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« Pour qu’Il règne ! », thème du prochain pèlerinage de Pentecôte vers Chartres

« Pour qu’Il règne ! », thème du prochain pèlerinage de Pentecôte vers Chartres

Du père Luc, bénédictin de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, dans L’Appel de Chartres du mois de septembre :

Chers pèlerins,

« Pour qu’Il règne ! »

Le thème du pèlerinage 2025 ne peut que soulever un enthousiasme débordant. Vous ne me croyez pas ? Essayons de réfléchir un peu, en ce début d’année. Deux motifs au moins
autorisent un authentique enthousiasme pour le Christ-Roi.

Premièrement, il n’y a pas de meilleur but que nous puissions nous fixer que celui-ci : « Pour que le Christ règne ». Pas de but plus enthousiasmant. En effet, « Si les hommes venaient à reconnaître l’autorité royale du Christ dans leur vie privée et dans leur vie publique des bienfaits incroyables — une juste liberté, l’ordre et la tranquillité, la concorde et la paix — se répandraient infailliblement sur la société tout entière » (Pie XI, encyclique Quas primas).

Deuxièmement. « Pour qu’il règne », c’est un… but. Evident ! Or, un but n’est pas réalisé. Encore évident. Surtout un tel but, si élevé, si noble, ne sera jamais réalisé entièrement sur terre. Mais, voici mon argument : c’est précisément pour cela que c’est enthousiasmant. Pourquoi ? Parce que cela nous invite à être créatifs ! Être créatifs ne signifie, certes, pas « faire table rase du passé » (comme on disait en 1968). Être créatifs signifie, au contraire, être inventifs pour découvrir, en s’aidant des meilleures traditions, les secrets des bonnes fondations, afin de
bâtir sur du roc. À ce point de notre réflexion, je devine que d’innombrables questions montent à vos lèvres. Je  vous propose de répondre à quelques-unes d’entre elles.

Mon père, le thème de cette année est bien beau, mais je ne vois pas trop comment m’y prendre, ni par où commencer. Pour qu’Il règne, c’est vaste ! Comment faire ?

Réponse. Pourquoi ne pas commencer par (re-)lire les deux encycliques auxquelles renvoie le Catéchisme de l’Église catholique lorsqu’il rappelle « la royauté du Christ sur toute la création et en particulier sur les sociétés humaines » (n° 2105) ? Ces deux encycliques sont Immortale Dei de Léon XIII (1er novembre 1885), et Quas primas de Pie XI (11 décembre 1925). Elles sont riches d’enseignement et on peut en trouver le texte sur le site du Saint-Siège. À la lecture de ces documents charpentés, il apparaît clairement que la doctrine catholique sur le ChristRoi n’est pas du tout nuageuse, mais, au contraire, bien précise, dans ses structures essentielles (quoi qu’il en soit de détails qui, dans ces encycliques, ne concerneraient qu’une époque). Le point essentiel est celui-ci : il ne s’agit pas seulement, pour les catholiques, de mener une vie spirituelle fervente. Le pape Pie XII y insistait avec force dans un discours aux congressistes de l’Union internationale des ligues féminines catholiques :

«Sous couleur de défendre l’Église contre le risque de se fourvoyer dans la sphère du “temporel”, un mot d’ordre, lancé il y a quelques dizaines d’années, continue de s’accréditer dans le monde : retour au pur “spirituel”. Et l’on entend par là la confiner étroitement sur le terrain de l’enseignement strictement dogmatique, l’offrande du saint sacrifice, l’administration des sacrements, lui interdire toute incursion, tout droit de regard même, sur le domaine de la vie publique, toute intervention dans l’ordre civil ou social. Comme si le dogme n’avait rien à voir dans tous les champs de la vie humaine, comme si les mystères de la foi avec leurs richesses surnaturelles devaient s’abstenir de maintenir et tonifier la vie des individus et, par conséquence logique, d’harmoniser la vie publique avec la loi de Dieu, de l’imprégner de l’esprit du Christ ! Pareille vivisection est tout simplement anticatholique. Le mot d’ordre doit être, tout au rebours : pour la foi, pour le Christ, dans toute la mesure du possible, présence partout où sont en cause les intérêts vitaux, où sont en délibération les lois qui regardent le culte de Dieu, le mariage, la famille, l’école, l’ordre social, partout où se forge, par l’éducation, l’âme d’un peuple. » (12 septembre 1947)

En définitive, comme l’explique Pie XI, « Ce serait une erreur grossière de refuser au Christ-Homme la souveraineté sur les choses temporelles, quelles qu’elles soient (…). »

« Sa dignité royale exige (postulet) que l’État tout entier se règle sur les commandements de Dieu et les principes chrétiens dans l’établissement des lois, dans l’administration de la justice, dans la formation intellectuelle et morale  de la jeunesse, qui doit respecter la saine doctrine et la pureté des moeurs. » (Encyclique Quas Primas)

Voilà un programme bien irréaliste, en 2025 ! Ne pensez-vous pas ? À notre époque, peut-on travailler à une telle victoire du Christ-Roi ?

De nos jours, on peut s’efforcer de préparer, de manière lointaine, une telle victoire dans l’État tout entier. La raison en est que le Christ est le Créateur de l’univers et qu’Il est victorieux du péché par sa Croix. Avec une pointe de paradoxe, je vous dis :

« Vous devez et vous pouvez travailler (autant que la situation le permet) pour que Jésus règne, précisément… parce qu’Il règne déjà ! »

Oui, c’est parce qu’Il règne sur le cosmos et sur nos âmes rachetées, que nous pouvons et devons œuvrer (même très modestement, à cause des innombrables obstacles) « pour qu’Il règne » sur les chefs d’état, sur les parlements, sur la vie politique tout entière. Nous n’avons pas le choix. Serait-il cohérent de faire appel à un autre que le Créateur et le Rédempteur ? Les sociétés, avec toute leurs activités politiques, seraient-elles les parties d’un autre univers que le nôtre ?

Est-il possible de demander que les chefs d’état  rendent un culte à Dieu, dans l’état de moralité où se trouve la France ?

La chrétienté doit être installée en profondeur dans un pays avant que ses chefs d’état, s’ils sont catholiques, ne rendent à Dieu un culte public (CEC 2105). Autrement la chrétienté ne serait qu’une forme de mensonge collectif. Ce serait une chrétienté de nom, pas une chrétienté de fait. Aujourd’hui, la situation politique de notre pays peut se comparer au triste état d’un prêtre en prison. Prenons l’exemple de Mgr N’Guyen van Thuan. Le saint évêque vietnamien ne pouvait célébrer la messe qu’avec des moyens réduits, dans sa prison. Cela n’empêche pas que la célébration de la messe avec l’ensemble de tous les rites reste l’objectif à viser, en temps normal. De même, il faut viser l’établissement d’une société chrétienne, avec son trésor de culture et de législations. Ce qui ne veut pas dire que Dieu ne trace pas droit même avec des lignes courbes. Les persécutions sont occasions d’un élan de ferveur. Le mal est occasion d’un bien. On l’a vu en Pologne sous le régime communiste.

Voulez-vous dire que l’état désastreux de la France est une chance ?

Non, ce n’est pas une chance. Certes, les persécutions rendent possible la floraison des martyrs, mais aussi… la chute des apostats. Les faibles tombent. À l’inverse, l’état de la société où
règne substantiellement le Christ est celui où il est plus facile de faire son Salut. Qu’on pense au royaume de saint Louis. C’est à quoi nous devons travailler, avec les moyens modernes. Internet produit des effets pervers. Mais internet rend aussi possibles des actions qui paraissaient très au-dessus de leurs forces aux Français de 1975, par exemple. N’oublions pas non
plus que les forces surnaturelles sont très supérieures aux puissances du mal. La porte est ouverte à nos initiatives. Avec la grâce de Dieu, un bien, même limité, peut sortir d’une situation désastreuse. Fixonsnous des objectifs à notre portée. Soyons à la fois humbles, raisonnables et magnanimes !

En quoi une loi peut-elle rendre plus facile de faire son Salut ?

Il suffit d’observer les ravages d’une mauvaise loi, pour comprendre les bienfaits d’une bonne loi.

Simone Veil, l’auteure de la loi sur l’avortement, a pu déclarer à une journaliste : « Ceci me fascine : en modifiant la loi, vous pouvez modifier fondamentalement le modèle du comportement humain. Et par le biais d’une loi légalisant l’avortement, vous changerez de façon fondamentale la position de la femme et de l’enfant dans la Société » (à Carole Morre, le 3 mars 1975).

Dans un autre ordre d’idée, selon le célèbre franc-maçon Pierre Simon : « La révision du concept de vie, induite par la contraception, peut (…) transformer la société dans son intégralité. » (De la vie avant toute chose, Mazarine, 1979, p. 85) En faut-il davantage pour comprendre l’importance de faire le pèlerinage de Chartres 2025, 50 ans après la loi Veil, « pour qu’Il règne » ?
Le pape François a rappelé, devant le parlement européen, l’importance du patrimoine chrétien :

«J’estime fondamental, non seulement le patrimoine que le christianisme a laissé dans le passé pour la formation socioculturelle du continent, mais surtout la contribution qu’il veut donner, aujourd’hui et dans l’avenir, à sa croissance. Cette contribution n’est pas un danger pour la laïcité des États ni pour l’indépendance des institutions de l’Union, mais au contraire un enrichissement. (…) Je suis convaincu qu’une Europe capable de mettre à profit ses propres racines religieuses, sachant en recueillir la richesse et les potentialités, peut être plus facilement immunisée contre les nombreux extrémismes qui déferlent dans le monde d’aujourd’hui, et aussi contre le grand vide d’idées auquel nous assistons en Occident, parce que “c’est l’oubli de Dieu, et non pas sa glorification, qui engendre la violence”. » (25 novembre 2014)$

Mon Père, je suis étudiant, je suis père ou mère de famille, que puis-je faire ?

Premièrement, vous convaincre que vous devez tous faire quelque chose pour le Christ-Roi. Pas seulement d’une manière privée, mais aussi d’une manière publique. Jean-Paul II le soulignait énergiquement dans une ample exhortation aux fidèles laïcs, en 1988 :

« Des situations nouvelles, dans l’Eglise comme dans le monde, dans les réalités sociales, économiques, politiques et culturelles, exigent aujourd’hui, de façon toute particulière, l’action des fidèles laïcs. S’il a toujours été inadmissible de s’en désintéresser, présentement c’est plus répréhensible que jamais. Il n’est permis à personne de rester à ne rien faire. » (Christifideles laïci, n° 3)

Deuxièmement, ne pas déserter votre devoir d’état familial ou professionnel, vos études ou votre enseignement. Serait-il cohérent qu’une maman ne s’occupe plus de ses enfants, sous prétexte de réunions politiques ?

Troisièmement, dans le cas où votre devoir d’état vous empêche de mener une action de quelque envergure dans le domaine public, vous pouvez, du moins, apporter une aide plus limitée à d’autres, qui ont consacré l’essentiel de leur emploi du temps pour une politique au service du Christ-Roi. Vous devez aussi vous rappeler, surnaturellement, la puissance missionnaire de vos simples activités quotidiennes. Le  pape François met en lumière l’indéniable force évangélisatrice qui en ressort :

« Les missionnaires, en effet, dont Thérèse de l’Enfant-Jésus est la patronne, ne sont pas seulement ceux qui parcourent de longues distances, apprennent de nouvelles langues, font de bonnes œuvres et sont doués pour l’annonce ; non, missionnaire l’est aussi celui qui vit, là où il se trouve, comme instrument de l’amour de Dieu ; c’est celui qui fait tout pour que, par son témoignage, sa prière, son intercession, Jésus soit manifesté. » (Audience générale du 7 juin 2023).

Père Luc, o.s.b.

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