Suite à l’article de Libération qui s’inquiétait de la hausse des baptêmes d’adultes dans l’Eglise catholique en France, le père Danziec revient dans Valeurs Actuelles sur cet état d’alerte soudain et rassure tout le monde : les nouveaux baptisés n’ont pas pour objectif de mettre le goupillon sous la gorge de leur prochain :
« Qui a peur du baptême de Clovis ? » Telle était l’interrogation posée par l’ouvrage collectif du même nom, publié en 2011 par l’association Renaissance Catholique. Alors que le pape Jean-Paul II s’apprêtait à effectuer son cinquième voyage en France, une vague de protestations savamment orchestrées alors par la gauche – notamment le réseau Voltaire et le Grand Orient de France – appelait au sursaut face à l’obscurantisme romain. Nous sommes en 1996 et le pontife polonais, en plus de se rendre à Sainte-Anne-d’Auray, à Tours et Saint-Laurent-sur-Sèvres, allait célébrer à Reims le XVème centenaire du baptême de Clovis. C’en était trop pour des militants encore tout heureux des festivités républicaines du bicentenaire de la Révolution. En quelques 300 pages, l’ouvrage revient sur cette polémique mais aussi sur les circonstances historiques du baptême de la France, son enjeu et sa pérennité. La méditation de nos origines a toujours valeur de flambeau quand la nuit vient et que les certitudes vacillent.
Car, depuis, presque trente ans ont passé et ce n’est plus seulement du baptême de Clovis dont certains ont peur, semble-t-il, mais bien du baptême tout court. Ce boom des baptêmes d’adulte, Libération s’y est penché tout récemment. L’enquête est annoncée en gros caractères accrocheurs à la Une du quotidien : « Jeunes cherchent plan culte » ou l’art de l’élégance du titre… Dans son éditorial Alexandra Schwartzbrod fait part de son trouble – c’est le mot qu’elle emploie – devant la hausse continue de baptêmes de jeunes adultes ces cinq dernières années en France : « Le monde actuel serait-il donc si déstabilisant et angoissant que la religion apparaisse comme l’ultime refuge des jeunes ? C’est sans doute l’explication principale. » et de conclure :
« Cette tendance en tout cas, ne devrait pas être prise à la légère, elle en dit long sur une absence de foi en l’avenir des plus jeunes et surtout un besoin d’ancrage et d’espérance que les politiques comme la société civile devraient se mettre en capacité d’assouvir. »
Le sens de la vie et Saint-Exupéry
Il y aurait objectivement beaucoup à dire sur cet éditorial. Mais c’est l’interrogation elle-même qui mériterait au premier chef d’être retournée. Ne serait-ce pas, justement, parce que toute notion de transcendance a disparu à mesure des coups de boutoir de la société de consommation et du plaisir que notre monde est devenu déstabilisant et angoissant ? L’absence de verticalité et ses conséquences ne sont-elles pas l’aveu que les valeurs horizontales éculées en cours d’éducation civique ne savent répondre aux appétits intérieurs de la jeunesse ? Aux avant-postes de la décadence, Antoine de Saint-Exupéry avertissait déjà : « Ce pourquoi tu acceptes de mourir, c’est cela seul dont tu peux vivre ». Mourir pour sa belle, quand on ne la considère que comme le coup d’un soir ? Mourir pour son pays, quand on n’a eu de cesse d’entendre pis que pendre sur son histoire ? Mourir pour l’honneur, quand l’heure est aux influenceurs à Dubaï ou aux transferts de footballeurs changeant de maillot comme d’autres changent de chemise ? Mourir pour ses idées, quand trop de politiques ne nous habituent qu’à leur retournement de veste ?
Lors de la dernière fête de Pâques, Mgr Matthieu Rougé signait dans Le Figaro une jolie tribune pour se réjouir, au contraire, de la hausse du nombre de catéchumènes. « Une bonne surprise pour l’Eglise et une chance pour notre société » considérait-il. Et si l’évêque de Nanterre faisait remarquer avec honnêteté que le chiffre des 12 000 jeunes et adultes baptisés à l’occasion des fêtes pascales « répercute pour une part la baisse du nombre des enfants baptisés dès la naissance et par conséquent la hausse de ceux qui ne le sont que plus tard » et que, malheureusement, « il ne suffit pas à endiguer l’effacement numérique et culturel du catholicisme de masse d’autrefois », il y voyait surtout un signe d’espoir.
Un aveuglement considérable
La religion catholique est sans péché mais elle n’est pas sans pécheurs, c’est peu de le dire et j’en suis. Il n’en reste pas moins que son message de charité et de dévouement, la pacification des mœurs qu’elle suggère, ne serait-ce que pour un motif pascalien, son univers de beauté et le souffle de ses plus illustres représentants allant du bon saint Vincent de Paul à la bienfaisante Mère Teresa méritent tout de même qu’on s’y arrête.
Que trop peu de personnes le fasse, c’est l’objet de mon désarroi. Mais que les signes d’espérance composés par chacun de ces jeunes baptisés soient l’objet d’une inquiétude, montre à quel point l’aveuglement devant les impasses de la postmodernité reste considérable.
Quel dommage lorsque l’on sait avec Gaspard Proust qu’« un chrétien intégriste qui applique le Nouveau Testament à la lettre, c’est un mec qui se met à embrasser tout le monde dans la rue ». Amis défiants devant le christianisme missionnaire, n’ayez pas peur ! Les baptisés d’hier comme ceux d’aujourd’hui ne vous veulent qu’une chose : votre bonheur en ce monde. Et aussi dans l’autre. Tout particulièrement.