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L'Eglise : Foi

Qui nous enseigne, puisqu’on y passera tous, à nous préparer sereinement à la mort ?

Qui nous enseigne, puisqu’on y passera tous, à nous préparer sereinement à la mort ?

Du père Danziec dans Valeurs Actuelles :

Dante et sa Divine comédie rencontreraient-ils le même succès aujourd’hui ? Chef-d’œuvre de la littérature mondiale, divisé en trois parties, l’ouvrage maître du poète florentin narre un voyage dans l’éternité : l’Enfer, le Purgatoire, le Paradis. Mais qui croit encore à ces trois réalités qui appartiennent à la foi et à l’enseignement constant de l’Église catholique ?

De Brassens fredonnant « un p’tit coin de parapluie contre un coin de paradis » à l’iconique Cruella d’enfer dans le dessin animé de Disney les 101 Dalmatiens, les images ou formules évocatrices liées à notre devenir après la mort continuent pourtant de nous rattraper. L’Enfer, le Purgatoire, le Paradis font partie de notre patrimoine culturel. Mais pour ce qui est de notre patrimoine civilisationnel, jusqu’à quand ? « Ce pour quoi tu acceptes de mourir, c’est cela seul dont tu peux vivre », écrivait Antoine de Saint-Exupéry. La façon dont nous intégrons la réalité de la mort permet effectivement de mesurer le degré d’intensité de notre manière de croquer la vie.

La mort s’invite sur le plateau de Pascal Praud

L’universitaire Guillaume Cuchet, dans sa remarquable étude Comment notre monde a cessé d’être chrétien (Seuil, 2018), voyait justement dans la disparition, depuis les années 1960, de l’évocation des fins dernières dans la prédication des prêtres l’un des motifs majeurs de l’effondrement du christianisme. Ce qui s’est passé lors de l’émission de l’Heure des pros, le 1er  novembre dernier, est à cet égard tout à fait évocateur de cette perte du sens de l’éternité qui modifie dangereusement nos repères civilisationnels.

Mercredi matin dernier, en effet, la thématique de la vie après le trépas s’est invitée sur le plateau. Séphane Allix, auteur de La mort n’existe pas (Harper Collins) venait en effet présenter le fruit d’une longue enquête sur les expériences de mort imminente, la question de la conscience et les phénomènes inexpliqués dans les services hospitaliers. Sa thèse essentielle pourrait se résumer en une phrase : la mort n’est pas la fin de la vie. Devant une telle assertion, Pascal Praud sent ses invités mal à l’aise et les interroge : « Croyez-vous en la vie éternelle ? » Si Gauthier Le Bret garde le silence, Dominique Jamet montre aux téléspectateurs l’image d’Épinal du cartésien : ne croyant que ce qu’il voit, sa réponse est négative.

Éric Naulleau estime de son côté que l’enfer, le purgatoire et le paradis ne sont que « des fables pour enfants » et évoque le bricolage des religions sur le sujet. Seul Vincent Hervouët affirmera avec une sérénité déconcertante : « En ce jour de la Toussaint, je tiens à dire que je crois en tous les saints et en la vie éternelle. Alleluia ! » Cette profession de foi, claire, déterminée et tranquille provoquera un rire gêné parmi les chroniqueurs, ne sachant s’il plaisante ou s’il est vraiment sérieux. Voilà donc où nous en sommes. La mort est si occultée, si oubliée, qu’y penser apparaît suspect, y être confronté ébranle comme jamais, évoquer une vie après elle devient curieux. La mort, devenue gênante, finit par tétaniser. “Cachez cette mort que je ne saurais voir…”

Entre divertissement et dédramatisation

Cette désertion intellectuelle et spirituelle devant l’au-delà interroge. De Descartes aux Lumières, l’ère de la modernité s’était attachée à reléguer Dieu dans le domaine privé pour l’y cantonner. La postmodernité, depuis la révolution technique, sexuelle puis numérique de ces soixante dernières années, s’évertue quant à elle à arracher aux hommes le désir même de Dieu. Nous voici divertis de l’enjeu déterminant de notre destinée. L’occultation de la mort et le dédain de l’examen de sa conscience sur les comptes qu’elle devra rendre sont parmi les drames du monde actuel.

Les publicités, les réseaux sociaux, les émissions télévisées, les campagnes informatives du gouvernement, les coachs divers et variés abordent de très nombreux sujets : on nous apprend à manger des fruits et des légumes, à faire du sport, à bien dormir, à respecter la planète, l’importance de trier nos déchets… Mais qui a la véritable ambition de nous apprendre à “bien mourir” ? Qui nous enseigne, puisqu’on y passera tous, à nous préparer sereinement à la mort ?

La question de la mort, chevillée à l’âme de tout homme, finit toujours par le tarauder et même parfois par le tourmenter. Aussi, à défaut de poser une réflexion religieuse sur le sujet de la destinée éternelle, les médias évoquent l’au-delà en recourant à des artifices sensationnels : les fameuses émissions en deuxième partie de soirée… « Paranormal, normal », « Voyants, astrologues : disent-ils l’avenir ? », « Ils ont fait l’expérience de la mort et en sont sortis ». Loin de répondre aux questions existentielles des hommes, ces documentaires cherchent à surfer sur des titres accrocheurs pour doper l’audimat.

Que la question de la mort soit abordée sous le registre du divertissement et de la dédramatisation, l’angoisse métaphysique de l’éternité demeure, quoi qu’essaient de nous faire croire les indifférents. « Les mortels que nous sommes n’ont pas moins soin d’ensevelir les pensées de la mort que d’enterrer les morts eux-mêmes », grinçait déjà le grand prédicateur Bossuet. Pourtant, au XVIIe  siècle, trois générations partageaient habituellement le même toit. Tous étaient pétris de l’idée de mort et vivaient avec elle dès le plus jeune âge. Les morts étaient veillés et l’on portait le deuil en communauté. Que dirait Bossuet aujourd’hui sur le plateau de Pascal Praud !

Le sens chrétien de la mort

Le mot célèbre de sainte Thérèse de Lisieux, « je ne meurs pas, j’entre dans la Vie », dit quelque chose du sens de la mort chrétienne. Pour le véritable disciple du Christ, la mort n’a pas le même sens que pour le mondain. Elle lui apparaît comme l’actualisation de son baptême : « mort avec le Christ » de manière sacramentelle par le baptême, le chrétien est appelé à mourir au péché chaque jour plus. Le jour de la mort devient ainsi pour lui le dies natalis. Ces combats spirituels à mener face aux défis de l’existence et à la perspective de la mort constituent alors autant de motifs pour ne pas se laisser aller et s’efforcer de mener droitement sa vie. Ou le moins maladroitement, c’est selon.

« Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière », formule le prêtre lors de la cérémonie de l’imposition des cendres à l’ouverture du carême. Cette conscience de notre finitude et du fait que nous aurons un jour à rendre des comptes sur nos actions permettrait non pas de faire le paradis ici-bas, mais contribuerait au moins à ce que l’enfer déborde un peu moins.

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