De Jeanne Smits dans Présent :
"Le candidat présomptif à l’Elysée, Nicolas Sarkozy, est prêt à prendre tous les risques pour la petite centaine de jours qui nous sépare de la présidentielle. […] Mais le dossier le plus explosif, il l’a gardé pour la fin : celui de la réforme de l’Education nationale. Une urgence depuis des dizaines d’années… La revoici sur le devant de la scène, dans des conditions à peu près impossibles. […] Nicolas Sarkozy, candidat en 2007, avait déjà de belles ambitions pour l’école ; son gouvernement a même réussi quelques coups comme l’assouplissement de la carte scolaire ou la réforme des IUFM – cette dernière aboutissant à simplement déplacer le problème de la formation des maîtres avec une nomenclature nouvelle et des contenus parfois encore plus ahurissants que par le passé. Mais sur le fond, rien.
Donc, à moins de cent jours de son hypothétique réélection, le voici qui revient à la charge, sans se soucier de la mobilisation syndicale forcément monstre qui accueillera toute tentative de changement, bonne ou mauvaise d’ailleurs. […] La réforme du statut et de la mission de l’enseignant qu’il préconise mettra assurément beaucoup de professeurs dans la rue : Sarkozy propose que les professeurs du secondaire puissent « accepter de nouvelles manières de travailler, d‘être plus présents dans les établissements », au-delà des 18 heures de classe hebdomadaires réglementaires pour les professeurs certifiés et des 15 heures pour les agrégés. Il est certes de bon ton, et électoralement payant, de dénoncer les horaires de l’enseignement. Mais entre préparation de cours, réunions obligatoires, charges nouvelles, corrections de copies… les professeurs ne bénéficient pas exactement d’horaires syndicaux. Voilà donc une proposition qui va coincer, même si le président de la République promet « en contrepartie » une « rémunération considérablement augmentée ».
Promettre cela, et rappeler quasiment dans le même souffle qu’il n’y a pas assez d’argent pour financer le remplacement de postes supprimés ne manque pas de sel. Comment payer davantage les enseignants sans creuser la dette ? Peu importe : c’est juste une promesse de campagne.
Plus intéressante est la proposition présidentielle de réformer le collège unique et de renforcer l’autonomie des établissements. C’était urgent… depuis 1975, date de la réforme Haby qui, lorsqu’elle est effectivement mise en œuvre, pénalise à la fois les élèves les plus doués et les moins scolaires. Certes le principe du collège unique est contourné dans des établissements qui trient leurs futurs élèves au moment du recrutement. Ailleurs il fait cohabiter des enfants totalement largués sur le plan des apprentissages fondamentaux et d’autres qui traînent dans des classes trop faibles pour eux.
« Il faut mettre fin aux faiblesses du collège unique tel que nous le connaissons », a déclaré Sarkozy, en proposant « deux pistes de réflexion » : « recentrer la 6e et la 5e sur les enseignements fondamentaux » et « assumer la diversité des parcours en 4e et 3e » car « il n’est pas normal que le collège actuel prépare exclusivement à l’enseignement général ». Permettre, à des jeunes qui ont une idée du métier qu’ils veulent faire, de se préparer tôt à la professionnalisation n’est pas indécent (comme on le lui rétorquera). Mais pourquoi avoir attendu ?
Les promesses du candidat présumé méritent une attention éclairée… par le bilan de son quinquennat. Au cours de ces cinq dernières années, les programmes scolaires imposés dans toutes les écoles publiques et sous contrat de France ont connu un gauchissement sans précédent – en histoire notamment ; mais c’est vrai en géographie, c’est vrai de l’enseignement des lettres classiques quasiment démantelé, dans le choix des œuvres à présenter, l’invasion de l’informatique – et cela a culminé avec l’affaire de l’idéologie du genre. Les droits des écoles hors contrat ont dû être défendus pied à pied ; les contraintes de l’instruction à domicile ont été alourdies.
Non, décidément : pas confiance."