D'habitude, ce genre de confusion est diffusée par la presse moderniste voire non chrétienne. Mais là, il s'agit de la revue La Civilta Cattolica, dirigée par le jésuite Antonio Spadaro, proche du pape François. Normalement, les articles publiés dans cette revue sont systématiquement relus par la Secrétairerie d'Etat. La confusion est donc immense. Le pape François a déclaré, lors de son retour de Suède et des célébrations du cinq-centenaire de la révolte de Luther :
« Pour ce qui est de l’ordination des femmes dans l’Eglise catholique, saint Jean-Paul II a eu le dernier mot, et il reste d’actualité ».
Point final ? Dans la dernière livraison de La Civilta Cattolica, le rédacteur en chef délégué, le P. Giancarlo Pani conteste cette parole définitive, comme le suggère déjà le titre de son article : « On ne peut pas simplement se référer au passé ». Le P. Pani est très proche du père Spadaro. Voici son raisonnement.
Dans Ordinatio Sacerdotalis, rappelle le P. Pani, Jean-Paul II affirmait de manière « définitive » que l’Eglise n’a aucune autorité « pour conférer l’ordination sacerdotale aux femmes ». La Congrégation pour la doctrine de la foi, interpellée peu après, confirmait que cela appartient au dépôt de la foi, vérité infaillible à laquelle tous les fidèles sont tenus d’adhérer.
L’article du P. Pani évoque ensuite les « difficultés » liées à cette réponse à travers les « tensions dans les relations entre le magistère et la théologie à propos des problèmes liés » :
« Ceux-ci sont relatifs à la théologie fondamentale de l’infaillibilité. C’est la première fois dans l’histoire que la Congrégation a fait explicitement référence à la constitution Lumen Gentium n°25, qui proclame l’infaillibilité d’une doctrine enseignée comme liant définitivement les fidèles par les évêques dispersés à travers le monde, mais en communion à la fois entre eux et avec le successeur de Pierre. En outre, la question touche à la théologie des sacrements, parce qu’elle concerne le sujet du sacrement de l’ordre, qui traditionnellement est en effet l’homme, mais cela ne prend pas en compte les développements relatifs à la présence de la femme dans la famille dans la société au XXIe siècle. C’est une question de dignité ecclésiale, de responsabilité et de participation ».
« Le fait historique de l’exclusion de la femme du sacerdoce en raison de l’“impedimentum sexus” est indéniable. Néanmoins, dès 1948, est donc bien avant les des années 1960, le P. Congar avait souligné que “l’absence n’est pas un critère décisif permettant de conclure prudemment dans tous les cas que l’Eglise ne peut le faire et qu’elle ne fera jamais” ».
« En outre, ajoute un autre théologien, le “consensus fidelium” vieux de nombreux siècles a été remis en question au XXe siècle, principalement en raison des profonds changements socioculturels concernant la femme. Cela n’aurait pas de sens de soutenir que l’Eglise doit changer simplement parce que les temps ont changé, mais il reste vrai que doctrine proposée par l’Eglise a besoin d’être comprise par l’intelligence qui croit. La dispute sur les femmes prêtres aurait trouvé son parallèle dans d’autres moments de l’histoire de l’Eglise ; en tous les cas, aujourd’hui, pour la question du sacerdoce des femmes, les “auctoritates”, présentation officielle du magistère, sont clairs, mais de nombreux catholiques trouvent difficile de comprendre les “rationes” qui, plutôt que des expressions de l’autorité, semblent relever de l’autoritarisme. Aujourd’hui, il y a un malaise parmi ceux qui ne parviennent pas à comprendre comment l’exclusion de la femme du ministère de l’Eglise peut coexister avec l’affirmation et l’appréciation de son égale dignité ».
Sans plaider ouvertement pour l’ordination des femmes, l’article emploie un langage chargé : parler d’« autoritarisme » plutôt que de faire référence à tout l’enseignement profondément raisonné de l’Eglise, c’est un signe qui ne trompe pas. De même, le titre de l’article montre clairement la direction où l’on veut aller. Enfin, la remise en cause de l’infaillibilité et des certitudes théologiques montre que le père Pani veut aller beaucoup plus loin. Le P. Pani précise d’ailleurs :
« On ne peut pas toujours se référer au passé, comme si on ne pouvait trouver les indications de l’Esprit que dans le passé. Aujourd’hui aussi, l’Esprit guide l’Eglise et suggère la prise en compte courageuse de nouvelles perspectives ».