De Rémi Fontaine pour Le Salon beige (extraits de Le communautarisme est-il est un péché ? Via Romana, 2008) :
– Le communautarisme est un concept analogique, comme on dit en philosophie, fondé sur une réalité : la communauté. C’est-à-dire qu’il se dit et se vit de plusieurs façons plus ou moins bonnes ou mauvaises, selon qu’il est plus ou moins ordonné ou non au bien commun général.
D’après le petit Robert c’est un système (disons une pensée ou doctrine) qui développe (défend) la formation de communautés par opposition au métissage individualiste. Par extension, ce peut être la proposition d’une société selon un modèle organique (subsidiarité) plutôt que mécaniste (étatisme laïciste). Mais l’homme étant naturellement un animal social et politique, personne en fait (à part l’ermite ou la brute) n’échappe au communautarisme. Pas même le laïcisme jacobin de stricte observance qui, après la destruction (partielle) des corps intermédiaires, recrée artificiellement ses propres communautés (départements, partis, lobbies de toutes sortes : gay, féministe, immigrationniste…) selon le principe maçonnique : « dissoudre et coaguler ».
Il faut donc bien distinguer :
– les communautés légitimes (dites d’ouverture), naturelles ou d’élection, de droit inné ou acquis, qui répondent diversement au bien commun national. Par exemple : les familles, les paroisses, les communes, les provinces, les communautés de travail ou corps de métier, les catholiques ou les protestants de France, le peuple breton ou corse, les Portugais ou les Arméniens habitant en France, la communauté des harkis, les corps de métiers, un club de joueurs de pétanque, etc. ;
– les communautés illégitimes (dites aussi d’enfermement), artificielles ou contre-nature, parce que fondées sur un désordre politique, moral ou religieux qui nuit au bien commun. Par exemple : les mafias de toutes sortes, un certain lobby gay par son prosélytisme exclusif, un certain lobby islamiste prônant le terrorisme, la secte du temple solaire, etc…
Il faut distinguer à la fois pour unir (les communautés légitimes) et pour opposer (les légitimes aux moins légitimes, voire aux malsaines)…
– Et du point de vue catholique, qu’en est-il justement ?
– En tant qu’universelle et que société surnaturelle de personnes, l’Eglise catholique assume toutes les communautés et tous les communautarismes légitimes (par inculturation) à commencer (ou à finir) par celui de la nation, société naturelle de familles. Par sa réunion du naturel et du surnaturel, du temporel et du spirituel, de la singularité et de l’universalité, elle seule sans doute dépasse vraiment le communautarisme ou constitue éminemment le Communautarisme d’ouverture (avec un C majuscule) auquel participent les sains et légitimes communautarismes ! (…) Je rejoins Denis Sureau lorsqu’il déclare :
« L’Eglise n’est pas une association particulière parmi d’autres mais une communauté plus vaste, la seule véritablement universelle, “catholique” au sens originel du terme. Accepter le présupposé propre à la modernité libérale selon lequel la “catholica” n’est qu’une partie du tout constitué par la communauté nationale conduit inévitablement à refuser toute prétention de cette partie à imposer ses vues – prétention odieuse et « sectaire ». Contre le projet moderne de privatiser la foi et de marginaliser l’Eglise, nous devons retrouver la dimension publique, sociale, du Salut. »
Communauté comme communion universelle de personnes, mais aussi communion de communautés, l’Eglise est assurément « la seule internationale qui tienne »… Pour s’épanouir, la communauté ecclésiale a besoin de communautés temporelles spécifiquement chrétiennes, selon le théorème de Madiran inspiré de Péguy et vérifié par l’histoire :
« Il ne suffit pas d’avoir la foi. Nous sommes faits pour vivre notre temporel en chrétienté. Ailleurs quand ce n’est pas le martyre physique, ce sont les âmes qui n’arrivent plus à respirer. »
Les laïcs catholiques aideront d’autant mieux l’Eglise à faire son œuvre salvatrice dans cette société sécularisée qu’ils seront capables de restaurer un pouvoir temporel du laïcat chrétien distinct aussi bien des autorités religieuses (si possible amies) que des autorités civiles (neutres ou hostiles)… Il importe pour eux de rétablir un (contre-)pouvoir spécifique composant ou luttant en prudence avec le pouvoir civil en place en vue précisément de restaurer la juste distinction et la coopération (sub)ordonnée des ordres temporel et spirituel.