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Religions : Eglise orthodoxe

Réponse à la Lettre à un frère (prêtre) orthodoxe

Réponse à la Lettre à un frère (prêtre) orthodoxe

Suite aux lettres écrites par un moine bénédictin à l’attention d’un frère orthodoxe, à relire ici, nous avons reçu une réponse très intéressante d’un moine orthodoxe :

Cher père, fils de saint Benoit. Soyez remercié de vos propos et de votre attention à l’Orthodoxie.

Sachez que nous vivons actuellement une période de renouveau spirituel assez incroyable. La recherche et l’expérience de Dieu sont au cœur de nos préoccupations. Bien sûr Dieu est inconnaissable, mais l’expérience de la transfiguration et de la lumière incréée est au cœur de notre élan spirituel. Vous connaissez la figure russe de saint Séraphim de Sarov qui nous parle de l’acquisition de l’Esprit Saint. Vous avez peut être entendu parler de ces anciens de l’Athos comme Joseph l’Hésychaste, dont la fécondité spirituelle actuelle est extraordinaire. Chez les égyptiens également, vous avez peut être entendu prononcer le nom de Mathieu le Pauvre, ancien père abbé et grand restaurateur du monastère saint Macaire. Ces mondes orthodoxes russe, grec, copte égyptien sont aujourd’hui visités par la lumière puissante de Dieu. Dieu rendu accessible grâce à la force du Nouveau Testament, à la fidélité à l’enseignement des Pères de l’Eglise, à nos divines liturgies conformes en tout point à la tradition reçue, tout cela nous conduit à un souffle spirituel sans précédent. La vierge de Zeitoun, il n’y a pas si longtemps, a honoré nos frères coptes de sa présence visible à tous.

Malgré le péril turc, malgré la barbarie du communisme, malgré un islam déchainé, nous avons gardé l’héritage de nos pères fidèlement.

Vous qui faites parti de ce monde dit libre, qu’avez vous fait de Lui ? Qui parmi les catholiques connaît saint Jean Climaque dont l’Echelle Sainte surpasse en sagesse l’Imitation de Jésus Christ ? Qui a lu saint Maxime le Confesseur, le Thomas d’Aquin du premier millénaire ? Qui connaît Ephrem et Isaac le Syrien, grands maitres de la vie spirituelle ? A part saint Augustin, vos racines ne remontent pas plus loin que le douzième siècle. Chacune de vos générations se donne ses propres maitres, référentiels à la mode. Avant hier c’était Pascal. Hier c’était le père Teilhard de Chardin, aujourd’hui la mode change tellement vite que l’on ne parvient plus a en retenir les noms, sauf peut-être Rahner, Kueng et Boff. Il me semble que tous ces gens la sont plus intéressés par construire une anthropologie à leur mesure et conforme à la doxa du moment, plutôt qu’à recevoir la présence de Dieu en eux. Selon notre manière de voir les choses, ceux que vous considérez comme vos guides et théologiens, nous les voyons comme bien souvent des intellectuels moins avancés que les plus jeunes de nos moines accomplissant leurs métanies et prononçant sans relâche la prière de Jésus afin d’établir en eux, et avec l’aide de la Sainte Trinité, la Garde du Coeur. Vos penseurs ne connaissent rien à la Praxis et à la Theoria. La sagesse des humbles leur est étrangère.

Vous même, cher père, fils de saint Benoit et de saint Jean Cassien, avez vous gouté à leur source commune, Evagre le Pontique ? Beaucoup de vos magasins monastiques sont emplis du commerce des biens matériels et la place dévolue aux Pères y est souvent bien mince.

Notre tradition spirituelle a été très marquée par la querelle de l’Iconoclasme, dont la résolution a été obtenue au second concile de Nicée. La distinction entre icône, idole, image est très importante pour nous. Après avoir abandonné l’art de l’icône avec et après Fra Angelico, vous vous êtes lancés à corps perdu dans le culte des images avec la peinture réaliste qui mettait en exergue le talent des artistes, les émotions et sentiments humains. Au bout d’un moment vous vous êtes lassés de ces visions anthropomorphiques. Vous en êtes maintenant à une forme d’iconoclasme subtil centrée sur l’autocélébration de l’homme. Vos églises se trouvent dépouillées de tout signe, mais vous vous êtes placés au centre.

Cela m’amène au terrible désert liturgique dans lequel vous vous trouvez. Vous avez abandonné la liturgie romaine de saint Grégoire. Vous avez plus où moins chassé de vos églises ceux qui souhaitaient y rester fidèle. Même si vous avez perdu la tradition qui s’appelle chez nous Iconostase / Porte Royale et chez vous Jubé, il y avait de grandes similarités entre votre antique liturgie et nos divines liturgies de saint Jean Chrysostome et saint Basile. Vous avez un travail urgent de restauration à accomplir de votre coté, car tant que cela n’a pas eu lieu, vous ne serez pas capables d’accueillir des traditions différentes, tout occupés que vous restez à dissoudre toute mémoire du passé.

Parlant de liturgie, je suis triste de voir à quel point chez vous la Sainte-Trinité a disparu du paysage. Pourtant elle est l’unique sujet de la Foi. Alors que la procession du Saint-Esprit a conduit à tant de tourments entre nous, historiquement, la contemplation de la Trinité ne me semble plus, chez vous, au cœur de la liturgie. Un peu comme dans l’Ancien Testament, vous êtes communauté, Peuple de Dieu, face au Dieu Unique et bien discrets sur l’homme singulier et foncièrement indigne, face à la Sainte-Trinité. Votre manque de révérence face aux Saints Dons, la communion que le croyant se donne à lui même, sans le moindre recours à la confession, nous paraissent constituer des anomalies graves.

Venons en maintenant à l’obéissance et à la primauté du pape de Rome.  Il faut pour traiter le sujet comprendre nos traditions historiques. Nous sommes les héritiers de l’Empire Romain d’Orient. Chez nous, le pouvoir impérial a toujours compté au temps des Saints Conciles.  Il est normal et naturel que les princes temporels soient associés d’une manière ou d’une autre à la vie de l’Eglise. Il est naturel que les frontières de l’Etat entrent dans la définition des patriarcats et que ces patriarches aient une autorité propre face au gouvernant. Vous de votre coté, en Occident, avez connu une vacance du pouvoir temporel très rapide. Ambroise de Milan, Augustin de Carthage marquent la fin de l’Empire Romain d’Occident. Cette situation a donné lieu à une place importante laissée aux Evêques dans la conduite des nations. Ceux-ci et le Pape ont souvent eu une juridiction spirituelle et temporelle à la fois. Les circonstances nous ont amené à avoir une approche différente du gouvernement au sein de l’Eglise. Ce passé n’est ni bien ni mal, il est. La question qui nous est donc posée est de savoir comment respecter ces traditions historiques différentes. Il est incontestable que la période du communisme nous a montré les limites des patriarcats nationaux, bien souvent accablés par le pouvoir politique. Le drame du patriarcat de l’Eglise Russe hors Frontières est encore frais dans nos esprits.  De votre coté, le centralisme et la purge qui ont suivi le concile Vatican II, la subordination aux évêques sans contrepouvoir de curés nommés pour une période courte, les tribulations des spirituels comme un Padre Pio face à sa hiérarchie,  la brutalité d’un pape François face aux évêques qui sont simplement fidèles aux enseignements de ses prédécesseurs directs, Jean-Paul II et Benoit XVI, tout cela interroge. Reconnaissez donc que vous avez un problème d’autorité manifeste dans l’Eglise Latine. Les conciles occidentaux de l’époque carolingienne mettaient en évidence l’existence de contrepouvoirs au sein de votre église. Aujourd’hui tout cela a disparu et la parole d’un homme, Evêque de Rome, doit s’imposer à tous sur tout, au delà de la tradition des Pères. Cela n’est ni conforme à votre tradition, ni à la nôtre. Vous êtes actuellement dans une impasse. Peut être sera-t-il possible de prendre suffisamment de recul, tenant compte de nos impasses respectives expérimentées au cours du XXeme siècle pour trouver une solution à la lumière de la Trinité, sans triomphalisme et sans asservissement ?

Cher père, pour terminer ces propos je voudrais partager avec vous cette espérance qui m’habite et guide chaque jour mes pas. Dès à présent, chaque instant m’est donné pour progresser dans la connaissance de trinitaire de Dieu. A la suite de mes maitres Macaire d’Egypte et Hesychius de Batos, je n’ai d’autre aspiration que de me vider de mon moi pour laisser la Sainte Trinité habiter en moi à chaque instant un peu plus, ici et maintenant. Je veux partager avec vous ce trésor de la prière qui nous unit, afin que la Charité de Dieu active en nous donne du fruit par nous.

Un Hiéromoine.

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