Le Point.fr a rencontré l'organisateur
du congrès général pour les chrétiens d'Orient, le docteur Fouad Abou
Nader, actuel président du parti libanais le Front de la liberté et
ancien chef de la résistance chrétienne au Liban aux côtés de Bachir
Gemayel. Extraits :
"Nous
avons organisé ce premier congrès de l'Assemblée des chrétiens d'Orient
pour plusieurs raisons. Avec les révolutions, les coups d'État, les
guerres civiles et le terrorisme qui secouent des territoires qui
s'étendent du Maroc jusqu'au Pakistan, nous, chrétiens d'Orient, devions
nous réunir pour unifier notre vision, penser notre avenir dans cette
région, évaluer nos relations avec les musulmans, qui nous considèrent
parfois comme des citoyens de seconde zone. Au Moyen-Orient, la religion
et l'État sont indissociables. Il est donc capital pour nous d'étudier
nos rapports avec les institutions étatiques, de revendiquer nos droits
et une véritable citoyenneté, d'analyser notre problème démographique
ainsi que l'émigration touchant nos communautés et enfin de faire face
ensemble aux menaces sur nos vies.C'est la première fois qu'un tel événement est organisé. Comment l'expliquez-vous ?
Il
s'agit d'un événement sans précédent en raison des divisions tant au
niveau politique que religieux des chrétiens d'Orient. Il y a énormément
de communautés différentes, rien qu'au Liban vous avez des orthodoxes,
des maronites, des syriaques, des catholiques, des chaldéens, etc. On
nous a trop souvent dit qu'en raison de nos divisions il n'y avait pas
d'interlocuteur chrétien possible. Si vous ajoutez à cela la forte
émigration qui nous frappe depuis des décennies et les pertes subies
lors des conflits armés… Certains ont fait de nous les nouveaux
Palestiniens, des gens en trop, indésirables dans cette région. Mais,
historiquement, nous sommes les premiers habitants de ces terres et
jamais nous ne les quitterons, quoi qu'il en coûte. Aujourd'hui, nous
sommes nombreux à vouloir transformer nos divisions en diversité et à
placer cette diversité dans un cadre uni. Je suis fier d'avoir pu
rassembler avec mes collaborateurs tous les représentants des 14 Églises
d'Orient dans une seule institution mixte comprenant des religieux de
premier rang et des laïcs travaillant ensemble. Nous avons réunis des
chrétiens venant de Turquie, d'Iran, de tout le Proche-Orient, d'Égypte
et même du Maroc. C'est exceptionnel ! […]Le
chrétien a un important rôle à jouer. C'est d'ailleurs la principale
question sur laquelle s'est penché le congrès et sur laquelle va
travailler la commission de suivi qui a été créée. Dans l'histoire de la
région, les chrétiens ont contribué à la culture, la littérature, aux
langues, aux sciences et à la civilisation. Ils ont lutté de tout temps
contre la discrimination et la violence à l'égard des femmes, pour les
droits de l'enfant et les libertés de toutes les communautés, sans
aucune exception. La communauté chrétienne est incontournable. En
Jordanie elle représente de 4 à 6 % de la population du pays, mais elle
couvre 30 % de sa force économique. Les coptes en Égypte sont 7 millions
sur les 85 millions d'habitants et contrôlent près d'un tiers des
richesses. Au Liban, les chrétiens – communauté à laquelle appartient le
président – ont toujours veillé à ce que chaque citoyen puisse jouir de
ses droits complets.Les chrétiens d'Orient sont-ils abandonnés par l'Occident ?
Je
pense que les gouvernements occidentaux ne prennent pas la mesure de ce
qu'en France on appelait "la question des chrétiens d'Orient". Si
l'islam a droit à une place en Occident, le christianisme a également
droit à la sienne en Orient. Avec ce premier congrès, nous voulons
porter haut et fort la question des chrétiens d'Orient en Europe et dans
le monde. Nous demandons à être reçus et écoutés par les chefs d'État
et de gouvernements, ainsi que par les ministres des Affaires étrangères
et chefs des principaux partis d'opposition en Occident, à commencer
par la France, avec qui nous avons des liens historiques très forts.
Nous ne demandons pas de protection, nous ne voulons pas de protection
de la part de l'Occident ou des musulmans dans le cadre de la
dhimmitude. Nous exigeons une protection par l'État dans lequel nous
vivons, au même titre que tout autre citoyen.Comment convaincre l'Occident des enjeux autour des chrétiens d'Orient ?
Je répondrai par une autre question : comment réussir pacifiquement
l'intégration de l'islam en Occident si, en Orient, le christianisme
venait à disparaître par la force ? Les enjeux autour des chrétiens
d'Orient les dépassent. Les enjeux sont le christianisme, le rapport
avec l'islam, la liberté, l'égalité, l'humanité, le droit, la femme,
l'enfant, le rôle de l'État de droit, la citoyenneté, le dialogue des
cultures et des religions. En deux mots, l'avenir du monde est en jeu !
Si les chrétiens venaient à disparaître de l'Orient, préparez-vous en
Occident à refouler la vague déferlante des islamistes. La France ne
reçoit-elle pas déjà des menaces terroristes pour son implication dans
les conflits malien, afghan, libyen et peut-être bientôt syrien ?"