Alors que le Crif s'est déconsidéré avec l'affaire Mireille Knoll, Richard Abitbol, qui milite avec son association trans-confessionnelle pour la reconnaissance réelle des actes antisémites commis en France, déclare à L'incorrect :
"Au début, c’était les juifs qui étaient spécifiquement touchés – comme dans l’affaire Ilan Halimi, véritable électrochoc pour la communauté. D’abord parce que c’était la première fois qu’on tuait et torturait un homme parce qu’il était juif ; ensuite parce qu’elle réactivait le fameux préjugé du «juif qui a de l’argent». Mais encore à cause du climat de l’enquête elle-même : il a fallu du temps pour qu’on parle d’antisémitisme. Monsieur de Villepin ne l’a fait qu’à l’occasion d’un dîner du CRIF. Ce fut une véritable prise conscience. Les juifs se sont demandé s’ils avaient encore leur place dans ce pays, et beaucoup ont décidé de partir, certains vers Israël, d’autres vers les États-Unis ou le Canada. Il faut rappeler que nombreuses sont les affaires qui ont eu lieu entre 2006 et 2012, bien avant les grands attentats : des synagogues ont été incendiées, des gens ont été insultés, molestés, ont reçu des crachats et parfois même des coups de couteaux. On a dénombré des centaines d’agressions de ce type. Je ne pense pas que cela ait fait autant de bruit que les pseudo-agressions sexuelles, dont on parle aujourd’hui.
Vous trouvez que la France n’a pas réagi ?
Le sentiment d’abandon qui découlait de ce silence était, je crois, pire que les agressions elles-mêmes. Les juifs avaient l’impression d’être mis complètement de côté. Lors de l’attentat du Bataclan, un homme politique bien connu a déclaré : « Avant on avait de la compassion. Maintenant on est concerné ». Quand des juifs sont tués, on éprouve de la compassion. Quand des non-juifs sont tués, on se sent concerné.
Que se passe-t-il réellement dans les banlieues ?
Les banlieues ont été désertées par les juifs. Beaucoup d’habitants du 93 et du 95 ont quitté leur département pour aller vers des zones plus sécurisantes, comme l’est parisien, Saint-Mandé, Vincennes, ou Nogent, qui a vu sa population juive croître de manière considérable. On a assisté à un véritable redéploiement de la communauté juive en Île-de-France. […]
Comment s’explique ce relativisme ?
Par l’origine des agresseurs : si ce crime avait été commis par quelqu’un d’extrême droite, on en aurait parlé pendant des mois. Je ne protège pas du tout les gens d’extrême droite, pas plus que je ne protège les gens du centre ou de la gauche. Mais on l’a vu pendant la récente campagne électorale : des gens du Front national ont tenu des propos répréhensibles, ils ont été exclus tout de suite. Tandis qu’une autre personne, d’un parti très important, a réalisé un croquis antisémite et à ma connaissance n’a toujours pas été sanctionnée. […]
Que s’est-il passé lorsque vous avez invité Louis Aliot et Gilbert Collard ?
Nous avons eu un débat très clair, mais le CRIF nous a fait un procès d’intention. Et ce sont les mêmes qui disent qu’il faut discuter avec le Hamas, avec le Hezbollah, avec l’Iran et qui vous interdisent en revanche d’aller discuter avec des Français. Quand j’entends Bernard-Henri Lévy dire qu’il faut « rediaboliser le Front national », je pense qu’il joue contre son camp, contre nous-mêmes. J’ai été par exemple très choqué en apprenant que madame Le Pen n’avait pas été invité aux funérailles de Johnny Hallyday. C’est faire la même discrimination que celle que l’on fait dans l’antisémitisme. On vise quelqu’un pour son nom, pour sa consonance. Dans ce cas-là, combien de personnes à l’Assemblée, et parfois très célèbres, ne devraient pas être invités parce que leur père étaient des collaborateurs du gouvernement Laval ? Aujourd’hui il semble qu’à l’Assemblée nationale, les Insoumis et l’extrême gauche aient un problème avec les Juifs et Israël. Je suis persuadé que monsieur Mélenchon n’est pas antisémite. En revanche, quand on défend des antisémites, on l’est un peu. Les communistes ont toujours été antisémites. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Pendant les procès des blouses blanches, ils ont pris parti pour Staline, pas pour les juifs. Aujourd’hui les actes antisémites sont majoritairement commis par l’extrême gauche, à part ceux qui sont perpétrés par des arabo-musulmans. C’est une évidence que l’extrême gauche est antisémite, quand elle soutient les terroristes prétendument anti-sionistes, qui sont en réalité des antisémites. […]"