Suite de la série d’articles de Pierre de Thieulloy, ancien officier et auteur d’ouvrages sur les tempéraments et les humeurs, pour le Salon beige (le 1er article est disponible ici):
Comme nous l’avons vu dans l’article précédent, le premier point qui divise opposants et partisans de l’ennéagramme est celui de son origine. Il y a deux sons de cloche bien différents. D’un côté les partisans de Helen Palmer affirment, avec plus ou moins d’assurance, que le sigle de l’ennéagramme remonterait à Evagre le Pontique, moine du 4e siècle, et même au-delà. De l’autre les opposants, après un véritable travail d’enquête, ne trouvent aucune trace sérieuse permettant d’accréditer cette croyance. Aucune trace écrite de l’ennéagramme avant Gurdjieff (20e siècle), sauf trois lignes équivoques d’Evagre.
Or il convient, me semble-t-il, de faire la lumière sur ce point car la vie et la personnalité de Gurdjieff sont pour le moins troublantes. Gurdjieff, qui a été l’un des principaux propagateurs de l’ennéagramme, en est-il le père ? Ou alors est-il le premier maillon visible d’un enseignement humain ancestral ?
Une personnalité encombrante
Georges Gurdjieff est né dans le Caucase vers les années 1870. Il propage vers 1916 une méthode de développement personnel qu’il appelle la quatrième voie et qu’il associe à la figure de l’ennéagramme. La vie et la doctrine de Gurdjieff sont accablantes, c’est le moins qu’on puisse dire.
Nous en avons connaissance par les témoignages de ses disciples dont l’un des plus fameux est le journaliste français Louis Pauwels, fondateur et directeur du Figaro, qui rassembla en 1954 ses souvenirs dans un livre intitulé Monsieur Gurdjieff. Un autre de ses disciples est le journaliste russe Piotr Ouspenski qui a mis par écrit l’enseignement de son maître dans l’ouvrage : Fragment d’un enseignement inconnu. Dans ces deux livres, Gurdjieff apparaît comme un mage au comportement détestable, archétype malsain et antipathique du gourou sectaire.
Gurdjieff a enseigné l’ennéagramme. Il en a dessiné le sigle qu’il a transmis à ses disciples. Lui-même n’a pas mis par écrit son enseignement. Il est cependant l’auteur d’un ouvrage publié à titre posthume dont le seul titre en dit long sur le personnage : Récits de Belzébuth à son petit-fils.
Origine ancestrale ou affabulation ?
Que ce personnage sulfureux soit le père de l’ennéagramme, voilà qui n’est pas du goût des disciples de Helen Palmer. Car l’ennéagramme de Helen Palmer est avant tout la description de neuf types de personnalité, description incomplète à mon sens mais très fine et très juste selon ce que j’ai pu moi-même en juger. Rien de malsain selon moi, rien de grossier dans cette description. Il s’agit avant tout de contempler les extrêmes différences de sensibilité qui existent entre les hommes divisés en neuf groupes. La part de lumière et de vérité qui selon moi fait l’attrait des ouvrages de Palmer s’accommode donc mal avec la vie obscure du sulfureux Gurdjieff. Voilà sans doute pourquoi les disciples de Palmer ont recherché une paternité plus ancienne et plus recommandable au fameux sigle de l’ennéagramme en évoquant Evagre le Pontique qu’ils présentent comme un père de l’Eglise.
Malheureusement, un examen sérieux de la vie et des œuvres dudit Evagre nous apprend non seulement que le seul passage où il évoque une figure proche de l’ennéagramme est un paragraphe obscur et dénué de sens, mais encore que ce moine égyptien a été réprouvé par l’Eglise.
Comment donc des chrétiens peuvent-ils se recommander d’Evagre, alors que ces écrits ont été condamnés par l’Eglise au 6e siècle ? Saint Jean Climaque spécialiste des vices et des vertus n’hésite pas à dire de lui : « Evagre le réprouvé se crut le plus sage des sages dans ses pensées et ses paroles. Mais il était dans l’illusion le malheureux et il se révéla plus fou que tous les fous en bien des choses. »[1]
L’origine de l’ennéagramme fait encore débat. Les recherches les plus approfondies montrent que rien n’est sérieusement établi avant Gurdjieff. Quant aux trois lignes d’Evagre le réprouvé, elles semblent avoir été arrangées à la sauce mensongère. Pour ma part, je suis désormais convaincu que l’origine ancestrale de l’ennéagramme est une affabulation. Affabulation élaborée par qui ? Ne serait-ce pas l’œuvre de quelque roublard rusé qui aurait pressenti dans cet enseignement une opportunité commerciale ?
[1]Saint Jean Climaque, L’échelle Sainte, Editions de Bellefontaine, 2007, page 182.
Montalte
Non, Evagre le Pontique n’est pas condamné par l’Eglise. Certains de ses écrits l’ont été au VIe siècle du fait de l’influence d’Origène mais l’eau a coulé sous les ponts depuis. Il a au contraire influencé de nombreux pères de l’Eglise, dont, justement, Jean Climaque et il est encore enseigné en théologie. Il est d’ailleurs saint de l’eglise assyrienne.
La démonstration n’est pas convaincante car on ne sait pas quelles sont ces 3 lignes obscures et en quoi elles sont mensongères. Je ne suis pas fan de l’enneagramme mais je ne comprends pas bien cette opération de déstabilisation approximative, en 10 articles en plus. Louis Pauwels aurait été adepte d’un gourou maléfique tout en le décrivant comme tel ? Très bizarre
Jean-JulesvanRooyen
Les ennéagrammes et les idées autour, sont sulfureux. Les Fables de La Fontaine sont plus intéressantes.
Comprend pas pourquoi LSB s’occupe des histoires sulfureuses.
Louis Pauwels (+1997), cher lecteur, était francmaçon, donc un corrompu. Mais il connaisait les puissances de l’ombre.
Il s’est converti Chrétien, en 1985, et il a dit : “Il existe un complot mondial antichrétien qui vise à affaiblir la foi et si possible à la dissoudre dans un humanisme de belles paroles mais vides de sens. Il veut diviser l’Eglise et provoquer un schisme.”
(Vat II, 2 papes FM, J XXIII, P VI !!)
Un siècle avant Pauwels, Emile Zola, et ex-maître et Prince suprême du Grand Orient, converti en 1896 à Rome, disait la même chose.
“Ils l’ont eu”, Zola était assassiné en 1902.
Montalte
Vous ne démontrez rien du tout. pourquoi “sulfureux” ? Vous n’avez pas plus d’arguments que l’article. Et si Pauwels s’est converti, pourquoi était-il convaincu par l’enneagramme.