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Institutions internationales

Sous l’influence de l’Open Society Fondations, le Conseil de l’Europe veut légaliser l’exploitation des prostituées

Sous l’influence de l’Open Society Fondations, le Conseil de l’Europe veut légaliser l’exploitation des prostituées

Le 3 octobre, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) débattra et votera sur une proposition de Résolution relative à la prostitution s’intitulant « Protéger les droits humains et améliorer la vie des travailleuses et des travailleurs du sexe et des victimes d’exploitation sexuelle » (Doc. 16044 – 13/09/2024). L’ECLJ alerte :

En dépit de quelques recommandations louables, ce texte et le rapport qui l’accompagne promeuvent surtout la normalisation de la prostitution en tant que « travail du sexe ». En cela, ils sont en contradiction flagrante avec la proposition initiale qui s’intitulait « La réinsertion des personnes prises au piège de la prostitution ou soumises à la traite des êtres humains » (Doc. 15570 – 24/06/2022). Au-delà d’un changement de titre, c’est la protection des personnes en situation de prostitution qui est bouleversée : d’un « piège », la prostitution se transforme en un « travail », qu’il faudrait normaliser afin, soi-disant, d’améliorer la vie de ses victimes.

Un parti-pris pour la dépénalisation de la prostitution

Le « Débat : abolitionnisme contre dépénalisation du travail du sexe » proposé dans le rapport aurait pu être constructif. Malheureusement, il consiste en une critique en règle de la vision abolitionniste présentée comme préjudiciable, tandis que la dépénalisation de la prostitution est plébiscitée (résol., §10 ; rapport, §31 et s.). L’auteur s’appuie pour cela sur un catalogue de textes internationaux interprétables en ce sens, d’opinions et rapports d’experts et fonctionnaires internationaux favorables et de positions, parfois outrancières, d’ONGs militantes (résol., §10). La Belgique, « premier pays d’Europe à décriminaliser totalement le travail du sexe », est présentée comme exemplaire (résol., §11 ; rapport, §46 et s.). En revanche, les défenseurs de l’abolition de la prostitution ne semblent pas avoir été consultés. Tout au plus sont citées les auditions de la Coalition pour l’abolition de la prostitution (CAP) et du Lobby européen des femmes (LEF) (rapport, §29-30, 33). Quant au récent rapport abolitionniste « Prostitution et violence contre les femmes et les filles » publié par Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la violence contre les femmes et les filles, il n’est pas même mentionné, au contraire de celui de sa collègue Tlaleng Mofokeng, Rapporteuse spéciale de l’ONU sur le droit à la santé, favorable à la dépénalisation totale de la prostitution (rapport, §61 ; résol., §10). Enfin, la portée de textes européens en faveur d’un cadre juridique pénalisant pour les clients de la prostitution est minimisée[1] (rapport, §19, 44). Le parti-pris pour la dépénalisation totale de la prostitution est donc évident, alors même qu’elle heurte de front la dignité humaine.

Un déni de réalité pour un objectif idéologique

La présente proposition prétend distinguer « prostitution forcée » et « travail du sexe » pour permettre la reconnaissance de ce dernier. Or, cette vision présentant la prostitution comme acceptable est purement idéologique et inopérante en droit international. Elle relève du déni de réalité car elle implique d’admettre l’existence d’une prostitution légitime : celle qui serait pleinement choisie ou librement consentie, ce qui est rarissime. Il est établi que la prostitution est en grande partie exploitée par les trafiquants. Dans sa Résolution du 14 septembre 2023 sur la règlementation de la prostitution dans l’Union européenne, le Parlement européen rapporte ainsi des données éloquentes :

« sur les quelque 30 000 personnes en situation de prostitution aux Pays-Bas, 70 % sont considérées comme ayant été contraintes à la prostitution par la violence, ou y avoir été attirées par un «loverboy»[2] » ; « en moyenne, 70 % des personnes en situation de prostitution dans l’Union sont des femmes migrantes[3] » ; « la traite à des fins d’exploitation sexuelle reste de loin la forme la plus répandue de traite des êtres humains dans l’Union, étant donné que 51 % des victimes de la traite des êtres humains dans l’Union le sont à des fins d’exploitation sexuelle[4] ».

D’autre part, « selon l’OSCE, la traite à des fins d’exploitation sexuelle génère à elle seule près de 100 milliards de dollars par an, constitués principalement d’argent versé par des hommes pour des relations sexuelles avec des femmes victimes de la traite[5] ».

En outre, le rapporteur lui-même admet que la prostitution n’est parfois « ni un choix proprement dit forcé, ni un choix complètement libre » (rapport, §28). En effet, dans les cas ne relevant pas de la traite d’êtres humains, une personne qui se prostitue y est à tout le moins poussée ou contrainte en raison de circonstances particulières, notamment la pauvreté, mais toujours parce qu’elle répond à la demande d’un tiers. En tout état de cause, le droit est clair sur la question du consentement : celui d’une victime de la traite des êtres humains à sa propre exploitation est indifférent lorsqu’il est obtenu par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages[6]. À l’instar du Parlement européen, il importe de rappeler que

« les relations sexuelles doivent être fondées sur le consentement, qui ne peut être donné que librement et volontairement, et ne peut être remplacé par un échange contre de l’argent; que la prostitution réduit les actes intimes à une valeur monétaire qui leur est attribuée ; que l’exploitation sexuelle par la prostitution d’autrui […] implique qu’une personne tout comme son consentement à une activité sexuelle peuvent être achetés pour une somme donnée »[7].

Normaliser la prostitution, un objectif incompatible avec les droits de l’homme

Promouvoir la normalisation de la prostitution est contraire aux droits de l’homme. En effet, qu’elle relève ou non de la traite des êtres humains, la prostitution viole par essence la dignité humaine. C’est ce que stipule expressément le Préambule de la Convention des Nations unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui (1949) :

« la prostitution et le mal qui l’accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine et mettent en danger le bien-être de l’individu, de la famille et de la communauté ».

Une telle affirmation se fonde sur la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) dont le Préambule rappelle que « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ». La Charte des Nations Unies (1946) ajoute que les peuples des Nations Unies sont résolus à proclamer leur « foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes ». Dans le cadre de l’Union européenne, les députés européens ont rappelé l’incompatibilité de la prostitution avec la dignité humaine dans la Résolution du 14 septembre 2023[8] et ont considéré que « l’exploitation sexuelle par la prostitution d’autrui constitue une violation flagrante du droit des femmes et de leur dignité »[9]. Dans une Résolution du 26 février 2014, ils avaient également reconnu que « la prostitution, la prostitution forcée et l’exploitation sexuelle sont […] des violations de la dignité humaine, qu’elles sont contraires aux principes régissant les droits de l’homme […] et […] aux principes de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »[10]. Le Parlement européen a encore qualifié la prostitution de « forme grave de violence et d’exploitation » dans une Résolution du 5 juillet 2022 relative à la pauvreté des femmes en Europe[11].

De ce point de vue, il serait absurde que l’APCE adopte la présente proposition de Résolution qui demande aux législateurs « de veiller à ce que les travailleuses et travailleurs du sexe puissent exercer leur activité dans la dignité » (résol., §8). De même, la prostitution ne peut pas être considérée comme « un important facteur de risque de violence à l’égard des femmes » (rapport, §12) : elle est en elle-même une violence. Quant au fait de renommer « travail du sexe » l’activité de « prostitution », cela n’en change en rien la nature : elle demeure intrinsèquement contraire à la dignité humaine. Dans sa résolution du 14 septembre 2023, le Parlement européen rappelle ainsi la nécessité d’employer des termes neutres et explique son choix délibéré d’utiliser l’expression « personnes en situation de prostitution » par la volonté de ne « pas idéaliser la réalité de la prostitution ni masquer la violence, les abus et l’exploitation qu’endurent la grande majorité des personnes en situation de prostitution »[12].

L’œuvre d’un lobby pour la normalisation de la prostitution

La présente proposition est très clairement l’œuvre d’un lobby militant pour la libéralisation et la normalisation de la prostitution. Elle est à replacer dans le contexte de l’affaire M.A et autres c. France (requête n° 63664/19), contentieux stratégique soutenu par plusieurs de ces mêmes organisations (Alliance européenne pour les droits des travailleurs et des travailleuses du sexe – ESWA, Amnesty International, Médecins du Monde) dans le but de voir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamner la France en ce qu’elle criminalise l’achat d’acte sexuel, et déclarer l’abolitionnisme par là-même contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. De l’arrêt du 25 juillet 2024, la Résolution et le rapport retiennent essentiellement que, tout en ne constatant pas de violation de la convention, la Cour demande aux autorités nationales « de garder sous un examen constant l’approche qu’elles ont adoptée, en particulier quand celle‑ci est basée sur une interdiction générale et absolue de l’achat d’actes sexuels » (§167). N’allant pas dans un sens favorable à la dépénalisation de la prostitution, d’autres apports de cet arrêt sont passés sous silence. Il importe tout de même de souligner que la Cour a refusé de déclarer le modèle abolitionniste contraire aux droits de l’homme. Elle a également rappelé « qu’elle jugeait la prostitution incompatible avec les droits et la dignité de la personne humaine dès lors que cette activité était contrainte » (§142). Or, comme cela a été montré, la prostitution est presque toujours contrainte en ce qu’elle relève de la nécessité et non d’un choix pleinement volontaire. Sur ce point, il est intéressant de noter que, si la Cour refuse de répondre dans cet arrêt à « la question de savoir si la prostitution peut être librement consentie ou provient toujours d’une contrainte », elle admet que les « conditions socioéconomiques » constituent une telle contrainte (§156). Remarquons encore que dans son souci de critiquer le modèle abolitionniste pour faire accepter la dépénalisation, le rapporteur se garde de préciser que la Cour a refusé de lier la détérioration de la situation des requérants à l’adoption d’une législation relevant du modèle abolitionniste : elle affirme au contraire qu’ « il n’y a pas d’unanimité sur la question de savoir si les effets négatifs décrits par les requérants ont pour cause directe la mesure que constitue la pénalisation de l’achat d’actes sexuels, ou de leur vente, ou sont inhérents et intrinsèques au phénomène prostitutionnel en tant que tel ou qu’ils seraient le résultat de tout un ensemble de facteurs sociaux et de pratiques comportementales » (§155). Le rapporteur omet aussi de dire que la Cour a jugé « qu’aucune des politiques publiques mises en place dans les autres États n’est à ce jour exempte de controverse » (§158). Non content d’avoir échoué devant la CEDH, c’est à présent l’APCE que ce lobby pour la normalisation de la prostitution instrumentalise pour arriver à ses fins.

Derrière l’objectif louable de défendre les droits des personnes en situation de prostitution, la présente proposition cache en fait la légalisation de leur exploitation et l’encadrement de la violence de la prostitution. Il importe donc que les membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe prennent leurs responsabilités et s’opposent fermement à l’adoption de cette Résolution partisane et déconnectée du sort réel de milliers de femmes et d’hommes en Europe.

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