L'abbé Juan José Perez Soba, théologien à l'Institut pontifical Jean-Paul II à Rome, répond au cardinal Kasper, au sujet de l'accès à la communion des divorcés remariés, dans le mensuel La Nef. Extraits :
"Parfois, refuser la miséricorde est l’unique moyen de la défendre de ses falsifications. Le cardinal Kasper l’affirme avec grande clarté dans son livre Misericordia : « Un autre malentendu grave au sujet de la miséricorde est celui qui consiste à transgresser, au nom de la miséricorde, le commandement divin de la justice […]. Nous ne pouvons pas conseiller d’avorter au nom d’une fausse miséricorde ». Une miséricorde injuste n’est pas la miséricorde. On ne peut attenter à la dignité humaine au nom de la miséricorde. Par conséquent, pour parler de miséricorde concernant le mariage, il est très important de comprendre exactement quelle réalité de dignité humaine est impliquée dans cette institution. Il n’y aurait aucune miséricorde si l’on attentait à cette dignité. Ce bien est ce que la tradition chrétienne a appelé le lien, et c’est ce qui a précisément constitué le sujet réel de l’indissolubilité attribuée au mariage. C’est ainsi que le concile Vatican II définit le mariage comme une réalité transcendante : « En vue du bien des époux, des enfants et aussi de la société, ce lien sacré échappe à la fantaisie de l’homme » (GS 48) ; voilà pourquoi il le retient indissoluble (n. 50). […]
En d’autres termes, lorsque l’on parle de justice concernant le rapport sacramentel entre homme et femme, on se réfère au respect de la dignité inviolable de ce « lien sacré ». Toute tentative d’approche de la pastorale matrimoniale usant de la parole de miséricorde, doit être en mesure de déterminer la réalité du lien ou bien de comprendre s’il existe ou non. Sans cette clarification préliminaire, toute attitude miséricordieuse éventuelle serait évidemment contraire à la justice. […]
La défense du lien jusqu’à l’indissolubilité est donc la manière dont Dieu offre sa miséricorde au mariage. « Leur lien d’amour devient l’image et le symbole de l’Alliance qui unit Dieu et son peuple ». Cela unit de manière extrêmement directe le lien indissoluble du mariage et l’amour des époux, dans le cadre d’une évidente « primaireté » de la grâce (pour employer un néologisme forgé par le pape François), et comme moyen de guider leur liberté. Il reste cependant entendu que, pour un chrétien voulant vivre de sa foi, le fait de maintenir une nouvelle union, en opposition avec le « lien sacré » du mariage, est un acte de grave injustice à l’égard du lien divin qui demeure. En cette matière, il n’existe par conséquent pas de possibilité d’appliquer une prétendue miséricorde, qui serait injuste et, pour cela même, fausse. […]"