Pierre-Olivier Arduin poursuit sa réflexion sur les bébés-médicaments. Après avoir posé la question de savoir si il ne fallait pas abroger tout simplement le dispositif, il souligne l'instrumentalisation dont pourrait être victimes ces enfants et, surtout, les risques psychiques dont ils pourraient souffrir tout au long de leur vie :
"Outre les enjeux éthiques, le principe du bébé-médicament soulève des interrogations sur un plan strictement psychologique, entachant les relations parents-enfants et celles au sein de la fratrie.
Quelle sera l’attitude des parents vis-à-vis du bébé conçu ? En cas d’échec, quel sera le poids de culpabilité que devra porter l’enfant venu au monde dans le seul but de « sauver » son frère malade ? Dans l’éventualité d’un succès, quel sera le poids de la dette morale éprouvée par celui qui a été « sauvé » ? (…)
La psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval, très favorable par ailleurs au DPI, marque à ce propos sa réserve avec une formule lapidaire dont la signification est lourde de sens : « En termes analytiques, on peut présumer qu’il s’agira d’un enfant à risque psychique. » (…) Malgré cet arsenal impressionnant de mesures de contrôle, on peut déplorer l’attitude curieuse qui consiste tout de même à autoriser une pratique biomédicale dont on semble redouter plus ou moins ouvertement les conséquences néfastes sur la santé psychique des enfants concernés et leurs parents. On a beau nous démontrer que tout est fait pour encadrer le dispositif, il n’en demeure pas moins que se pose la question du principe élémentaire de précaution qui devrait ici valoir quand il s’agit de répercussions psychologiques mettant en jeu des enfants. Les principes hippocratiques de bienfaisance et de non-malfaisance ne sont-ils pas bafoués (…)
Au vu des dilemmes éthiques tangibles qu’elle soulève et de l’inanité biomédicale dont elle est entachée, il serait tout à l’honneur du législateur qu’il revienne sur une pratique qu’il a peut-être autorisée trop hâtivement (…) Politiquement, suspendre le dispositif expérimental du DPI-HLA serait bien au contraire le signe d’une capacité affûtée du législateur, témoignant qu’il peut tenir compte quand il le faut d’un affinement de la réflexion morale pour infléchir des choix qui s’avèrent en définitive excessivement problématiques. Faisant preuve d’une réserve salutaire en la matière, le Conseil d’État a ainsi estimé qu’il appartenait au législateur de « reconsidérer le double DPI » : « Les questions posées par le double DPI et le fait qu’il ait été peu utilisé pourraient justifier que le législateur envisage de mettre un terme à cette pratique ». Ce genre de remarque est suffisamment rare pour que la mission d’information parlementaire de révision de la loi bioéthique du 6 août 2004 examine sérieusement la question avant de rendre son rapport final."
VD
Le livre “ma vie pour la tienne” de Jodi Picoult, bébé conçu en espérant qu’elle serait compatible avec un autre enfant commence ainsi “Mon premier souvenir : j’ai trois ans et j’essaie de tuer ma soeur”…