Il est difficile, en toute objectivité, de se satisfaire de ce débat de l'entre deux tours. Le temps viendra, sans doute après les législatives, où Marine Le Pen et le FN devront en faire une critique à froid. Les limites de la ligne "ni droite ni gauche" prônée par Florian Philippot étaient évidentes hier soir.
A trop insister sur l'économie et la monnaie, sujet mal maîtrisée par la candidate, à ne plus vouloir choisir entre une sortie de l'UE et d'hypothétiques négociations avec les 26 autres membres de l'UE et les 18 de la zone euro, Marine Le Pen en a oublié les fondamentaux. A part sur le terrorisme islamiste et l'accusation de crime contre l'humanité où elle a été percutante, les électeurs de Fillon attendaient qu'elle leur parle d'identité de la France, de sécurité et surtout d'immigration !
Dans ce débat depuis le début, pas un mot sur l'immigration. L'un des sujets le plus important, et rien du tout. Bravo. ? #2017LeDébat
— Julien Rochedy (@JRochedy) 3 mai 2017
Marine le Pen est au second tour et le débat d'entre deux tours n'a pas abordé l'immigration…
— Laurent Dandrieu (@Dandryeu) 3 mai 2017
Mais au delà des critiques immédiates et sans nuance des médias français acquis à 95% à la cause d'Emmanuel Macron, à l'image de Ruth Elkrief se délectant dès la fin du débat à enfoncer Marine Le Pen de manière tellement visible, il est intéressant de constater que ce débat a été perçu à l'étranger de manière beaucoup plus nuancée et laissant transparaître le véritable enjeu du 7 mai :
"Pour le New York Times, le face-à-face a plus eu l’air d’une « empoignade dans le style de la télévision américaine qu’une discussion raisonnée telle que les Français en ont pris l’habitude ». « C’était un cas de violent combat verbal : les deux ont été agressifs, se coupant la parole, remuant les poings, pointant du doigt, laissant les modérateurs perplexes et impuissants », poursuit le quotidien, qui y voit « la démonstration frappante de deux visions radicalement différentes de la France ».
Le Washington Post, l’autre grand titre de la côte est des Etats-Unis, insiste lui aussi sur le fait que ce type de débat est « d’ordinaire sobre et mesuré », mais que celui-ci a été « une rixe à l’américaine » où « les insultes ont volé » (…)
Sur le site Politico, on peut lire que les deux candidats « se sont affrontés pendant plus de deux heures dans un débat tendu qui a mis en évidence leurs désaccords sur tout, de l’école à l’Union européenne ».
Le site référence sur la vie politique américaine décrit une Marine Le Pen au « sourire suffisant » face à un Emmanuel Macron adoptant « à l’occasion un ton professoral ». Politico considère que le candidat d’En marche ! l’a « emporté aux points, apparaissant plus précis » mais qu’aucun des deux n’aura su convaincre les indécis (…)
Le correspondant de la BBC à Paris n’hésite pas à lancer de son côté qu’il a assisté « à un grand débat, de ceux dont les gens se souviennent », un duel entre « l’agression de la démagogue » et la « rationalité cartésienne du technocrate brillant ». Pour lui, ce face-à-face « entre la nation et le monde » va « bien au-delà des frontières de la France, c’est pour cela que cette confrontation explosive restera dans les annales » (…)
L’analyse diffère nettement dans Le Temps, qui parle d’un « débat au goût très amer », en partie parce que « la candidate d’extrême droite, en le harcelant, n’a jamais été ébranlée malgré ses contre-vérités ». Ce « dialogue de sourds » n’a pas permis à M. Macron « d’imposer son discours pédagogique », commente le journal suisse. L’erreur de l’ancien ministre de l’économie, « piégé par ses formules de technocrates » : « Laisser au nom de la courtoisie la candidate du Front national dicter le rythme du débat. »
Conclusion du quotidien : le face-à-face pourrait « creuser la pente déjà glissante qu’une partie de l’électorat de droite pourrait décider d’emprunter le 7 mai. Soit en s’abstenant. Soit en votant Le Pen au nom de la France des “valeurs”. »