Patrick Buisson a été interrogé dans Valeurs Actuelles. Extraits :
Pourquoi la droite et le Front national se montrent-ils aujourd’hui incapables de faire émerger une véritable opposition ?
Parce que l’un et l’autre se dérobent au bon diagnostic. L’élection de 2017 aura mis à bas leurs vieux schémas. La droite et le FN ont fait la démonstration, chacun à leur tour, de leur incapacité à reconquérir ou à conquérir le pouvoir sur la base de leurs seules forces. Faute d’avoir su opérer la nécessaire clarification idéologique, la droite ne peut plus se prévaloir du bénéfice automatique de l’alternance. Elle a perdu l’élection imperdable et à moins qu’elle ne sache se réinventer, on ne voit pas pourquoi elle ne perdrait pas les élections qui viennent. Le FN, de son côté, faute d’avoir su construire une offre politique crédible, est resté ce qu’il a toujours été : le meilleur allié du système, son assurance vie. Englués dans des logiques d’appareils, Les Républicains comme le FN sont aujourd’hui dans une triple impasse : idéologique, stratégique, sociologique. Mais, pour rien au monde, ils ne voudront l’admettre. Je crains que cela ne débouche sur des désillusions encore plus cruelles.
Les Républicains ont entamé un véritable chantier de refondation. Par quoi doivent-ils commencer ?
Par tordre le cou aux incantations rituelles autour du “rassemblement”, mot-valise qui la leste comme un impedimentum. Le rassemblement appartient à l’ordre des moyens, ce n’est pas une fin en soi. Or, voici des lustres que, pour la droite, le rassemblement n’a pas pour objet de défendre des idées ou de promouvoir un projet, mais de servir ce désir du pouvoir pour le pouvoir que manifestent tous ceux — et ils sont, aujourd’hui, légion — qu’habite l’idée d’un destin personnel…
C’est la création de l’UMP et son principe que vous remettez en cause ?
C’est là l’erreur originelle, la faute inaugurale que continuent de payer Les Républicains. À vouloir marier les contraires sous couvert de rassemblement, l’UMP n’a jamais produit autre chose que des ambiguïtés et de l’incohérence. La droite plurielle d’Alain Juppé c’est, quinze ans après, la droite plus rien. Il est logique qu’il veuille maintenant la faire définitivement s’évaporer dans le trou noir d’« un grand mouvement central ». […]
Le départ des Constructifs ne va-t-il pas dans le sens de la clarification que vous appelez de vos voeux ?
Si la refondation se fait au nom du rassemblement de toutes les sensibilités et donc au prix de la cohérence idéologique, il n’y a rien à en attendre. Remettre à flot le radeau de la Méduse avec l’ancien équipage du Titanic ne saurait garantir une arrivée à bon port en 2022.
Quelle stratégie pour la droite ?
Elle découle du rapport de force électoral. Il y a un antagonisme irréductible entre l’électorat libéral des grandes villes et les classes populaires, les insiders et les outsiders. Ces deux électorats ne sont pas miscibles, car leurs intérêts sont inconciliables. En revanche, la tension idéologique et sociologique entre l’électorat conservateur et l’électorat populaire est bien moindre. Il y a une propension, chez certains dirigeants des Républicains, à s’abuser volontairement sur la nature de leur électorat pour ne pas avoir à faire la politique de leurs électeurs. La base qui a plébiscité Fillon lors de la primaire n’est pas réformatrice mais conservatrice : c’est la France provinciale des villes moyennes, qui s’est déterminée non pas sur son programme économique mais sur la vision sociétale qu’elle lui prêtait. Si bien qu’exclure ou marginaliser Sens commun équivaudrait pour ce qui reste de la droite à s’autodissoudre. À cet égard, la démission contrainte de son président n’est pas de bon augure. Parfois, Les Républicains font penser au catoblépas, cet animal mythique, tellement stupide qu’il se dévore lui-même.
Une synthèse est-elle possible entre cet électorat conservateur et l’électorat populaire ?
Non seulement elle est possible, mais c’est la seule configuration susceptible de rouvrir à la droite les portes du pouvoir. Sans ce désenclavement de la droite par l’adjonction du vote populaire, Les Républicains sont promis à un avenir groupusculaire et crépusculaire. C’est cette alliance qui a fait le succès du RPF, en 1947, le triomphe de l’UNR, en 1958, et la victoire de Sarkozy, en 2007. La jonction entre la France conservatrice et la France périphérique peut s’opérer naturellement à travers la défense du patrimoine immatériel que constituent l’identité nationale, l’enracinement et la transmission, le localisme et les circuits courts, le coutumier et les moeurs. Bref, tout ce que menacent la finance mondialisée et l’islam radicalisé.
L’effet Macron peut-il être un handicap durable pour la droite ?
Je ne m’illusionne en rien sur le projet global du chef de l’État, mais j’ai trop vu à quel point la droite s’empressait, une fois au pouvoir, de trahir ses engagements pour penser que son discrédit n’est que passager. La droite paie, aujourd’hui, le mépris dans lequel elle a toujours tenu la bataille des idées et le combat culturel. Pensez-vous qu’un ministre de droite aurait eu le courage d’agir comme le fait aujourd’hui le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, en contraignant par sa politique le président du Conseil supérieur des programmes à la démission ? Lorsqu’elle est aux affaires, la droite n’a de cesse que de donner des gages au gauchisme culturel. Il suffit de se remémorer le bilan de Luc Chatel, le ministre de Sarkozy, Rue de Grenelle : suppression de l’enseignement de l’histoire en terminale scientifique et introduction de la théorie du genre dans les manuels scolaires. Tant qu’il y aura des dirigeants chez Les Républicains pour s’inquiéter d’une « dérive de la droite à la polonaise », Emmanuel Macron pourra nourrir les plus grandes espérances pour 2022.
À vous entendre, la présidence de Macron n’aurait que des effets désastreux pour la droite…
Pas du tout. Le phénomène Macron, qui opère la réunification politique des libéraux des deux rives, est en passe de dissiper un long malentendu historique. Il se peut qu’il mette fin à la domination de l’orléanisme, c’est-à-dire du libéralisme, sur la droite française. Du passage du capitalisme entrepreneurial au capitalisme financier, on peut attendre une fracturation irréversible entre le conservatisme et le libéralisme, entre la droite originelle et la droite situationnelle, autrement dit un centre qui a été classé à droite sans jamais pour autant être ontologiquement de droite. Le clivage entre progressistes et conservateurs que revendique Macron est une aubaine pour une droite qui saurait redevenir elle-même au moment où il apparaît de plus en plus que le progrès est une idée du XIXe siècle frappée d’obsolescence, une idée de jeune vieux. Où il est devenu évident que la religion du progrès a échoué sur sa promesse fondatrice, qui était celle du bonheur. […]"
San Juan
Tant que vous vous imaginerez stupidement que la France a commencée en 1789, vous ne saurez pas ce c’est que l’Identité de la France.
Marcos
Je me méfie de ce Buisson, ancien directeur de Minute où il agissait sournoisement en faveur de Pasqua. Il a un côté barbouze qui me hérisse. Et puis, essayez de tirer quelque chose de concret de cette bouillie qui se veut philosophique,vous n’y arriverez pas. Personnage néfaste, à oublier.
Antoine
Je trouve qu’il y a toujours manifestement trop de ressentiments personnels et d’auto-justification pour donner des pistes concrètes autres que des généralités sur lequel tout le monde à “droite” (mais pas aux LR me semble-t-il) est d’accord. C’est la mise en pratique qui est difficile.
Je n’ai pas lu l’interview n’étant pas abonné à VA. Mais a-t-il évoqué une alliance LR et FN qui est une façon simple d’avancer à l’instar de l’Autriche ?
oxygène
Cet homme est plein de bon sens, il n’y a rien à corriger.
ohlala
n’est-il pas temps de faire un états des lieux?
cela semble de bon sens mais reste trop politique, les défis aujourd’hui
c’est les jeunes dépendants de la pornographie, des jeux vidéos et du canabis et engendrent de la violence
c’est la paysannerie qui ne peut plus vivre de son travail alors que depuis des génération elle entretient nos campagnes et fait vivre nos villages,
les industries ont été délocalisées et l’emploi en soufre,
la folie des grandes de nos élus locaux, rond points , périphériques, salles de fêtes, terrain de sport et tant d’autres……
qu’il est facile de dépenser l’argent du contribuable
B.C.
Si Sarkozy avait écouté Buisson, il aurait transformé et défendu la France et il aurait été réélu.
rouchet
BC
Même le nom Sarkozy n’est pas français et vous prétendez que ce pitre aurait pu sauver la France ?
Je vous renvoie aux déclarations de sa muse, Carla Bruni à propos de la France et des français…
Faut il être gogo pour dire des choses pareilles…
allegrovivace
@san juan a tout dit : la république c’est la mort !
… et on ne le constate que de trop depuis plus de deux siècles de concubinage notoire des catholiques avec cette “traînée” !
CQFD
Vu de Marcq
Qui peut contester que la droite méprise le combat des idées ?
Qui peut contester que la droite et le Front National sont incapables avec leurs seules forces de prendre le pouvoir ? qui peut contester que ces deux partis restent englués dans leur logique ‘ d’appareil ? qui peut contester que le « rassemblement ” ne constitue pas une fin ?
Il est bien possible qu’il y ait un antagonisme irréductible entre l’électorat libéral des grandes villes et les classes populaires.
Il est fort probable que ni la droite ni la gauche n’ont compris qu’il y a en France un courant populaire qui ne croit plus aux promesses d’égalité et de progrès ?
Il est fort probable que l’alliance entre les conservateurs, ceux qui tiennent à l’identité nationale, et les courants populaires soit majoritaire en France.
L’analyse politique de Patrick buisson est non seulement intéressante, fine, profonde et pertinente, mais elle est confirmée par les faits.
À mon humble avis sa seule faiblesse , mais c’est peut être une habileté, est qu’elle n’en tire pas toutes les conséquences ; notamment elle ne va pas jusqu’au bout de la judicieuse distinction entre « la droite originelle » et « la droite situationniste ». C’est probablement une finesse ! On ne peut pas tout balancer d’un coup, on n’opère pas un malade a chaud !