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L'Eglise : François

Une grande liberté pour discuter l’exhortation apostolique

Extrait de l'analyse de l'abbé Barthe dans L'Homme Nouveau :

"[…] [D]ès le début, l’exhortation, alors qu’elle va traiter d’un certain nombre de problèmes doctrinaux déjà tranchés par le magistère de l’Église, affirme cependant la légitimité de la libre discussion quant aux applications dans certains cas : « Je voudrais réaffirmer que tous les débats doctrinaux, moraux ou pastoraux ne doivent pas être tranchés par des interventions magistérielles. Bien entendu, dans l’Église une unité de doctrine et de praxis est nécessaire, mais cela n’empêche pas que subsistent différentes interprétations de certains aspects de la doctrine ou certaines conclusions qui en dérivent ». Cela laisse d’ailleurs une grande liberté pour discuter l’exhortation, qui se place donc, en préalable, hors du champ des « interventions magistérielles ». […]

Pour notre part, dans ces considérations à chaud, nous nous attacherons seulement à soulever la question de l’imputabilité. « Il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans certaine situation dite “irrégulière” vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce » (n. 301). D’où cette proposition : « Au regard de ces convictions, je considère très approprié ce que beaucoup de Pères synodaux ont voulu soutenir : “Dans des circonstances déterminées, les personnes ont beaucoup de mal à agir différemment (…). Le discernement pastoral, tout en tenant compte de la conscience correctement formée des personnes, doit prendre en charge ces situations. Les conséquences des actes accomplis ne sont pas non plus nécessairement les mêmes dans tous les cas” » [Relatio finalis 2015, n. 85].

Le texte n’invoque pas la traditionnelle bonne foi – dont Dieu est juge –, qui peut en effet, dans certains cas, excuser du péché. Il suppose au contraire un sujet « connaissant bien la norme ». En toute hypothèse, et très concrètement, on transforme une éventuelle non-imputabilité subjective en non-imputabilité objective, laquelle permettra de recevoir les sacrements tout en restant dans une situation objective de péché. Le tout ne faisant d’ailleurs qu’encourager une pratique libérale déjà établie en bien des endroits.

Mais avant même cela, il y a la conscience sacerdotale, celle du pasteur d’âmes qui aura à répondre au jugement de Dieu des conseils qu’il aura donnés. Le prêtre, confesseur ou non, accompagnant ces personnes se trouvera dans le cas suivant : des sujets en état d’adultère public, estimant qu’ils ne peuvent pas renoncer aux actes réservés de soi au mariage légitime, vont être considérés par lui comme péchant au maximum véniellement. À supposer même que l’on se trouve dans le cas limite d’une certitude, en conscience, par ces personnes, que l’union précédente était invalide (n. 298, citant Familiaris consortio n. 22, qui dans ce cas demande la vie dans la seconde union comme frère et sœur), il n’y a pas – au moins pour l’instant – de nouveau mariage sacramentel. Ces personnes se trouvent donc dans la situation de toutes personnes non mariées : les actes de chair leur sont interdits par le commandement divin. La morale naturelle et chrétienne parle de fornication. Or, voilà que désormais le prêtre pourra affirmer que ces actes, dans certains cas, seraient au maximum des péchés véniels. Le renversement est considérable.

Il va de soi que l’on n’est pas en présence d’un acte du magistère infaillible faisant obligation d’adhérer sous peine de faire naufrage dans la foi. Mais il est permis de dire que la doctrine de l’Église n’en ressort pas, à tout le moins, clarifiée. La mise en œuvre du sensus fidei/fidelium est ici nécessaire. On l’on a vue se déployer préventivement chez d’éminents pasteurs, comme cette trentaine de cardinaux qui ont manifesté leur opposition à une mutation morale, dont parle Jean-Marie Guénois dans son article du Figaro, de ce jour, ou encore comme les intervenants de livres collectifs récents. Dans notre article du 10 mars 2015, nous disions que cette mise en œuvre de l’instinct de la foi, non seulement s’oppose à une sorte de démaillage du magistère pontifical, mais en outre, pose des jalons pour un remaillage magistériel, si l’on reste dans une métaphore pénélopienne. Aujourd’hui, très concrètement, l’usage du sensus fidei/fidelium contribue à faire appel – au sens d’interjeter un appel – au magistère moral comme infaillible, et donc au magistère en général dans la plénitude de son exercice salutaire pour les âmes. C’est un enjeu institutionnel capital pour l’Église dans les années à venir."

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