Le jeudi 14 septembre, fête de l’Exaltation de la Sainte Croix, s’est déroulé à Rome, dans l’auditorium de l’Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin, un congrès sur le thème : « Le motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI, une nouvelle jeunesse pour l’Eglise », organisé par le Cœtus internationalis Summorum Pontificum. Extrait du compte-rendu de l'abbé Angelo Citati, FSSPX :
"[…] Les travaux de la matinée se sont achevés par une intervention très brillante de Martin Mosebach, célèbre essayiste allemand, sur « la sainte routine ou le mystère de la répétition ». En s’appuyant sur des citations scripturaires et patristiques, mais aussi sur les principes esthétiques de Johann Joachim Winckelmann, il a proposé une analyse critique très détaillée du n. 34 de la constitution Sacrosanctum Concilium de Vatican II sur la liturgie, d’après lequel « les rites […] seront d’une brièveté remarquable et éviteront les répétitions inutiles ». Mosebach a signalé le caractère contradictoire de cette affirmation du Concile, car la liturgie est constituée par définition d’actes qui se répètent sans cesse, et toute tentative de considérer certains de ces actes comme « utiles » et d’autres comme « inutiles », est donc inévitablement vouée à l’arbitraire. Il a aussi souligné la contradiction selon laquelle les fidèles de la Tradition, bénéficiaires du motu proprio, seraient les seuls auxquels on demande d’être bi-ritualistes, alors que d’une manière générale l’Eglise demande à chacun de ses membres de n’avoir qu’un seul rite.
Les travaux de l’après-midi ont débuté par une conférence du cardinal Robert Sarah, Préfet de la Congrégation pour le Culte divin, sur « le silence et le primat de Dieu dans la sainte liturgie ». Le cardinal a montré, entre autres, l’importance d’être tourné ad Deum dans la célébration de la messe, choix qui se révèle aussi « pastoralement plus avantageux », et l’importance des détails dans la liturgie. Il a ensuite mis en avant les bienfaits du motu proprio Summorum Pontificum, dont le principal effet a été de veiller à « mettre fin aux divisions dans l’Eglise qui ont été causées par la réforme liturgique ». Il a également précisé sa pensée au sujet de la création d’un rite unique qui serait la synthèse de l’ancien et du nouveau, et au sujet de l’enrichissement mutuel des deux rites. Parvenir un jour à avoir une seule forme du rite romain, a-t-il dit, est sans doute souhaitable, mais il faut absolument éviter l’erreur que l’on fit lors de la réforme liturgique postconciliaire, à savoir l’imposition d’en haut d’une réforme artificielle : ce processus d’unification devrait donc être quelque chose de lent et de spontané, et n’apparaît en aucune manière dans l’agenda de la Congrégation pour le Culte divin. Quant à l’enrichissement des deux rites, il a déclaré que, selon son avis personnel, on devrait intégrer dans le nouveau rite l’offertoire et le canon romain récité à voix basse de l’ancien, tandis que celui-ci pourrait être enrichi par un lectionnaire plus vaste.
Le cardinal a conclu son intervention par trois vibrants appels. Tout d’abord, un appel à ceux qui sont opposés à la liturgie ancienne : « Allez visiter les communautés qui célèbrent cette liturgie, et vous verrez. Vous y verrez beaucoup de jeunes. Vous pourrez constater qu’il ne s’agit pas de nostalgiques ». Ensuite un appel aux évêques : « Je vous en supplie, ouvrez vos cœurs. L’usus antiquior de la liturgie romaine devrait être considéré comme une chose normale dans l’Eglise du XXIe siècle. Même s’il devait rester numériquement inférieur, il ne le sera jamais qualitativement ». Et pour conclure, un appel aux traditionalistes eux-mêmes : « On vous appelle souvent catholiques traditionalistes. Ne vous faites pas appeler ainsi. Vous êtes catholiques, et c’est tout. Vous ne devez pas être un groupe spécial à placer dans un ghetto ou sur l’étagère d’une bibliothèque. Un des fruits du motu proprio doit être précisément de sortir de cette logique du ghetto. Si vous ne l’avez pas fait il y a dix ans, faites-le maintenant : quittez les chaînes du ghetto ! »
Mgr Markus Graulich, sous-secrétaire du Conseil pontifical pour les textes législatifs, a donné ensuite une lecture canonique du motu proprio, dans laquelle il a fait remarquer que Summorum Pontificum, qui est d’abord un document juridique (même s’il a des implications doctrinales considérables), ne peut pas être considéré comme une simple mise à jour de l’indult de 1984, mais plutôt comme le passage de l’indult – c'est-à-dire une permission particulière concédée individuellement – à une loi universelle de l’Eglise, donc en un certain sens le contraire même de l’indult. Après avoir souligné que le principal mérite de ce document, sur le plan canonique, est d’avoir tranché par la négative la vexata quæstio des canonistes de savoir si le Missel préconciliaire avait jamais été légitimement abrogé, il a déploré le fait que de nombreux évêques aient donné des interprétations fort restrictives du document papal, dépourvues de tout fondement juridique : par exemple, que le « groupe stable » de fidèles qui demandent la célébration avec le rite ancien, aurait déjà dû exister, afin que leur demande soit légitime, avant le motu proprio, ou qu’ils devraient nécessairement tous appartenir à la même paroisse, ou encore que le prêtre n’aurait pas le droit de faire connaître lui-même l’ancien rite aux fidèles pour les inciter à en faire la demande. En somme, a-t-il conclu, au bout de dix ans, l’accueil du motu proprio s’accompagne encore de zones de lumière et d’ombre. […]"