Prête à défendre les quêtes identitaires les plus étranges, soucieuse de lutter contre le “racisme d’extrême-droite”, l’idéologie woke s’est montrée, une fois encore, tout à fait silencieuse à l’occasion de la journée mondiale de la trisomie 21, le 21 mars dernier. N’y aurait-il pas pourtant à ce sujet des injustices à réparer et des petits à défendre ? Voici ce qu’écrit le père Danziec dans Valeurs Actuelles :
Le cinéaste-acteur Artus avait dit d’eux qu’ils possédaient « un p’tit truc en plus ». Son film éponyme, sorti le 1er mai 2024, rencontra – à la surprise générale – un immense succès populaire. Et bien que reparti bredouille de la soirée des César, son titre de gloire est plus précieux que n’importe quel trophée : 10,8 millions. Comme le nombre de spectateurs qui s’est laissé toucher par les aventures de trisomiques en colonie de vacances. « Un p’tit truc en plus », la formule est heureuse et, scientifiquement ajustée. En effet, un être humain possède, normalement, 46 chromosomes dans chacune de ses cellules, organisés en 23 paires. Dans le cas de la trisomie 21, une exception survient, puisqu’un chromosome supplémentaire apparaît. Les personnes atteintes possèdent alors 47 chromosomes, en l’occurrence trois copies du chromosome 21, au lieu de deux. Le fameux « p’tit truc en plus »…
Le wokisme, au mépris de la nature humaine
Nous savons que la pensée woke censure ses détracteurs, telle la suspension de la parution de l’ouvrage collectif Face à l’obscurantisme woke (PUF), notamment sous la pression de l’historien-artificier de la cérémonie d’ouverture des derniers Jeux Olympiques, Patrick Boucheron. Nous oublions peut-être trop rapidement cependant que la défense woke de la multiplicité des identités de genre confine parfois au grotesque. En juin 2018, sur le plateau d’Arrêt sur images, le « Qu’est-ce qui vous fait dire que je suis un homme ? » lancé par un administrateur – barbu ! – de l’Inter-LGBT à un Daniel Schneidermann déboussolé avait fait le tour des dîners en ville et des machines à café en entreprise. Plus récemment, en septembre 2024, les humoristes Damien Gillard et Cécile Giroud de l’émission belge Le Grand Cactus sur la RTBF ont raillé, avec un indéniable talent, les revendications ubuesques qui peuvent jaillir des questions de genre. En plagiant le tube d’Indochine 3ème sexe – réintutilé pour l’occasion “128ème sexe”, tout est dit – le duo s’amusait à ouvrir la boite de pandore de la dictature du ressenti : « Garçon, fille ou thé à la menthe, peu importe, je suis non-genré. (…) Je suis une bille ou un héron. Moi un lapin qui se sent poisson. (…) Et j’ai envie d’être un merlu. Et j’ai envie d’être un zébu. Je suis une fraise de Cavaillon. Moi, un melon qui vient de Wépion. » Au-delà de la satire, c’est en fin de compte l’impasse intellectuelle du wokisme qui se trouvait légitimement pointée du doigt. A la question vertigineuse de savoir ce qui fonde l’identité de la personne humaine, la réponse reste en suspens : le wokisme passe son tour en refusant de soumettre à la nature des choses.
La réflexion du professeur Jérôme Lejeune, pour ceux qui auraient la liberté intérieure de s’y arrêter, donnerait sans aucun doute à réfléchir. Sa méditation sur la vie, sur l’origine de l’homme, sur l’identité et la spécificité de la personne humaine se révèle d’une épaisseur précieuse pour notre temps en manque de boussole. La pensée lumineuse du professeur Lejeune s’explique par son expérience de médecin, de chercheur, de généticien ; certes. Mais c’est surtout sa destinée de découvreur de la trisomie 21 qui lui donne toute sa hauteur. En 1959, à 32 ans seulement, il décelait que le “mongolisme” résulte en réalité d’une aberration chromosomique. La trisomie 21 n’est donc pas une maladie au sens classique du terme mais la conséquence d’une particularité génétique. Fort de sa science et de sa considération pour son prochain le plus faible, qui s’enracine dans une foi intense, le professeur Lejeune pose un diagnostic clair et précis quant à la trisomie 21. Ni maladie infectieuse ni pathologie dégénérative, il s’agit d’une caractéristique chromosomique constitutive de la personne dès sa conception. « On ne guérit pas un chromosome de trop, mais on peut aider ceux qui le portent à vivre pleinement ». Le principe est simple : ce n’est pas parce que l’on détecte sur un embryon un chromosome en plus que ce dernier a moins de droits à être aimé et respecté.
Racisme chromosomique
Dans mon ministère de prêtre, moi à qui l’Eglise demande de faire le sacrifice de la paternité biologique, je peux témoigner – comme tant d’autres – combien les enfants trisomiques sont plus enfants que les autres. Immensément affectueux et d’une simplicité confondante, leur candeur et leur innocence leur confèrent un charme spécial et inouï, « plus facile à chérir qu’à décrire » dira le professeur Lejeune.
Il faut le dire, la trisomie 21 a valeur de révélateur. Elle place chacun de nous devant le défi de notre propre humanité. Elle est un test d’amour à portée évangélique. Jérôme Lejeune n’eut de cesse de combattre l’idée reçue que les enfants atteints de trisomie 21 deviendraient nécessairement malheureux : « C’est une contre-vérité absolue ! » répétait-il. Leur bonheur ou leur malheur, comme pour tous les hommes, dépend d’abord de l’amour parental et du respect que leur accorde la société.
Parce que chaque petit trisomique est, dès sa conception, caractérisé par cette anomalie chromosomique, il appelle sur ce qui le constitue non pas rejet ou éradication, mais un amour sans condition, plus fort que nos peurs face à la différence. Contre ce racisme chromosomique, il appartient à chacun, dans son for intérieur, de se lever. S’il n’est pas permis de tuer un être humain en raison de la couleur de sa peau ou de sa religion, l’on peut pourtant éradiquer aujourd’hui un petit d’homme en fonction de son anormalité. L’avenir jugera sévèrement notre époque aux consternations risibles et aux oublis coupables. Et elle saluera les prophètes qui, contre vents et marées, auront été des voix criant dans le désert immoral. Et appelant surtout à sortir au plus vite de celui-ci.