Le philosophe Thibaud Collin signe une tribune dans Famille chrétienne. Extrait :
[…] Synode et méthode renvoient à la même étymologie, hodos qui signifie chemin en grec. A ceux qui pourraient s’étonner que l’Instrumentum laboris porte aussi sur des contenus bien concrets, en l’occurrence ceux qui intéressent le plus les médias (les femmes, les homosexuels, les hommes mariés ordonnés prêtres, etc.), il faut répondre que dans une telle perspective la méthode finit par déterminer la doctrine.
En effet, rappelons les présupposés de la démarche énoncés, dans La Croix L’Hebdo en janvier dernier, par le cardinal Hollerich, ancien missionnaire jésuite au Japon et rapporteur général du synode. Le monde vit, dit-il, une «révolution anthropologique» qui apporte un «changement de civilisation». Dès lors l’expression du message de l’Église est devenue «incompréhensible» pour la plupart de nos contemporains. Si l’Église veut être médiatrice du Christ, il faut qu’elle accepte de «s’adapter» à cette nouvelle donne anthropologique. Il lui faut commencer par «écouter» en dialoguant «humblement» avec ceux qui ne viennent pas dans les églises et avec ceux qui sont «aux marges» de l’institution, «sans exclusion». De cette écoute naîtra un nouveau «langage» rendant davantage crédible le message évangélique. Ce changement de paradigme théorisé également par le cardinal allemand Walter Kasper au début d’un autre processus synodal, celui sur la famille en 2014, consiste à inculturer l’Evangile dans le monde postmoderne.
Le risque d’une telle démarche vient du fait que la postmodernité n’est pas un simple paganisme. Elle est foncièrement postchrétienne, c’est-à-dire qu’elle prétend avoir « digéré » les valeurs chrétiennes et en être l’aboutissement. Dès lors, vouloir annoncer l’Evangile en l’inculturant à un tel monde ne peut que l’altérer. La doctrine pourra certes être déclarée inchangée, puisque de toute façon elle est perçue comme un idéal, ce qui importe est d’initier de nouvelles pratiques, un nouveau style compatible avec les exigences de la culture postmoderne. On comprend que, dans une telle perspective, il convienne de décrocher pratiquement la foi et la morale chrétiennes d’une anthropologie déclarée incompréhensible, frein à toute « évangélisation ».