Quand le parlement hongrois a confié à Viktor Orban des pouvoirs étendus afin de gérer la pandémie, la presse française l’accusait unanimement d’avoir pour projet de ne jamais rendre ces “pleins” pouvoirs “illimités”.
Comme c’était à prévoir, la loi mettant fin aux pouvoirs d’urgence (illimités ou pleins pouvoirs, on ne sait pas trop quand on lit la presse française) de Viktor Orban a bien été déposée la semaine dernière, dans l’indifférence quasi-générale de la presse française. L’état d’urgence sanitaire entré en vigueur le 11 mars, qui a provoqué une controverse internationale, sera levé le 20 juin. Estimant avoir fait l’objet d’un procès en sorcellerie, les représentants hongrois demandent aujourd’hui des comptes à leurs accusateurs. Ces derniers « ont du mal à manger leur chapeau » aujourd’hui, estime l’ambassadeur hongrois en France.
L’affaire hongroise est donc close et le dictateur Orban n’est était pas un. Mais il ne faut pas compter sur la presse française pour faire dans la rigueur…
D’ailleurs, nous n’entendons pas beaucoup nos grands journalistes démocrates sur les pleins pouvoirs (pouvoirs étendus voire illimités si on reprend la réthorique anti-hongroise ?) concédés à Emmanuel Macron et son gouvernement. Pourtant l’état d’urgence pourrait être prolongé jusqu’en octobre ! Viktor Orban est un petit joueur à côté du grand Emmanuel.
En effet, une décision rendue le 28 mai dernier par le Conseil constitutionnel, concernant un sujet qui pourrait paraître anodin (une installation éolienne), laisse entendre qu‘une ordonnance qui n’a pas été ratifiée par le Parlement pourrait avoir rétroactivement force de loi une fois passé le délai d’habilitation, à la seule condition que le projet de loi de ratification de l’ordonnance ait été déposé dans le temps imparti. En d’autres termes, passé leur date limite, les ordonnances « doivent être regardées comme des dispositions législatives » à part entière selon le Conseil constitutionnel.
Selon plusieurs juristes, cette décision est une bombe à retardement. Le Conseil constitutionnel remet ainsi en cause certaines prérogatives du Parlement. L’‘article 38 de notre Constitution dispose que
« le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. »
Une ordonnance permet à l’exécutif de se passer du Parlement et d’intervenir de manière limitée, un temps donné, et à la condition d’obtenir son autorisation au préalable, dans le domaine législatif. On appelle cette « autorisation », une habilitation. Mais pour éviter le « fait du prince » et que les ordonnances n’échappent totalement au contrôle du Parlement, elles doivent être ratifiées par le Parlement dans un délai fixé au moment de l’habilitation. Selon la Constitution, passé ce délai, « les ordonnances deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. » Et pour justement éviter tout risque de « ratification implicite », la révision constitutionnelle de 2008 a permis d’ajouter dans l’article 38, que les ordonnances « ne peuvent être ratifiées que de manière expresse. »
Or, la décision du 28 mai du Conseil constitutionnel pourrait créer un précédent en bafouant le principe de ratification des ordonnances.
Julien Padovani, enseignant-chercheur en droit public à l’Université d’Aix-Marseille, explique :
« Le Conseil constitutionnel vient de dire que si le Parlement ne ratifie pas expressément l’ordonnance, ne lui donne pas le sceau de la légalité, elle devient quand même une loi et ce, même après le délai d’habilitation ». « Ce serait un affaissement considérable des prérogatives du Parlement ».
En d’autres termes, le gouvernement n’aurait plus l’obligation de faire ratifier ses ordonnances et le parlement se verrait amputé d’une prérogative majeure de contrôle. Les chambres seraient donc dans une impasse, puisque ratification ou non, les ordonnances deviendraient automatiquement de la loi. Mécaniquement, cela revient à renforcer les pouvoirs du gouvernement sur le parlement, lui permettant d’intervenir plus largement dans le domaine de la loi.
Autre problème : cette décision du Conseil constitutionnel pourrait entraîner une limitation des recours possibles pour les administrés souhaitant contester le bien-fondé d’une mesure prise par ordonnance.
Ce sujet est loin d’être anecdotique à l’heure où le gouvernement a déjà pris une soixantaine d’ordonnances depuis la loi du 23 mars 2020, instaurant l’état d’urgence sanitaire.
Mais on ne trouve pas de média français pour s’inquiéter de ce pouvoir illimité du gouvernement… Les hypocrites qui hurlent au “retour des heures les plus sombres” dès qu’on touche au nombre de parlementaires ne disent rien… Je ne suis pas un parlementariste fanatique, mais donner l’intégralité des pouvoirs à un type comme Emmanuel Macron n’est pas là pour me rassurer.
sivolc
Moi non plus je ne suis pas rassuré sur ce point. Un recours juridique peut-il encore être fait pour empêcher cet automatisme qui peut tenter tous les apprentis dictateurs? Le conseil constitutionnel (président Fabius l’homme du sang contaminé , ce sang qui, à l’époque, a fait mourir du sida des centaines de transfusés dont le boulanger de mon village bigourdan!), le conseil constitutionnel donc, possède-t-il le droit de prendre des décisions anticonstitutionnelles? Cela me paraît bien étrange quand même!
En réalié nous sommes dirigés comme suit: un président élu par surprise par une minorité de Français, une A.N. avec une majorité écrasante favorable au président donc éminemment non représentative du peuple français, une loi d’urgence automatisable qui donne les pleins pouvoirs au gouvernement, un peuple français qui se laisse faire sans réagir. Il y a un problème quelque part. La porte de la dictature est ouverte. Qui va la refermer avant qu’un de nos minus dirigeants la passe une fois pour toutes? J’appelle Orban à notre secours!
Axelled
très juste
Chouan85
Cela fait des années que la France est entrée en dictature, mais peu de gens le remarque. La politique de l’autruche. Cette dictature s’est amplifiée depuis que le petit roquet est arrivé au pouvoir. Compte-tenu de son caractère, cela est très inquiétant.
Meltoisan
Ce que je ne comprends pas, c’est qu’il y ait encore des gens prêts à voter pour une dictature en marche, si peu représentative et qui se prend pour la république.
Pire, c’est qu’il y ait encore des gens qui se disent républicains et qui sont prêts à apporter leur soutien à cette petite dictature, sans avoir conscience du ridicule de la situation dans laquelle ils se complaisent. Ne leur demandez pas leurs convictions ni même leurs idées : Ils n’en ont pas !
F. JACQUEL
C’est tellement commode pour JUPITER de voir la paille qui serait dans l’œil de Viktor Orban, plutôt que d’essayer de retirer la poutre (énorme) qu’il a dans chaque œil…
philippe paternot
le hongrois n’étant pas progressiste, il doit être condamné
le français qui fait la même chose… deux poids deux mesures
ça me fait sourire tout en rageant
Michel Janva
Donnez votre source “éminente”, qui ne semble pas évoquer le rôle du Parlement dans cette décision du CC.
Les miennes sont citées dans le texte.
Michel Janva
“Conspirationnisme”… Comme vous y allez. Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, cette analyse constitutionnelle est issue du site de Public Sénat, un autre site conspirationniste certainement. Vont dans le sens de cette analyse – Benjamin Morel, maître de conférences à l’Université Paris-2 Panthéon-Assas
– Julien Padovani, enseignant-chercheur en droit public à l’Université d’Aix-Marseille
– Cécile Duflot, sans doute une fidèle lectrice du SB comme les deux juristes précités
C’est bien joli de citer l’article 38 de la Constitution, mais il s’agit ici d’une décision récente du Conseil Constitutionnel, lequel est justement le garant de l’interprétation de la Constitution…
Si vous n’êtes pas juriste et n’avez pas de source à citer, prenez au moins la peine de lire le texte. C’est vrai que c’est un petit peu plus fatigant, mais cela évite de commenter en racontant n’importe quoi.