Le père abbé du Barroux a été interrogé sur RCF à propos de la reprise de l’abbaye de Bellefontaine, près de Cholet :
Pour Dom Louis-Marie, cette arrivée en Anjou relève d’un discernement spirituel. « Depuis le début, c’est de suivre les signes du ciel et les signes du Seigneur », explique-t-il. La démarche a commencé il y a un peu plus d’un an, quand les moines du Barroux ont appris la fermeture de Bellefontaine. « On est plus de 60 à l’abbaye de Sainte-Madeleine-du-Barroux avec un monastère qui a été construit à l’origine pour 40 moines », précise le père abbé.
Le vote de la communauté a été « largement positif », confirmant la légitimité de cette fondation. La transmission se fait dans la continuité : « Les trappistes sont des bénédictins. Nous, nous sommes aussi des bénédictins », souligne Dom Louis-Marie, rappelant que le fondateur de sa famille monastique, le Père Muard, a été formé chez des trappistes.
Une histoire singulière
L’abbaye du Barroux a été fondée en 1970 par Dom Gérard, un moine de l’abbaye de Tournai qui souhaitait « poursuivre autrement ce pour quoi il était venu » face aux changements liturgiques post-conciliaires. Installé d’abord dans un petit prieuré à Bédoin, au pied du mont Ventoux, il a accueilli « une trentaine de jeunes » dans les années 1970-1980, nécessitant la construction d’un nouveau monastère.
Après des liens avec Mgr Lefebvre pour les ordinations et confirmations, la communauté a choisi en 1988 de ne pas suivre les sacres épiscopaux. « Le Saint-Siège a reconnu notre communauté », rappelle Dom Louis-Marie, qui est entré au Barroux en 1991 avec « deux axes très importants : celui d’avoir la messe traditionnelle, mais aussi d’être attaché au Saint-Siège. Et pour moi c’était non négociable. »
L’enracinement dans la tradition
L’attachement à la liturgie traditionnelle s’explique par une volonté d’enracinement face à « un esprit un peu révolutionnaire » perçu après Vatican II. Dom Gérard, formé par André Charlier, a établi trois piliers : la philosophie réaliste, l’observance monastique héritée des anciens, et « cet amour de la liturgie dite traditionnelle, avec tout son caractère sacré, hiératique, immuable ».
« Les jeunes qui se rapprochent du Seigneur par les moyens pédagogiques de la tradition cherchent des choses claires, vraiment des choses claires, une identité », analyse le père abbé. Il évoque également « la notion du beau » : « Je suis toujours sidéré par la beauté de la liturgie traditionnelle. Une beauté faite de vraiment de simplicité, mais une beauté profonde et à mon avis, qui est indépassable et dont on ne se lasse jamais. »
Un changement de perception
Dom Louis-Marie constate une évolution dans le regard porté sur sa communauté : « Nous étions peut-être autrefois vus d’abord comme des tradis, ensuite comme des bénédictins et au final comme catholiques. Maintenant, avec tous les contacts qu’on a eus, la perception s’est inversée. »
Cette reconnaissance s’explique par les « contacts humains » et par la raréfaction des vocations dans l’Église. « Certains diocèses n’ont pas connu d’ordination depuis très longtemps. Donc, forcément, la nature a horreur du vide », observe-t-il pragmatiquement.
Traditionis Custodes : un acte « imprudent »
Sur le motu proprio du pape François restreignant la liturgie traditionnelle, Dom Louis-Marie se montre critique : « J’ai vu ça comme un acte légitime, mais fortement imprudent. » Il regrette que les promesses faites au Barroux en 1988 aient semblé remises en cause, même si l’application locale « était tout à fait juste ».
Il juge les motivations « plutôt idéologiques »,estimant que « le bilan était quand même très positif » avant Traditionis Custodes. Avec le pape Léon XIV, il espère une application « plus juste et plus large ».
« Nous sommes des hommes de prière »
Face aux inquiétudes que pourrait susciter leur arrivée, Dom Louis-Marie rappelle l’essentiel : « Nous sommes des hommes de prière et c’est notre office principal. Nous ne sommes pas des guerriers, nous ne sommes pas des hommes politiques, nous ne sommes pas des influenceurs. Nous vivons en clôture avec le rayonnement naturel d’une abbaye qui prie. »
L’évêque d’Angers, Mgr Delmas, qui a mené son enquête avant d’accepter cette installation, a été rassuré : les moines prient « à partir de 3h30 du matin » et reviennent « sept fois à l’église pour réciter les offices ».
« J’invite simplement les gens à venir nous voir »,conclut Dom Louis-Marie, confiant pour l’avenir : « Au Barroux, ça se passe très bien. À Sainte-Marie-de-la-Garde (ndlr : seconde fondation du Barroux près d’Agen en 2002), ça se passe très bien. Et donc, il n’y a aucune raison que ça se passe mal. »
