L’opposition à la GPA se fonde sur de multiples arguments. La réalité nous fait voir des points de rencontre entre personnes ou courants contradictoires. Ces points qui s’imposent au delà des idéologies, apprenons à nous en saisir. Ichtus propose des formations inspirées des méthodes développées par Jean Ousset. « Anthropologie et Politique » à l’école de JP II avec Bruno de Saint Chamas à partir du 4 novembre 2014, « Faire aimer la Civilisation » par l’Art avec Nicole Buron le 13 novembre, « Les ateliers de l’Histoire » avec Martin Dauch le 19 novembre. Jean Ousset explique l’efficacité de « la méthode des recoupements »[i] pour se former et agir à partir du réel observable et reconnu par des personnes dont les « référentiels de pensée » ne sont pas les mêmes.
« Comment former et agir à partir de la méthode des recoupements : (Deuxième partie)
Si, comme le prétend saint Paul, les païens furent « inexcusables » parce qu’à travers l’ordre visible de la Création ils ne surent pas découvrir « les perfections invisibles de Dieu, son éternelle puissance et sa divinité… », c’est que le relief, si l’on peut dire, de cette création, les sillons, les itinéraires de l’ordre créé doivent être suffisamment marqués, doivent être suffisamment orienteurs et évocateurs pour que l’accusation « d’inexcusables » ne puisse être jugée outrancière.
Voire ! S’il est vrai que le relief de cette création, s’il est vrai que les sillons et itinéraires de l’ordre créé peuvent être dits orienteurs et évocateurs, il est normal, il est inévitable que cela transparaisse au moins quelque part, quelle que puisse être l’immanquable embrouille suscitée et entretenue par le chaos des opinions et des passions humaines.
Soit l’exemple d’un massif montagneux : les Pyrénées. Si l’on pouvait admettre qu’elles n’existent pas, il irait sans dire qu’on pourrait aller de Paris à Madrid n’importe quand, n’importe comment, n’importe où. Autant dire sans souci d’un itinéraire mieux adapté au franchissement d’une montagne. Mais si les Pyrénées existent, réellement, les choses vont être différentes. Sans doute, il se présentera toujours des originaux qui, pour les franchir, choisiront la face nord du Vignemale, le sommet du Nethou, ou les pentes du Canigou. Reste qu’on peut s’attendre à ce que le plus grand nombre de ceux qui souhaitent se rendre de France en Espagne, et vice versa, se rencontre à Irun ou Cerbère, au Perthus ou au Somport, à Bourg-Madame ou à Bosost.
Et cela quelles que soient les orientations générales, les intentions profondes de ceux qui vont et viennent. Français se rendant en Espagne soit pour se dorer au soleil de la Costa-Brava, soit pour aller voir les Velasquez, les Bosch, les Goya au musée du Prado ; soit pour soutenir les terroristes basques de Bilbao ou de Saint-Sébastien ; soit pour effectuer un pélerinage vers Fatima ou Santiago ; soit pour affaires ; soit pour contrebande, soit en transit vers le Maroc, etc… Et de même, bien qu’en sens contraire, les Espagnols emprunteront les mêmes points de passage obligés, soit pour aller à Lourdes ou à Lisieux ; soit à Paris aux Folies Bergères …
Autrement dit : quelles que soient les intentions, les orientations, édifiantes ou perverses, touristiques ou professionnelles ; … quel que soit le sens du transit, etc… les structures du relief pyrénéen sont telles qu’il est normal de les voir imposer aux êtres les plus disparates des « points de passage obligés », authentiques « points de rencontre ». Preuve incontestable et très objective de ce que le réel peut indiquer, quel que puissent être les motivations de l’homme.
Car ce qui est si évident au degré matériel du relief pyrénéen ne peut manquer d’être analogue au degré de l’ordre humain. Sans quoi les propos de saint Paul sur les enseignements possibles de la Création sont fumisterie pure.
En conséquence, ce que, faute de mieux, nous appellerons la « méthode des recoupements », consiste à rechercher les « points » sur lesquels des personnalités (sinon des orientations collectives) se référant à des lignes de pensée différentes n’en sont pas moins d’accord. Parce que l’accentuation du réel les y oblige.
Imaginons qu’entre les pires adversaires, entre les théoriciens les plus éloignés (au plan philosophique, moral, religieux, social, politique, culturel, etc…) on puisse quand même relever un certain nombre de ces « points de rencontre » (fortuits sans doute, mais suffisamment nets, ce ne peut être pur hasard. Et il y a gros à parier que ces « points de rencontre » correspondent à des structures tellement importantes du réel que c’est cette importance même qui a amené ces auteurs, penseurs ou théoriciens discordants à se rencontrer ainsi.
Raisonnement qui ne vaut pas seulement pour les penseurs et les écrivains. Il peut être repris au plan des cheminements institutionnels et des évolutions de l’Histoire.
C’est dire que la méthode en question peut s’appliquer non plus au jeu des opinions humaines, mais à l’enseignement des faits. Tant il est facile de constater combien tels enchaînements d’événements n’ont pas manqué, et ne manquent pas de se reproduire. Quelle que soit la différence des climats idéologiques ou la diversité des régimes politiques ou sociaux.
L’on peut même ajouter que l’enseignement de pareilles « rencontres » sera d’autant plus probant que les auteurs, acteurs ou événements, seront plus connus pour leurs orientations contraires.
Le regrettable est qu’au lieu d’être méthodiquement recherchés, répertoriés, médités, cultivés, ces points d’intersections sont le plus souvent méprisés à cause de la gangue idéologique des systèmes qui les enrobe, interdisant ainsi d’en comprendre l’intérêt.
Le regrettable est que loin de reconnaître l’avantage de ce qu’un adversaire se trouve amené à penser comme nous, au moins sur un point, on en méprise le profit. On croit même plus sage d’insinuer qu’il ne serait pas bon d’utiliser ce que l’on peut trouver chez ceux qui ne sont pas, comme on dit, « de notre bord ».
Mentalité d’un sectarisme d’assiégés pétochards. Mentalité absolument contraire à l’esprit de l’Eglise, dès ses premiers développements ! Et comme notre peur nous rend insensibles à la fierté de la célèbre parole de saint Justin, l’apologiste martyr du temps de Marc Aurèle :
« Tout est nôtre de ce qui a jamais été dit de vrai ».
Même quand cela a été dit par des païens.
Cri magnifique ! Et annonciateur de ce que Raphaël, mille quatre cents ans plus tard, représentera, somptueusement, dans les deux fresques de la Chambre de la Signature : « L’Ecole d’Athènes », faisant pensant au « Triomphe du Saint-Sacrement ». Car dès les tout débuts du Christianisme, saint Justin ne craignait pas de compter, parmi les témoins du Christ, Socrate, condamné et mis à mort sur l’instigation du démon pour son inflexible amour de la vérité !
Et saint Ambroise et saint Augustin eux-mêmes, ces deux colonnes de l’Eglise, n’allèrent-ils pas jusqu’à faire référence à l’Oracle de Delphes !? Comme si la parole d’Appolon, le dieu païen, loin d’être récusée au nom de la Révélation chrétienne, en avait été l’annonce. D’où, comme pour Raphaël tout à l’heure, la Sibylle de Delphes peinte par Michel Ange avec la Sibyle libyenne, la Sibylle de Cumes, la Sibylle persique, la Sibylle d’Erythrée, au plafond de la Sixtine. D’où encore de Cicéron enrôlé dans la mystique cistercienne ; sa conception de l’amitié s’intégrant sans difficulté dans la perspective de l’amour pur.
« Ainsi procède-t-on, e toute enquête judiciaire. Plus grave est l’objet du litige, plus les juges s’appliquent, au lieu de ne citer à leur barre qu’une série exclusive de témoins, à interroger amis, ennemis, indifférents, tous ceux qui ont pu connaître quelque phase des événements. De la confrontation des témoignages peut en effet résulter une évidence qu’aucun d’eux pris à part ne pourrait procurer : les affirmations concordantes des partis opposés se renforcent ; les dissimulations et les mensonges qu’explique la haine ou l’intérêt se tournent en confirmations manifestes ; finalement même lorsque certains détails demeurent obscurs, la substance des faits peut se dégager très nette ».
Autant d’illustrations, somptueuses ou magistrales de la « méthode des recoupements ».
Par la « méthode des recoupements », on ne cherche donc pas à concilier à tout prix des inconciliables. Elle incite seulement à chercher, à trouver, à répertorier, à utiliser les « points de rencontre » d’auteurs divergents pour faire de l’ensemble de ces « recoupements » un arsenal d’innombrables possibilités d’argumentation et d’approches. Possibilités qu’une argumentation dogmatique est incapable d’offrir dès lors qu’on s’écarte de certains milieux pour essayer d’atteindre ceux qui, plus que d’autres sans doute, ont besoin de ce que nous prétendons apporter. »
A suivre …la semaine prochaine…
[i] Permanences n° 174, novembre 1980, p. 36 à 41.