Une ancienne journaliste au Washington Post donnait hier dans ce quotidien de centre-gauche un témoignage personnel sur son expérience de mère d’un enfant trisomique. Et ce qu’elle dit sur le regard de ses pairs, dans l’élite intellectuelle qu’elle fréquente, a du en secouer quelques-uns. Extraits :
Dès que je suis en public avec Margaret, je suis consciente qu’elle représente un groupe dont les rangs se rétrécissent du fait de la large disponibilité de tests prénataux et de l’avortement. Je ne sais pas combien de grossesses sont interrompues à la suite d’un diagnostic prénatal de la trisomie, mais certaines études estiment entre 80 et 90 pour cent.
Imaginez. Alors que Margaret traverse sa vie avec enthousiasme, je vois la manière dont les gens la regardent, surtout ici [en Californie, NDT] au pays du corps parfait : curieux, parfois méfiants, à l’occasion réprobateurs ou inquiets. […]
Pour eux, Margaret entre dans la catégorie de la souffrance humaine évitable. Au mieux, une erreur tragique. Au pire, une incarnation du mouvement pro-vie. Quelque chose de moins qu’humain. Un poids pour la société. Que l’on considère ainsi un être aimé me fait mal au-delà des mots.
Cette opinion est probablement particulièrement prononcée ici, dans la Californie qui vote à gauche, mais je la rencontre partout, du monde universitaire jusqu’aux plus bas échelons. A un dîner en ville il n’y a pas longtemps, j’étais assise à côté du directeur d’un cursus d’éthique dans une des universités américaines les plus prestigieuses. Répondant à la question d’un autre convive, il a dit qu’il considérait que les parents avaient une obligation morale d’effectuer des tests prénataux et d’interrompre leur grossesse pour éviter d’amener à la vie un enfant handicapé, parce qu’il était immoral de soumettre un enfant au type de souffrance qu’il ou elle aurait à subir. (Quand j’ai commencé à parler de l’expérience de notre famille, il a souri poliment et s’est tourné vers la dame à sa gauche.)