D’Elisabeth Caillemer dans Le Journal du Dimanche :
L’augmentation est significative mais risque d’être de courte durée. Le nombre de prêtres catholiques ordonnés cette année en France affiche une hausse de 20 % par rapport à l’année dernière. Ils étaient 88 en 2023 et seront 105 en 2024, a annoncé l’archevêque d’Auch, Mgr Bertrand Lacombe, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue le 19 juin dernier dans les locaux de la Conférence des évêques de France (CEF). Un chiffre auquel il convient d’ajouter au moins trois oublis : deux prêtres de l’Institut du Christ-Roi et un frère de l’abbaye de Lagrasse.
Malgré cette embellie liée à un pic d’entrées dans les séminaires diocésains en 2017, les statistiques restent préoccupantes pour les catholiques : le nombre de séminaristes diocésains ne cesse en effet de baisser. En 2000, ils étaient 976, pour seulement 673 en 2023. Seuls les séminaires traditionalistes et celui de la Communauté Saint-Martin, de tendance conservatrice, échappent à cette fatalité. Cette diminution est mécaniquement due, en premier lieu, au recul de la religion catholique en France, car l’environnement familial joue un rôle crucial dans la transmission de la foi et du désir de devenir prêtre. Une enquête réalisée par le journal La Croix en décembre 2023 révèle que 72 % des séminaristes français proviennent de familles très pratiquantes et qu’un tiers d’entre eux ont envisagé la prêtrise pour la première fois avant l’âge de 10 ans.
Mais la déchristianisation n’est pas l’unique responsable de cette baisse. Observateur avisé du monde ecclésial, le père Jean-François Thomas, jésuite, note aussi une réticence générale de la jeune génération à s’engager. « On le constate pour les vocations sacerdotales et religieuses mais aussi pour la vie de couple. Les jeunes vivent dans l’incertitude et l’angoisse. Ils sont souvent marqués par des expériences familiales compliquées, peu propices à leur stabilité personnelle », analyse-t-il. Il estime en outre que l’image de l’Église dans la société a été profondément affectée ces derniers temps par les révélations d’abus sexuels. Mais il évoque également des réticences liées au mode de fonctionnement de l’Église :
« La présence au sein des paroisses de laïcs souvent très autoritaires et qui ont soif de pouvoir peut décourager les jeunes gens. D’autant plus que, depuis le Concile Vatican II, les prêtres ne font que passer dans les paroisses, tandis que les laïcs y demeurent. En outre, beaucoup d’évêques peuvent apparaître parfois comme des fonctionnaires du culte, très timorés, qui ne font que gérer la crise dans leur diocèse, fermant leurs églises et prenant acte de la disparition des communautés religieuses. »
Mgr Bertrand Lacombe, quant à lui, n’a pas fait part de son analyse. Saluant sobrement l’augmentation du nombre d’ordinations, il s’est réjoui de voir « de plus en plus de jeunes et des moins jeunes qui désirent recevoir le baptême, l’eucharistie et la confirmation », ajoutant que « l’Esprit continue de souffler et d’appeler ceux qui, aujourd’hui encore, font ce choix exigeant et si gratifiant de mettre leurs pas dans celui du Christ ». L’archevêque a également souligné que le ratio fidèles/prêtres en France restait stable. Pour le père Jean-François Thomas, le ratio n’est certes pas contestable, mais la question est ailleurs.
« Notre problème majeur est le déclin du nombre de fidèles, dit-il, ainsi que la crise profonde dans laquelle l’Église s’enfonce et de laquelle elle ne pourra sortir qu’au prix d’un retour à la tradition. »
Le rayonnement des « tradis »
Figurant au rang des forces vives de l’Église, cette frange du monde catholique fait l’objet, de la part des instances romaines, d’une persécution que d’aucuns jugent incompréhensible. En 2021, plusieurs documents signés par le pape ou son entourage proche restreignaient la possibilité de célébrer la messe dans le rite traditionnel. Ces jours derniers, Rome bruissait d’une rumeur selon laquelle les proches collaborateurs du pape lui soumettraient prochainement un texte interdisant de manière « stricte, radicale et définitive » la célébration de cette « messe en latin » pour tous les prêtres diocésains. Des décisions qui interrogent d’autant plus que les « tradis » rayonnent très au-delà de leurs communautés et que leur travail bénéficie largement à l’Église de France. Deux sondages récents de La Croix révèlent que 38 % des jeunes catholiques apprécient le rite préconciliaire et près de la moitié des séminaristes diocésains ont fréquenté régulièrement ou occasionnellement une paroisse ou une communauté « tradi ».