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L'Eglise : Benoît XVI

Resituer l’écologie et le souci des ressources naturelles dans une dimension plus fondamentale, celle de « l’écologie humaine »

Resituer l’écologie et le souci des ressources naturelles dans une dimension plus fondamentale, celle de « l’écologie humaine »

A l’occasion de la parution d’un livre de recueil de textes de Benoît XVI, intitulé L’Homme au coeur de la création. Les textes clés du pape précurseur de l’écologie intégrale, nous avons interrogé l’abbé Eric Iborra, qui a préfacé l’ouvrage :

Pourquoi publier cette compilation de textes de Benoît XVI sur l’écologie alors que le pape François a publié une encyclique sur le sujet ? 

N’étant pas à l’origine de cet ouvrage je ne peux avancer que des conjectures. Il faudrait demander à l’éditeur ! Néanmoins, je verrais deux raisons, liées entre elles.

La première, c’est de montrer que le pape François n’a pas, dans l’Église, l’exclusivité du thème : d’autres l’ont déjà abordé, et donc au plus haut niveau, celui du Magistère romain. François lui-même le reconnaît dans Laudato si’. L’écologie, au sens large, pas seulement environnemental et lié aux ressources naturelles (la problématique de « la planète », à quoi on la réduit aujourd’hui), constituait déjà un souci pour l’Église, et de longue date, si on prend en compte non seulement la « Doctrine sociale de l’Église », qui se situe au plan de la justice, mais aussi la théologie de la Création, à l’ambition plus métaphysique.

La seconde, c’est de resituer l’écologie environnementale et le souci des ressources naturelles (le thème de la « planète ») dans une dimension plus fondamentale, celle de « l’écologie humaine », ou encore « écologie intégrale », particulièrement bien mis en valeur par les papes Jean-Paul II et Benoît XVI, avec leur insistance sur la loi morale naturelle, qui en est la matrice, et donc sur l’anthropologie qu’elle définit.

Benoît XVI croyait-il au réchauffement climatique d’origine anthropique ?

À vrai dire, je n’en sais rien ! Il faudrait lire attentivement son œuvre, au-delà des textes ici compilés. J’imagine, au vu des mêmes textes, qu’il était conscient que l’activité humaine, depuis deux siècles au moins, avait quelque peu modifié l’environnement. Mais dans quelle mesure cela avait-il affecté le climat, je ne saurai dire s’il avait une opinion arrêtée sur le sujet. On peut cependant noter que Joseph Ratzinger, au moins depuis ses années de séminaire, s’est toujours intéressé aux questions scientifiques. Un intérêt qui l’a accompagné dans sa discussion théologique avec le monde moderne.

Peut-on être attaché à l’écologie et préférer les centrales nucléaires à l’installation des éoliennes ?

Oui, me semble-t-il, et aussi à l’énergie solaire par voie de piles photovoltaïques ! Il faut pour commencer s’entendre sur le mot « écologie ». Et remonter pour cela à ses fondements anthropologiques. L’homme fait partie de ce monde mais, en même temps, il le transcende. Il doit y voyager léger car il s’y sait étranger, en route vers une patrie meilleure et définitive, celle des cieux. Il doit donc aménager ce monde transitoire sans vouloir s’y installer (contre l’idéologie du transhumanisme, issu de l’aspiration au « confort »). Il doit donc y vivre en faisant preuve d’une certaine sobriété ou frugalité, que le monachisme peut justement lui inspirer, lui qui indique ici-bas que le but à atteindre est l’au-delà. D’où, aussi, le thème de la « conversion écologique » : il faut se débarrasser d’habitudes non seulement matériellement mais aussi spirituellement néfastes. C’est là le mode d’emploi de l’homme, ce qui lui permet de fonctionner sans s’abîmer. C’est ce que l’on appelle aussi la loi morale naturelle : tempérance et souci des autres, aussi bien ses contemporains que ses descendants, ce qui se rattache à la justice.

À partir de là, et eu égard aux circonstances – naturelles et techniques –, l’homme doit mettre en œuvre la vertu de prudence. C’est-à-dire ici peser le pour et le contre. Sur le plan environnemental ou des ressources naturelles, est-ce que l’éolien ou le photovoltaïque est, en l’état de la technique, plus ou moins souhaitable ? Mais puisqu’on parle d’écologie intégrale, il faut prendre en compte encore d’autres facteurs : environnementaux (paysages par exemple, pensons en particulier à leur dégradation pour fabriquer le béton des éoliennes et les carrières nécessaires à la récolte des « terres rares »), mais aussi géopolitiques (dépendance vis-à-vis de telle ou telle ressource) ou sécuritaires. La réponse me semble donc devoir être plus prudentielle qu’idéologique. Et donc elle doit pouvoir évoluer dans le temps et varier selon les lieux…

Faut-il réduire la population mondiale pour sauvegarder la création ? 

C’est un peu la question de la « paternité ou maternité responsable » à l’échelle de la planète ! Il me semble que les principes de réponse sont les mêmes : viser le bien (à apprécier ici aussi de manière prudentielle, donc variable selon les lieux et les cultures) de ceux qui sont déjà au monde et de ceux qui peuvent y naître. En terme d’harmonie : chacun doit pouvoir jouir d’une vie suffisamment humaine, mais le critère diffère selon les lieux et les cultures. Les papes font observer que la « planète », avec la technologie qui est la nôtre, est en mesure de nourrir une population bien supérieure à celle qui existe actuellement et qui a pourtant été multipliée par 8 depuis le début de l’ère industrielle, démentant les prévisions apocalyptiques des uns et des autres.

Mais on peut toutefois s’interroger sur une croissance indéfinie de la population mondiale. Cela s’apprécie non seulement au niveau microéconomique de la famille mais aussi au niveau macroéconomique d’une nation ou d’un continent, avec la prise en compte de l’équilibre des générations (la pyramide des âges) et de tant d’autres facteurs, comme la mise en valeur, sage et ordonnée, de la nature. L’homme n’est pas qu’un prédateur, il est aussi celui qui aménage la nature pour en faire « un jardin ». Si le monde d’ici-bas est un sas vers le ciel, il faut qu’il puisse accomplir cette fonction : autrement dit élever les âmes, ce qui suppose une certaine beauté, à entretenir. On sait par ailleurs qu’un certain nombre d’« écoanxieux » craint de mettre au monde des enfants parce que ceux-ci contribueraient à la détérioration de la planète et en seraient en même temps les premières victimes. Manière aussi de parer d’atours un simple hédonisme égocentrique : s’épargner la charge de les supporter et de les éduquer…

La vision de l’Église n’est pas tant de rechercher un maximum qu’un optimum me semble-t-il. Certes, plus il y a d’hommes, plus il y a, en puissance, de membres du royaume de Dieu. C’est ce que la liturgie du mariage dit expressément. Mais les théologiens anciens parlaient aussi souvent de « plérôme », c’est-à-dire d’un « numerus clausus », qui ne nous est d’ailleurs pas connu. Dieu seul sait quand le nombre des élus sera atteint. Ce qui nous laisse pas mal de liberté dans ce domaine…

L’Homme au coeur de la création

 

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