Lettre de Mgr Marc Aillet adressée à toutes les paroisses, communautés et familles du diocèse en ce mois de Marie :
"Les questions sociétales, qui agitent notre pays aujourd’hui,
atteignent nos communautés chrétiennes qui ne sauraient demeurer à
l’écart de la lutte pour la justice et la promotion du bien commun.
C’est bien dans ce but que les évêques de France ont été nombreux à
élever la voix pour provoquer un débat sur le projet de loi dit de
« mariage pour tous », et inviter les fidèles « à se manifester » pour
que cette voix soit entendue.Force est de constater que les millions de citoyens qui, de manière
pacifique et avec le souci de respecter les personnes, ont manifesté
leur opposition au projet de loi Taubira, à l’appel du collectif « la
manif pour tous », n’ont pas été entendus. Ils peuvent même avoir la
forte impression d’être ignorés, voire méprisés. Comme si l’on pouvait
impunément faire l’impasse sur un mouvement populaire de cette ampleur :
pétitions et manifestations de rue sans précédent, sérieux des
argumentaires déployés, renversement de l’opinion dans les sondages…
Comment s’étonner que des petits groupes, en marge de la manif pour
tous, multiplient les initiatives, parfois bruyantes mais la plupart du
temps bon enfant, pour se faire entendre ? Je pense en particulier au
mouvement des « veilleurs » qui rassemblent dans de nombreuses villes de
France un nombre croissant de jeunes déterminés, mais toujours dans la
paix et la non violence, pour manifester leur opposition à une loi qui
n’a pas encore été promulguée.J’ai conscience que le sujet, qui a rassemblé depuis des mois des
fidèles de nos paroisses, de tous horizons sociaux, culturels ou
politiques, a aussi souligné, voire exacerbé des divisions et engendré
des conflits au sein de nos communautés. C’est toujours le risque d’une
parole et d’une démarche de type prophétique. Et il faudrait davantage
encore de pédagogie pour montrer que cette opposition de bon sens au
mariage entre personnes de même sexe, non seulement n’introduit aucune
discrimination à l’encontre des personnes homosexuelles mais ne justifie
aucune stigmatisation, voire attitude violente envers elles. Qui
pourrait nier cependant qu’il y a là un enjeu anthropologique décisif
pour l’avenir de notre société ? Le concert de voix autorisées – pas
seulement des évêques, mais des représentants des grandes religions en
France, des associations familiales, de maires ou de spécialistes du
droit, de l’éducation ou de la psychologie – et l’opposition d’une part
importante de la population (56% d’opinions défavorables au projet de
loi), non pas au nom de revendications catégorielles ou d’intérêts
particuliers, mais au nom du bien commun, plaident en faveur d’une
attitude de responsabilité citoyenne.Le combat n’est certes pas à armes égales : face aux opposants au
texte de loi, qui s’avancent les mains nues, se dresse un appareil
législatif, médiatique et policier disproportionné. On pense
spontanément au combat de David contre Goliath, qui renonçait à l’armure
imposante de Saül et s’avançait contre le géant armé d’une épée avec
une simple fronde. Indépendamment des moyens que les organisateurs de
« la manif pour tous » mettront en œuvre dans les prochaines semaines
pour demander le retrait du projet de loi Taubira et s’opposer à
d’autres réformes annoncées sur la PMA pour tous et la GPA ou bien sur
l’enseignement de « la théorie du gender » à l’école, l’heure est plus
que jamais à la prière.Alors archevêque de Buenos Aires, le Pape François, en demandant aux
carmélites de son diocèse de prier et d’offrir des sacrifices pour
l’Argentine s’apprêtant à statuer sur un projet de loi semblable,
écrivait : « Il s’agit du projet de loi qui va permettre le mariage
entre personnes du même sexe. Ce qui est en jeu ici, c’est l’identité et
la survie de la famille : père, mère et enfants. Ce qui est en jeu,
c’est la vie de nombreux enfants qui seront par avance victimes de
discrimination et privés de la maturation humaine dont Dieu a voulu
qu’elle arrive avec un père et une mère. Ce qui est en jeu, c’est le
rejet total de la loi de Dieu, gravée dans nos cœurs […] Nous ne sommes
pas naïfs : ceci n’est pas simplement une lutte politique, mais une
tentative destructive du plan de Dieu. Ce n’est pas seulement un projet
de loi (celui-ci n’est qu’un instrument), mais il s’agit d’une
« manœuvre » du père du mensonge qui cherche à embrouiller et à tromper
les enfants de Dieu » (Lettre du Cardinal Bergoglio le 22 juin 2010).
Devant la menace qui pèse sur la famille en France, avec ce projet de
loi Taubira, nous sommes plus que jamais invités à la prière. Dans une
lettre pastorale adressée aux prêtres et consacrés de son diocèse, le
même Cardinal Bergoglio écrivait : « Il est temps, non de nous y
habituer, mais de nous pencher et ramasser les cinq pierres pour la
fronde de David (cf. 1 S 17, 40). Il est temps de prier » (29 juillet
2007).
Le mois de Marie ne serait-il pas propice à une telle démarche de
prière communautaire pour la France et la famille, comme nous y invitait
le bienheureux Jean Paul II dans sa lettre sur le Rosaire de la Vierge
Marie : « Il est urgent de s’engager et de prier pour une autre
situation critique de notre époque, celle de la famille, cellule de la
société, toujours plus attaquée par des forces destructrices, au niveau
idéologique et pratique, qui font craindre pour l’avenir de cette
institution fondamentale et irremplaçable, et, avec elle, pour le
devenir de la société entière. Dans le cadre plus large de la pastorale
familiale, le renouveau du Rosaire dans les familles chrétiennes se
propose comme une aide efficace pour endiguer les effets dévastateurs de
la crise actuelle » (n. 6).
La prière du chapelet a été maintes fois recommandée par le Magistère
de l’Eglise, et la Vierge Marie à Lourdes et Fatima en a confirmé les
vertus. C’est après la victoire de Lépante que le Pape Saint Pie V
institua la fête de Notre-Dame du Rosaire. C’est la prière des enfants
qui stoppa l’avancée de l’armée prussienne, à l’appel de Notre-Dame de
Pontmain en 1870, et empêcha un coup d’Etat funeste qui se tramait en
France, à l’appel de Notre-Dame de la Prière à l’Ile-Bouchard en 1947.
Je vous invite donc à vous rassembler, en famille, en paroisse ou
autres groupes, pour prier chaque jour du mois de Marie aux intentions
de la paix sociale et de la famille. Comme l’écrivait encore le
bienheureux Jean Paul II : « Prière pour la paix, le Rosaire est aussi,
depuis toujours, la prière de la famille et pour la famille.[…] La
famille qui est unie dans la prière demeure unie. » (Le Rosaire de la
Vierge Marie, n. 41). Pour le mariage et la famille, gravement menacée
aujourd’hui, et donc pour faire barrage à la loi Taubira, mais aussi
pour rétablir la paix dans nos communautés qui pourraient être divisées
sur ce sujet sociétal, pourquoi ne pas miser davantage sur la prière
communautaire du chapelet ? C’est l’arme spirituelle que je vous propose
de mettre en œuvre en ce mois de Marie. Ce sera notre « fronde de
David », avec ces cinq cailloux symbolisant les cinq mystères de notre
chapelet, et c’est Dieu qui donnera la victoire !"