Voici le témoignage d’un médecin confronté chaque jour à la mort au sein d’une unité de soins palliatifs. Alix de Bonnières témoigne de ces derniers moments vécus avec des patients en fin de vie. Extrait :
"Une autre question me taraude souvent : choisit-on, dans une certaine limite, le moment de sa mort ? Mme Danièle décline depuis plusieurs jours. Les soignants s'étonnent qu'elle tienne le coup. Nous multiplions les avis d'aggravation auprès de ses proches, et chaque matin, nous la retrouvons de plus en plus fragile, mais toujours présente, on dirait qu'elle économise ses dernières forces. Tout prend son sens quand une aide-soignante nous explique que le petit-fils de Mme Danièle termine son stage aux Etats-Unis dans quelques jours et qu'il a prévu de se rendre à son chevet directement après l'atterrissage. Mme Danièle s'est éteinte dans la nuit qui a suivi sa visite.
L'instant de la mort reste un mystère. La volonté ou l'inconscient peuvent-ils influer sur cette dernière heure ? Nous avons tous en tête des exemples de patients ayant attendu l'anniversaire de la mort de leur conjoint, la naissance d'un petit-enfant, la date de leur propre anniversaire, une réconciliation ou une ultime visite avant de mourir. Cela nous amène systématiquement, même auprès de malades plongés dans le coma, à leur glisser à l'oreille l'arrivée prévue d'un proche. A l'inverse, et malgré le souhait de l'entourage, certains patients "choisissent" de s'éteindre quelques minutes après le départ de leur conjoint ou de leur fille ou d'un proche, alors que ceux-ci ont été présents tout au long de la maladie. […]
Ces coïncidences mystérieuses frappent tout le personnel. Agnostique ou croyant, chacun s'interroge en son for intérieur : que se passe-t-il dans le subconscient de quelqu'un qui va mourir ?"