Ce jeune vendéen est arrivé en Arménie, la veille de son anniversaire, à la fin du mois de janvier 2021. Depuis un mois, il a pris ses marques. Il est l’un des rares volontaires de l’Œuvre d’Orient, en Arménie. Il est en tout cas le seul à Erevan, la capitale. Portrait d’un jeune homme qui a décidé de quitter son pays et de donner un an de sa vie pour enseigner le français.
A 26 ans, ils ne sont pas nombreux à répondre à un appel qui dépasse l’entendement matérialiste et mondain. « Va, quitte ton pays. Va dans le pays que je te montrerai… » Simon n’est pas Abram, c’est certain. Pourtant, l’ombre du Patriarche semble planer sur lui. Comme il l’explique :
« J’ai postulé en tant que volontaire à l’Oeuvre d’Orient, sans savoir où je partais, finalement. Au début, j’étais envoyé à Jérusalem, puis, le 25 janvier à cause de la pandémie, tout est annulé. J’ai appris que je partais à Erevan cinq jours avant mon départ. Cela ne m’a pas tellement surpris, car j’étais prêt à vivre dans un pays que je ne connaissais pas. »
Simon est, donc, arrivé à l’aéroport de Zvarnots le 30 janvier. Il est accueilli par le recteur du Séminaire des Saints Archanges, le père Mashdots Zatherian. Le séminaire se situe dans le quartier nord d’Erevan, à Kanaker. Il s’agit, en fait, d’un petit-séminaire. Ils sont une dizaine à y vivre et à se préparer à rentrer au séminaire pour la prêtrise.
« Va, quitte ton pays »
Simon est de nature discrète, il n’aime pas tellement parler de lui. Avec son double Master 2 en Droit et en Direction des établissements de santé, il avait, déjà, commencé à travailler. Il était responsable d’un établissement sanitaire et social. En octobre 2020, il décide de faire un break. Il ne le dira pas, mais comme tous les jeunes, il est épris d’un certain idéal. Lui, l’ancien scout cherche à donner plus de sens à sa vie. Croyant, très pratiquant, il avait besoin de se donner davantage, sans regarder en arrière. C’est ce qu’il fait, ici en Arménie. Il est, certainement, porté par son idéal vendéen. Sa mission à Erevan est de donner des cours de français. Généreux, il ne compte pas son temps. Il donne des cours aux séminaristes, aux jeunes et aux adultes de la communauté catholique, ainsi qu’à l’Université théologique. Il est visiblement heureux.
« La seule difficulté est la langue. Je ne parle pas l’arménien. C’est vraiment accessoire, car les gens sont vraiment très gentils. Il y a une vraie richesse, de vraies valeurs, que nous avons perdues chez nous en France. D’ailleurs, les Arméniens qui sont, déjà, venus en France disent que la France a changé. Elle est en train de perdre ses valeurs chrétiennes. Ici, les gens sont très humains, positifs, souriants, tactiles. Je n’ai jamais vu un Arménien s’énerver ou critiquer. Ils ne se plaignent jamais, malgré toutes les épreuves qu’ils ont subies. Et, qu’ils subissent encore. »
Le peuple arménien est fort, très résilient.
Une journée type
Simon vit au rythme de la communauté des séminaristes. Il vit au séminaire. Il y a sa chambre, il y donne des cours, il y mange, il y prie. Au son de la cloche, il se réveille tous les matins à 6h30. Puis, il assiste à la Messe (en arménien) de 7h00. Elle dure près d’une heure. A 8h00, il prend son petit-déjeuner, et, donne ses premiers cours de français à partir de 10h00. L’après-midi, il se rend à l’université. Cette année en Arménie est pour lui « une expérience, une étape dans ma vie d’homme. C’est important de donner une partie de son temps aux personnes qui ont beaucoup moins reçu que moi, que nous. En fait, je dis cela, mais je m’interroge. Car, j’ai l’impression de recevoir tant et de donner si peu. » Souriant, Simon se confie un peu plus.
« Je suis heureux, ici. Il y a une vraie paix, une vraie liberté. Les relations sont saines. Ils sont très généreux et partagent le peu qu’ils ont. Tout est naturel, en plus. Matériellement, ils ont peu, mais il donne tout. Spirituellement, ils ont tout… »
Simon est lancé, visiblement touché par ces deux mois qu’il vient de vivre en terre arménienne. Il poursuit :
« Ce qui est incroyable, car j’ai l’impression que la France ne fait pas beaucoup pour ce pays, c’est qu’ils l’aiment la France ! Ici, à 4 500 km de Paris, on écoute encore Mireille Mathieu, Jacques Brel. La culture et la langue française sont très aimées. »
Simon n’est pas arrivé les mains vides. Il a offert à Mgr Minassian, l’Archevêque de l’Eglise Arménienne Catholique de toute l’Europe de l’Est et de l’ex-URSS, qui a son archevêché juste à côté du séminaire, un coffret de gâteaux : des sablés vendéens.
« Sur la boîte était dessiné le cœur vendéen. Avec Mgr, nous avons échangé sur la Révolution française, et, sur le génocide vendéen. Il m’a parlé du génocide arménien. »
A l’évocation de ces deux génocides, celui de 1793-1800 (pour la Vendée), et, celui de 1915-1920 (pour l’Arménie), Simon devient plus grave. Il aurait aimé que « la France garde sa culture et ses valeurs chrétiennes. »
« J’aime la liturgie arménienne catholique »
Simon est tombé amoureux de cette liturgie, qui remonte aux premiers temps de l’Eglise, au 5è siècle. En assistant à une Messe arménienne catholique et à un office, ce sont, donc, 16 siècles d’héritage liturgique, dont bénéficient les fidèles. Lors de la divine liturgie, de la Messe, dans la chapelle de la paroisse saint Grégoire de Narek, qui se situe dans l’enceinte de l’archevêché et du séminaire, un grand rideau rouge foncé sépare les fidèles de l’autel où se trouve le prêtre et les clercs. Simon, qui commence à s’habituer, explique que la liturgie commence
« avec la vêture du prêtre. Pendant ce temps-là les psaumes sont chantés, comme le psaume 100. Le prêtre prie, aussi, la Vierge Marie, et, tous les saints. Ensuite, c’est la liturgie de la Parole de Dieu, de l’Evangile, du Crédo. Puis, la liturgie eucharistique commence. »
Impossible de décrire, ici, cette liturgie qui dure près de deux heures. Ce qui impressionne surtout Simon, c’est la possibilité de communier sous la forme des deux espèces. « Quel bonheur, dit-il, de communier au Corps et au Sang du Christ. De communier sur la langue. » Chaque Messe se termine par deux prières : pour l’Arménie et pour l’Artsakh. Simon ne les a pas comptés, mais pendant la Messe, « une quarantaine de signe de Croix sont effectués. Et, l’encens est utilisé une dizaine de fois. » Dans ce pays qu’il ne connaissait pas, dans cette liturgie qu’il découvre, Simon semble vraiment heureux. Tous les vendredis, pendant le carême, il fait le chemin de Croix. A 5 000 kms de la Vendée, il semblerait que Simon ait trouvé sa voie.
« Va, quitte ton pays, ta famille et la maison de ton père. Puis, va dans le pays que je vais te montrer. Je ferai naître de toi un grand peuple, je te bénirai et je rendrai ton nom célèbre. Je bénirai les autres par toi. Je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai celui qui te maudira. Par toi, je bénirai toutes les familles de la terre. », Genèse 12 :1-9.
Texte et photos réalisés par notre envoyé spécial Antoine BORDIER