Béatrice Bourges raconte :
"J'ai préféré laisser 24 heures avant d'écrire ce mail afin que les esprits s'apaisent un peu.
J'ai constaté hier que je n'étais plus porte parole. Ce n'est pas grave, juste un peu surprenant de l'avoir appris par l'extérieur sans avoir été contactée par quiconque, mais je suis maintenant habituée.Je vais vous raconter ce dont j'ai été témoin :
Compte tenu du nombre colossal de personnes venues manifester, en partie contre le déni de démocratie que nous subissons tous depuis des mois, l'avenue de la Grande Armée était tellement comble, que les forces de l'ordre ont ouvert des passages ce qui a permis à de nombreuses familles de se diriger tranquillement vers les Champs Elysées.
Concernant l'avenue de la Grande Armée, le passage a également été ouvert, ce qui a permis en particulier à Henri Guaino de pouvoir passer. Je l'ai fait d'ailleurs avec lui.
J'ai vu alors une foule colossale se diriger vers les Champs Elysées heureuse et arborant leurs drapeaux La manif pour tous. J'ai vu aussi les forces de l'ordre de plus en plus menaçantes et j'ai compris qu'un piège avait été tendu….
Je suis alors retournée vers la Grande Armée et c'est là que j'ai vu que les passages s'étaient refermés.
Je suis d'abord restée sur la place Charles de Gaulle. J'ai vu les forces de l'ordre commencer à gazer, en particulier des enfants, dont un qui hurlait de douleur. Je suis ensuite allée aux Champs Elysées par des rues adjacentes encore ouvertes, car sentant venir ce qui aurait pu tourner au drame, je ne me sentais pas le coeur à chanter Edith Piaf ….
Lorsque je suis arrivée, j'ai vu que des dizaines de milliers de personnes étaient rassemblées, beaucoup de religieux, d'enfants etc. De très nombreuses personnes m'ont remerciée d'être là, en me disant "Vous êtes la seule à être au milieu de nous".
J'ai vu le piège se refermer.
Les forces de l'ordre ont été impressionnantes de violence. Une femme a été littéralement renversée par un camion de CRS alors qu'elle cherchait à récupérer son enfant. Inutile d'aller plus loin. Vous avez vu les images, y compris celle de Christine Boutin.Lorsque j'ai continué à descendre les Champs Elysées et lorsque je suis arrivée presque au rond point, j'ai été accueillie par des acclamations. Les gens se sentaient complètement abandonnés et ils comptaient manifestement sur un porte parole de la manif pour tous pour les réconforter, ce que j'ai fait, au moyen d'un mégaphone. J'ai alors appelé à une résistance pacifique, en insistant bien sur ce dernier mot. Je peux vous assurer qu'ils attendaient quelque chose de fort. Ils étaient scandalisés par l'attitude des forces de police. Il a fallu maîtriser leur colère, ça n'a pas été facile, croyez moi et ils n'étaient pas près de quitter les lieux.
J'ai vraiment été très inquiète. Je voyais les forces de police vouloir s'attaquer à ce dernier bastion. La tension était à son comble. Je suis allée auprès des CRS pour négocier et leur demander qu'ils ne chargent pas en leur promettant que j'allais faire le maximum pour les faire dégager. J'ai repris le mégaphone et ai appelé à la dispersion. Certains voulaient rester. On allait à la catastrophe. J'ai été poussée à partir mais je ne l'ai pas fait car je voulais continuer à convaincre de partir. Je suis passée dans la foule en continuant les appels. Les gens ont fini par me faire confiance et seuls quelques irréductibles, probablement extrémistes sont restés. Ils étaient si peu nombreux qu'ils ont fini par partir eux aussi. Nous sommes passés à deux doigts d'un vrai drame.J'aurais certes pu me dégager rapidement. Ca aurait sûrement été meilleur pour mon image, mais je me fiche de mon image. J'étais plus angoissée par ces jeunes pacifiques qui ne réalisaient pas ce qui était en train de se jouer.
Je suis admirative de tous ces gens que j'ai vus. Incroyablement courageux et pacifiques. Oui, le Printemps français est bien né et je suis fière d'avoir été là.
Il ya eu deux manifestations ce jour là. Ca n'était prévu, mais c'est ainsi.Concernant mon rôle dans cette affaire, j'ai appelé à manifester sur le parcours officiel dès qu'il a été connu, comme l'attestent les tweets que j'ai envoyés. J'ai fait réunion sur réunion dans toute le France. Je suis allée au contact des gens, y compris dans des campagnes, pour des réunions qui ne rassemblaient pas forcément des miliers de personnes, mais je voulais sentir le pouls de la France profonde et j'ai pu constater que les gens avaient soif de quelque chose de fort.
C'est pourquoi lorsque l'initiative du Printemps français est née, j'ai été particulièrement à l'écoute. Cette initiative, qui émanait de personnes de la Manif pour tous des régions, rejoignait ce que j'entendais sur le terrain. J'ai pris la décision de les soutenir. J'ai compris qu'il fallait les accompagner et non pas les contraindre si l'on ne voulait pas une véritable scission. C'est ce que j'ai tenté de faire, ce qui m'a valu d'être "déchue" une première fois, sans en être avertie. Beaucoup de gens s'en sont émus. C'est pourquoi j'ai été réintégrée.De très nombreuses personnes ne se sentent pas entendues. J'ai tenté de le dire. Je n'ai pas été écoutée. Il est arrivé ce qui devait arriver, c'est à dire une 2è manifestation, à côté de la première.
Les réactions à chaud, sans aucun recul (mais il est vrai qu'un micro qui se tend, c'est tellement tentant) condamnant les "fachos" "skin head" et autres "débordements" m'on fait comprendre combien il y avait eu déconnexion entre le terrain et les instances centralisatrices. Les véritables victimes, une fois de plus étaient méprisées et accusées. Le politiquement correct avait repris le dessus.
Je suis à nouveau "déchue". Je l'ai appris par des amis. Ce n'est pas grave. Je suis heureuse d'avoir été gazée, comme les autres. C'est vrai, je n'ai pas chanté la chanson d'Edith Piaf."
Demandez la réintégration de Béatrice Bourges au sein de La Manif pour tous : [email protected] 07 63 04 86 26 [email protected]