Réaction de Sed Contra à la dernière encyclique :
"Comme il est facile aujourd’hui de se tromper de “prochain” ! Tous les matins, tous les midis, tous les soirs, les journaux de toute nature, physique ou numérique, le situent à plusieurs milliers de kilomètres de notre lieu d’habitation… Certes, les gens ne peuvent pas tout ignorer des heurts et des malheurs qui frappent régulièrement la planète. Il reste à craindre cependant qu’ayant pris l’habitude de se laisser émouvoir ou impressionner à heures fixes, sur commande, l’homme absorbé par les médias ne trouve plus place pour une seule réaction du cœur authentique et charitable, voire une seule action de solidarité civique sur son environnement immédiat.
La charité, on le sait, n’est vraiment charitable que lorsqu’elle s’inspire d’un ordre, et même lui obéit… D’un ordre qui ne commence pas à l’autre bout du monde… D’un ordre qui ne consiste pas à s’alarmer d’abord, et encore moins seulement, des catastrophes naturelles, des famines ou des guerres éclatées aux quatre coins du globe.
Or, la principale conséquence morale de l’abus d’informations et d’interconnections mondiales est précisément celle-là : nous charger l’esprit ou le cœur d’une masse de préoccupations abstraites, générales, et sur lesquelles nous n’avons pas prise – en nous rendant ainsi chaque jour plus inaptes, psychiquement et moralement, à écouter et comprendre ce qui se passe autour de nous. Sous la magie des ondes, des sons, des images, sous le prestige du journaliste ou du présentateur, le malheur même des voisins de palier est hors jeu. Il n’a pas droit de cité."
Greg
Il est plus facile d’aimer son lointain que son prochain.
Phénomène déjà très vieux: mange ta soupe, pense aux petits chinois…(*)
(*)interchangeable avec biafrais, éthiopiens,etc. La charity-business elle, s’engraisse et engraisse ses présentateurs.
Et par ailleurs, s’il faut aider son lointain c’est sous la protection de l’armée. Union du sabre et du goupillon (ce que nos laïcards (parfois victimes de “tournantes” dans les camps de “réfugiés”) qualifieraient de “union du préservatif et de la Kalachnikov.”
A chaque époque sa religion ?
Pitch
Pourtant, il paraîtrait que, bien ordonnée, la charité commencerait par soi-même !
:o)
DAL
Ce texte de Sed Contra me rappelle une discussion avec un délégué en campagne, fan d’un peuple très médiatique vivant à environ 10 000 km de la France. Assis face à moi, il n’a cessé de tousser dans mon assiette. Comment voter pour quelqu’un qui ne respecte pas ceux qui se trouvent à 3 cm ?
Merci pour ce lien. Chantal Delsol, de son côté, fait un superbe travail.
Denis Merlin
Dans la parabole du “Bon Samaritain” destinée à répondre à la question “qui est mon prochain ?”, le Christ semble répondre : mon prochain ? C’est celui qui me fait du bien.
Puisque le Samaritain (considéré par les Juifs de l’époque comme des hérétiques et des schismatiques infréquentables) soigne le Juif blessé et volé, que ses coreligionnaires ignorent. Et après avoir exposé la parabole, il demande quel a été le prochain du Juif ? et la réponse est : le Samaritain. Donc celui que je dois aimer en premier, c’est celui qui m’aime.
Mais Jésus dans le même passage, en conclut qu’il faut se montrer le prochain des autres. Dans cette perspective, ce sont les plus abandonnés, les plus faibles qui sont nos prochains. On peut penser aux “tout-petits” du docteur Dor.
D’un autre côté, la Sagesse dit : “j’aime ceux qui m’aiment” (Sg 8, 17). Or l’Eglise assimile la Sagesse à la Sainte Vierge, sauf erreur. Pourquoi ne l’imiterions-nous pas ?
La solution ne serait-elle pas au contraire, qu’il faut aimer tous les êtres humains, mais particulièrement ceux qui nous aiment quelle que soient par ailleurs leur race, leur religion et leurs opinions ? Nous imiterions ici le Christ et la Mère du Christ.
Ces deux titres ne sont pas contradictoires.
Faut-il observer un ordre d’intensité entre tous ces titres comme le souligne “Sed contra”. La “solidarité” est due à tous nos frères humains, y compris les plus éloignés géographiquement.
Hugues Kéraly
A Denis Merlin :
Merci de votre commentaire, qui soulève une vraie question sur le concept “d’ordre” de la charité.
J’ai seulement voulu souligner que dans “prochain” il y a “proche”, ce qui peut s’entendre de trois manières :
1. – La proximité permanente du premier cercle de mes relations sociales (ma famille, mes parents, mes amis, mes collègues de travail, les pauvres de mon quartier…)
2. – La proximité occasionnelle et imprévisible du malheur de celui que le Seigneur met sur mon chemin, comme dans la parabole du Bon Samaritain.
3. – La proximité plus virtuelle d’un malheur qui me touche quelque part dans le monde, et vis-à-vis duquel je me sens un devoir de solidarité.
Si l’attention portée à ce troisième cercle – parfaitement légitime et nécessaire – en vient à me faire oublier les premiers “ayants droit”, est-ce encore une vraie charité ?
Emmanuel Barbier/Sed contra
Marie
@ Denis Merlin,
non, l’Eglise n’assimile pas la Sagesse à la Vierge Marie, c’est l’abbé de Nantes qui fait cette assimilation (et la CRC avec lui).
L’Eglise, quant à elle, a toujours vu dans la Sagesse le Verbe, et parfois le Saint-Esprit (en tant qu’Esprit de sagesse), mais jamais la Vierge Marie. Je vous renvoie pour cela à la Lettre au patriarche d’Alexandrie du pape Grégoire I, et au Concile de Rome “Decretum Damasi” ou au Concile de Trente (21° session).
Et en illustration, St Louis-Marie Grignon de Montfort, dans son traité sur l’Amour de la Sagesse Eternelle, écrit :
“La vraie sagesse se distingue en sagesse naturelle et surnaturelle. La sagesse naturelle est la connaissance des choses naturelles d’une manière éminente dans leurs principes. La sagesse surnaturelle est la connaissance des choses surnaturelles et divines dans leur origine. Cette sagesse surnaturelle se divise en sagesse substantielle et incréée, et en sagesse accidentelle et créée. La sagesse accidentelle et créée est la communication que fait d’elle-même aux hommes la Sagesse incréée, autrement (dit) c’est le don de la sagesse. La sagesse substantielle et incréée est le Fils de Dieu, la seconde Personne de la très Sainte-Trinité , autrement (dit) la Sagesse éternelle dans l’éternité, ou Jésus-Christ dans le temps”.
Lama12
C’est vrai (cf. article du Monde ci dessous)on ferait mieux de s’occuper en priorité et sérieusement de ces personnes, au lieu de les laisser entre les mains d’associations qui les manipulent et d’employeurs qui les exploitent.
http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/07/29/la-justice-ordonne-l-expulsion-du-batiment-de-la-cpam-occupe-par-des-sans-papiers_1223924_3224.html#ens_id=1162997
Krazy Σophie
Si vous voulez, Denis Merlin, mais le Nouveau Testament, c’est : “Aimez vos ennemis”
Le voilà le vrai défi. La voilà la Vérité de Jésus Christ. Le voilà, le renouveau de notre vie. Le reste est politique, plus ou moins recherche de soi, plus ou moins maquillée de bons sentiments. Cela peut faire illusion… ici-bas.
Allez, Merlin, aimons nos ennemis, sinon qu’est-ce qui nous différencie des paiens ?
Les paiens pourraient bien nous en remontrer, et nous apprendre un peu à vivre.
Chaque commandement est une promesse. Sans doute les paiens ont-ils quelque pierre de choix à apporter à notre édification. Et si celui que nous rejetons était précisément celui qui pouvait nous guérir ? Et si Dieu s’était caché dans celui que nous rejetons ? ne nous dira-t-Il pas : “Certes, il fallait faire ceci, mais sans omettre cela.” Et que sont ces pleurs et ces grincements de dents ?
Mais peut-être suis-je une dangereuse intégriste catholique. Alors j’ajoute :
“Et si vous donnez un repas, n’invitez pas vos riches amis, ni quelqu’un qui peut servir vos intérêts…”
http://www.tous-les-savoirs.com/index.php?op=conferenciers&f=8&a=video
Sancenay
merci à Marie et Krazy , et Denis merlin également, … pour leur riche contribution.
Denis Merlin
Merci à tous de vos aimables commentaire sur mon post.
Je vais répondre à ceux qui ont bien voulu me faire l’honneur de remarques.
@ monsieur Hugues Kéraly : Effectivement la sainte institution du mariage, par exemple, nous fait la douce obligation d’aimer quelqu’un plus particulièrement. Dans l’Eglise, autre exemple, les prêtres et les confrères et consoeurs doivent s’aimer d’un amour particulier. De même encore le pape a-t-il ses intimes. De même encore saint Paul nous demande-t-il de ne pas nous mettre dans la gène par charité (2 Cor. 8, 13) Il est donc évident qu’il y a un ordre de la charité et je suis d’accord avec vous. Ceux qui nient cet ordre risquent d’être injustes.
@ Krazy Sophie :
Saint Thomas d’Aquin se pose la question de l’amour des ennemis.
Voici comment il y répond :
“2. Tout être hait naturellement son contraire en tant que tel. Or nos ennemis nous sont contraires en tant qu’ennemis. Nous devons donc les haïr comme tels ; qu’ils soient nos ennemis ne peut que nous déplaire. Mais ils ne nous sont pas contraires comme hommes, et comme capables de la béatitude, et à ce point de vue nous devons les aimer.
3. Aimer ses ennemis, en tant qu’ennemi est chose blâmable ; mais ce n’est pas là ce que fait la charité, nous venons de le dire.”
Nous ne devons pas aimer nos ennemis parce qu’ils sont nos ennemis, ce qui serait pervers, mais les aimer parce qu’ils sont des hommes comme nous et parce que Dieu les aime et fait luire le soleil et tomber la pluie sur tous, eux et nous.
@ Krazy Sophie,
Il faut s’aimer soi-même. “Celui qui n’est pas bon avec lui-même, avec qui sera-t-il bon ?” (Siracide, 14, 5)
Donc lorsque nous faisons du bien à ceux qui ne peuvent nous le rendre, ce n’est pas contre nous que nous agissons, mais par un charité bien ordonnée, pour nous, pour le bien commun aux autres et à nous. Il ne faut pas poser dans l’esprit deux biens qui se combattraient.
@ Marie,
Je ne dis pas que l’Eglise dit que Marie est la Sagesse incréée, mais que dans le texte sacré elle assimile la Sainte Vierge à la Sagesse. Dans cette perspective, les paroles de la Sagesse incréée pourraient lui être attribuées. Ainsi la Sagesse incréée dit “J’aime ceux qui m’aiment”, à sa suite la Sainte Vierge le dirait, comme être créé pénétré intimement de la Sagesse et que les paroles de la Sagesse pourraient être attribuées à Marie non comme auteur originel, mais comme imitatrice.
“On voit ainsi apparaître que, dans la Parole de Dieu, Marie est vraiment chez elle, elle en sort et elle y rentre avec un grand naturel. Elle parle et pense au moyen de la Parole de Dieu; la Parole de Dieu devient sa parole, et sa parole naît de la Parole de Dieu. De plus, se manifeste ainsi que ses pensées sont au diapason des pensées de Dieu, que sa volonté consiste à vouloir avec Dieu.” Deus Caritas est § 41.
Cela dit je m’en remets entièrement au jugement de l’Eglise sur cette question et je vous remercie de m’avoir permis de préciser ma pensée qui n’est tributaire en rien de celle de l’abbé de Nantes.