« Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruits. »
Jésus demande que nous demeurions en lui, en gardant sa parole :
« Qui m’aime gardera ma parole. » « Ainsi, celui qui entend les paroles que je dis là et les met en pratique est comparable à un homme prévoyant qui a construit sa maison sur le roc. »
Les paroles de Jésus sont limpides. Sa parole est notre nourriture car « l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». En tant de moments, les foules suivaient Jésus en Galilée et en Judée pour qu’il touche et guérisse les malades. Mais que faisait Jésus ? Il les enseignait longuement et ceux qui l’écoutaient gardaient ses paroles. Le prophète Ezéchiel prit le rouleau de la loi et dit : « Je le mangeais et dans ma bouche il fut doux comme du miel. »
Faisons mémoire des paroles qui nous ont nourris au cours de notre marche ; quelles sont celles qui éclaireront à l’avenir notre prière quotidienne ? En effet, chers fils et filles, la prière est une respiration de l’âme nourrie de la parole des saintes écritures. L’expérience montre qu’il est plus facile de marcher 100 kilomètres en deux jours et demi que de prier tous les jours un quart d’heure. N’est-ce pas notre vocation de nous mettre à l’écoute de Dieu quotidiennement ? Remercions Jésus d’avoir pris sur lui notre péché en lui offrant un quart d’heure quotidien, au moins. Pour tenir le cap sur la route de la foi en notre société pervertie – c’est Saint Paul qui parle de société pervertie – il est nécessaire d’avoir un grand désir. « Que veux-tu que je fasse pour toi ? », dit Jésus à Bartimée. Une adolescente bientôt confirmée m’écrit le désir de « s’attacher éternellement au Seigneur ».
Toi qui es aujourd’hui à Chartres, est-ce ton désir de t’attacher à Jésus Christ toute ta vie ? Si oui, comment feras-tu ? Jésus dit :
« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole. Mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et chez lui, nous nous ferons une demeure. »
La foi chrétienne consiste à écouter Jésus Christ, à lui ouvrir la porte du cœur où le laisser entrer. L’amour divin est comme un feu, tel celui qui incendiait la montagne du Sinaï face à Moïse, qui allait à la rencontre de Dieu. Il y a trois siècles, Jésus révélait son cœur à Sainte Marguerite Marie :
« Mon cœur est si passionné d’amour et pour toi en particulier, que, ne pouvant contenir les flammes de son amour, il faut qu’il les répande par ton moyen. Si tu le crois, tu verras la puissance de mon cœur dans la magnificence de mon amour. »
Les saints et les saintes font la richesse de l’Eglise. Par eux, nous avons reçu l’héritage de la foi et dorénavant, c’est à chacun d’en vivre et d’en être témoin en brillant de la lumière de l’Esprit saint.
C’est pourquoi la question t’est posée maintenant : choisis-tu la sainteté comme but de ta vie ? Celui qui découvre la foi est émerveillé d’entendre que Dieu est amour et qu’il se fait proche par le Saint Esprit pour communiquer son amour. Mais le danger est grand pour tout chrétien qui croit sa foi solide et pense que la conversion n’est pas pour lui. Il faut se rappeler les paroles de l’ange à l’Eglise d’Ephèse : « J’ai contre toi que ton premier amour, tu l’as abandonné. » Le danger est tout aussi grand pour les prêtres, les consacrés et les religieux. As-tu conservé l’amour qui t’a encouragé à dire oui à la consécration ou au sacerdoce ? Nous pouvons nous interroger ; comment être témoins du Christ si l’Evangile ne brûle pas en nous-mêmes afin d’être libérés de nos chaînes et de nos idées trop certaines pour être entraînés là où l’Esprit nous mène ?
L’amour est à ce prix. L’amour demande le don de soi entier et joyeux. Le temps est au témoignage, mais pour être témoin, il faut connaître la parole de Dieu et la porter courageusement aux hommes de ce temps. Jésus disait : « Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu. » Or le monde n’écoute pas Dieu, il s’écoute lui-même et se ferme à la voix de Dieu. C’est pourquoi Jésus a besoin de Dieu. Il est probable que nous ne serons pas toujours acceptés, mais Jésus nous a prévenus. Cette résistance appartient à la transmission de la foi, elle en est même un critère d’authenticité.
Chers pèlerins marcheurs, la beauté de la Création est le signe de la présence de Dieu. Vous avez joui du spectacle de cette nature : des champs plantés de céréales, des forêts, du soleil, peut-être du vent. Votre générosité joyeuse sera le signe de la véracité de votre foi auprès de vos amis. Le chrétien est un pèlerin de l’espérance qui accepte de laisser son père, sa mère, sa maison et son travail pour entreprendre le grand pèlerinage de la foi dans le but d’annoncer la bonne nouvelle. Ici à Chartres, vous êtes venus vers Notre-Dame. Confiez à la Vierge vos peines et peut-être vos larmes. Confiez-lui votre cœur brisé, parfois par de grandes souffrances, des trahisons, des déceptions, des abus. Confiez-lui vos désirs afin qu’elle les présente à son fils Jésus, offrez-lui vos projets. Là est sa mission : intercéder pour chacun de ses enfants. Marie, soyez-en sûrs, vous accompagne sur ce pèlerinage terrestre et sa plus grande joie est de vous conduire à son Fils. Dans quelques heures, la plupart d’entre vous retrouveront leur famille, leur maison, leurs études, leur travail. Notre vie chrétienne se vit là où nous sommes enracinés, auprès de personnes à qui témoigner des merveilles de Dieu.
Vers quelle flèche allez-vous dorénavant vous orienter ? La parole de Dieu sera-t-elle votre nourriture et votre guide ? Quel sera votre projet de vie ? Mes frères, mes sœurs, mes enfants et mes amis, ne faisons pas fausse route. Seul Jésus Christ est le chemin, la vérité et la vie. Notre marche ne fait que commencer et la promesse est là : un monde nouveau est possible. En serons-nous les bâtisseurs ? Osons nous mettre en chemin ensemble avec la grâce de Dieu. Pour chacun, il s’agit de dire oui à l’amour et Dieu donnera le reste par surcroît. Bonne route. Amen.