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Pays : Turquie

Un pasteur américain prisonnier des Turcs pour «christianisation»

Grégor Puppinck, docteur en droit et directeur du European Centre for Law and Justice (ECLJ), membre du panel d'experts de l'OSCE sur la liberté de conscience et de religion, écrit dans Le Figarovox :

Unknown-12"Le 16 avril aura lieu un procès emblématique en Turquie: celui du pasteur américain Andrew Brunson, accusé officiellement de «diviser le pays par le biais de la christianisation» de la population. Il vivait paisiblement dans la ville d'Izmir depuis plus de 23 ans et est aujourd'hui détenu depuis un an et demi. Le procureur turc a listé une cinquantaine d'autres «suspects», en raison de leurs liens supposés avec le pasteur Brunson. Alors qu'il y a à peine plus de 0,1 % de chrétiens en Turquie, le président Erdoğan a-t-il réellement peur que leur évangélisation divise cette nation musulmane? Certes, des Églises rapportent de nombreux témoignages de conversions de musulmans turcs au christianisme. Mais les motivations réelles d'Erdoğan ne semblent pas seulement religieuses: elles sont politiques. 

Le prisonnier Andrew Brunson est utilisé par la Turquie comme un outil supplémentaire pour faire du chantage auprès des pays occidentaux. Lorsque Donald Trump a demandé sa libération, Erdoğan a proposé de l'échanger contre Fethullah Gülen, son principal opposant politique réfugié aux États-Unis: «Donnez-nous ce pasteur [Gülen] et nous vous rendrons le vôtre [Brunson]». Le président turc sait qu'en prenant pour cible un pasteur évangélique américain, il s'attaque à un symbole pour la base électorale de Donald Trump. Deux pétitions américaines ont rassemblé chacune 500 000 signatures pour demander la libération d'Andrew Brunson, et c'est cette mobilisation de l'opinion publique qui a fait réagir le gouvernement des États-Unis. Le vice-président Mike Pence a notamment affirmé que l'affaire Brunson était devenue une «priorité essentielle» de la Maison-Blanche.

Une libération du pasteur Brunson est malheureusement loin d'être acquise, si l'on en croit l'acte d'accusation invraisemblable dont il est l'objet. Celui-ci, rendu public en mars, nous apprend qu'Andrew Brunson encourt 35 ans de prison ferme pour «terrorisme». Il aurait contribué à la «tentative de coup d'État» de juillet 2016, en coordination avec le mouvement Gülen et le parti indépendantiste kurde PKK. Il aurait agi comme un «agent de guerre non-conventionnelle» sous le couvert du «masque de pasteur d'une Église évangélique». Ces accusations reposent seulement sur un «témoin anonyme» et des «documents secrets». L'argumentation du procureur résume bien la théorie du complot imaginée par Erdoğan, qui cherche à faire croire que tous ses opposants complotent ensemble pour organiser un coup d'État. D'après l'acte d'accusation, le pasteur Brunson, le mouvement Gülen et le PKK «abusent des croyances religieuses des personnes et essayent de créer une synergie qui constitue une menace pour [le] gouvernement». Il y aurait donc un complot politico-religieux entre un pasteur évangélique, un mouvement musulman sunnite et un parti marxiste-léniniste.

Le procureur turc a le mérite de ne pas cacher que la mise en détention du pasteur Brunson est surtout liée à son action de «christianisation». L'acte d'accusation énonce explicitement que la foi chrétienne met en danger l'unité de la nation turque et que ceux qui la répandent divisent le pays. Il est par exemple reproché à Andrew Brunson d'avoir exprimé, dans un SMS privé, son espérance que le peuple turc se tourne vers la foi chrétienne avant le «retour du Christ». De plus, d'après le «témoin anonyme», les protestants américains et les Israéliens «se préparent à être les précurseurs d'une guerre à venir», car ils croient que «tous les hommes sont [leurs] esclaves». Ces accusations témoignent de l'inquiétante pénétration de théories complotistes irrationnelles dans l'appareil d'État turc. Elles devraient interroger les États-Unis et l'Europe sur la fiabilité de leur alliance avec la Turquie dans le cadre de l'OTAN.

Ces différents éléments de l'acte d'accusation du pasteur Brunson préfigurent un procès biaisé et une probable condamnation. Son arrestation s'ajoute à celle des 160 000 autres victimes des purges en Turquie depuis la prétendue tentative de coup d'État de juillet 2016. Ces enseignants, juges, journalistes ou encore fonctionnaires ont eux aussi été accusés de «terrorisme». Le président Erdoğan ne compte malheureusement pas en rester là et a prévenu la France en janvier: «Ce n'est pas encore fini: il y a encore un nombre très sérieux (…) de terroristes». Avec l'affaire Brunson et la cinquantaine de nouveaux «suspects», ce prétexte de «terrorisme» est élargi: il est invoqué pour emprisonner des chrétiens qui témoignent de leur foi.

Les États occidentaux doivent être lucides sur la réalité de cette justice turque, qui est aujourd'hui largement soumise à un pouvoir présidentiel autoritaire. C'est pourquoi ils ne devraient pas attendre l'issue des procédures judiciaires en Turquie pour agir pour la libération du pasteur Brunson, en particulier auprès des institutions internationales. Nous pouvons sur ce point nous réjouir que cette affaire soit discutée en ce moment au Comité des ministres du Conseil de l'Europe. La fille du pasteur Brunson a aussi pu donner, récemment, un témoignage émouvant au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies.

Cependant, la Turquie fait elle aussi pression sur les institutions internationales. Dans ses négociations avec les États européens, Erdoğan a plusieurs fois menacé d'ouvrir les vannes de la migration vers l'Europe. À Strasbourg, la Turquie a réduit drastiquement sa contribution au budget du Conseil de l'Europe, le plongeant dans une crise financière sans précédent, tout en y construisant un consulat monumental. Si l'Europe ne réagit pas avec fermeté pour demander la libération du pasteur Brunson, elle donnera un nouveau signe de faiblesse."

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5 commentaires

  1. Erdogan est un islamiste radical soutenu par la clique Maçonnique pour faire le travail que Daech n’a pas réussi à faire. Pendant la guerre contre l’EI, la Turquie islamiste a envoyé plus de mille camions d’armes aux islamistes et pendant ce temps autodafait des centaines de milliers de livres…. comme Hitler

  2. L’UE ne sait faire que ça, donner des signes de faiblesse, uniquement envers tous ceux qui nous vomissent dessus depuis trop longtemps !
    Par contre, quand les nations européennes veulent montrer leur désir d’exister et de se protéger, de préserver leurs cultures, de respecter leurs racines chrétiennes, tiens, là comme par hasard, il n’y a plus du tout de faiblesse…

  3. Et comme Hitler, ce personnage ne comprend qu’une chose : les coups de canon !

  4. Attention, l’église evangélique a été fortement politisée : les membres de cette Église sont les plus fervents soutiens d’Israël et refusent toute concession territoriale aux Palestiniens.
    La haine professée par elles contre l’islam, mais aussi leur mépris à l’égard des Arabes chrétiens, en font un instrument privilégié de la politique états-unienne visant à briser le monde arabe pour mieux organiser un « grand Moyen-Orient » tout entier soumis à l’influence de Washington et de ses alliés israéliens. Outre le Vatican, les Églises traditionnelles irakiennes ne cessent de dénoncer le danger des évangéliques états-uniens !
    http://www.voltairenet.org/article130687.html

  5. Si ce que vous dites est vrai, Otho, alors que ce pasteur Brunson se débrouille… Le sectarisme et l’inaptitude à comprendre les réalités politiques de l’orient sont une des caractéristiques de ces “chapelles” réformées américaines…
    Ces gens-là sont incapables de concevoir le monde en dehors de la culture occidentale US !

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