Guillaume d’Alançon, titulaire d'une maîtrise de philosophie et
diplomé en psychologie sociale et en gestion des conflits/médiation, actuellement collaborateur de l'évêque de Bayonne, vient de publier un ouvrage sur Saint Anthelme de Chignin, chartreux du XIIe siècle. En voici un extrait :
"Anthelme réalise que les dépouillements et renoncements
qu’il vit, aux plans physique et spirituel, ne font pas obstacle à
l’édification de son être ; au contraire, pense-t-il, ils en sont même la
condition. Chaque appauvrissement, au lieu de diminuer sa personnalité,
renouvelle sa nature et l’incorpore davantage au Christ, qui s’est anéanti
lui-même en acceptant de mourir sur la Croix : « Exinanivit semetipsum, factus obediens usque ad mortem, mortem autem
crucis. » Voilà la seule vraie solitude qu’il désire vivre : être avec le Christ,
être tout entier uni à lui dans la solitude du Golgotha. L’expérience de la
Croix est essentielle dans la formation de son âme ; le moine est un être
crucifié, comme Jésus. Mais le monde ne peut pas accepter cela, c’est pourquoi
la vocation cartusienne apparaît comme un scandale. Saint Paul n’a-t-il pas
parlé du scandale de la Croix ? Le Nunc dimittis d’Anthelme rejoint celui
du Christ en ses derniers instants : « Père, entre vos mains je
remets mon esprit. » Anthelme sait que pour
être vraiment moine, il doit être vraiment chrétien, c’est-à-dire du Christ,
car la vie du moine, c’est la vie chrétienne par excellence. En ce sens, la
voie tracée par Anthelme rejoint chaque baptisé, et la vie monastique devient
tout à coup beaucoup plus parlante."
Dans la préface, Mgr Marc Aillet écrit :
"Si la mission d’un successeur des Apôtres est
essentiellement de rendre témoignage à la vérité et à l’amour, on peut dire que
la vie de cet évêque du XIIème siècle est d’une grande actualité et rejoint
notre expérience la remettant en question à la lumière des principes
évangéliques. Parce qu’il était profondément uni à Dieu, rien de ce qui était
humain ne lui était étranger. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est
entré à la chartreuse de Portes. En effet, plus on est proche de Dieu, plus on
est en mesure de servir les hommes. Ainsi, toute vie, même la plus active, doit
avant tout être contemplative, comme l’exprime le bel adage
dominicain « contemplari et
contemplata aliis tradere » c’est-à-dire « contempler et
transmettre aux autres ce qui a été contemplé ». C’est aussi pour cela
qu’un chartreux est passé sans trop de difficultés du silence monastique à
l’administration d’un diocèse. Parcourant les villes, villages et autres couvents
qui lui étaient confiés, saint Anthelme n’a eu de cesse de vouloir tout
remettre à l’endroit, c'est-à-dire de tout faire converger vers le Christ."
Dans l'épilogue, Guillaume d'Alançon écrit :
"Le courage d’annoncer la foi sans risque de prendre des coups est une note
caractéristique du zèle d’Anthelme. La chose est difficile ? Le combat
incertain ? Le conflit assuré ? Là n’est pas l’essentiel. En
annonçant paisiblement la bonne parole, la saine doctrine comme disent les
pères de l’Eglise, même si celle-ci n’est pas reçue ou provoque de la haine, le
pasteur non seulement contribue au salut de ses brebis mais assure le sien
propre. En bon éducateur, il n’a pas peur de mettre des limites et de cadrer
son monde, au risque d’être impopulaire… comme le Christ. En réalité, sa
fermeté lui attache les cœurs droits et sincères. N’est-ce pas le propre du
pédagogue mature que de savoir dire non, quoi qu’il en coûte ?"