Beaucoup se réjouissent de la Convention sur la diversité culturelle qu’a adoptée l’UNESCO cette semaine : le texte (un avant-projet est ici en pdf, je n’ai pas trouvé en ligne le texte adopté) exclut les biens culturels des accords de libre-échange, tels que ceux de l’OMC. L’esprit du texte semble en concordance avec l’exhortation, à l’UNESCO justement, de Jean-Paul II en 1980 :
"Veillez par tous les moyens sur cette souveraineté fondamentale que possède chaque nation en vertu de sa propre culture. Protégez-là comme la prunelle de vos yeux pour l’avenir de la grande famille humaine."
Le Figaro éditorialise sur "l’écrasante victoire" du ministre Donnedieu de Vabres, puisque seuls deux pays (les Etats-Unis et Israël) ont voté contre; Le Monde nuance toutefois : le texte n’a pas de valeur contraignante et "n’engage pas à grand chose". Yves Daoudal, que personne n’accusera d’optimisme systématique, y accorde plus d’autorité :
Cette "Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles", lancée et promue par la France et le Canada, n’est pas un simple vœu pieu, puisque son article 20 lui confère le même niveau juridique international que les traités bilatéraux et que le cadre même de l’Organisation mondiale du commerce, du jour où 30 pays l’auront ratifiée. […]
La Convention est "un véritable antidote contre la mondialisation", s’exclamait le représentant de la Mauritanie. Ce qui est pour le moins exagéré. Mais c’est un petit coin enfoncé dans le bétonnage mondialiste.
Mais le texte soulève également des inquiétudes, et de deux ordres : pour Jeanne Smits dans Présent d’aujourd’hui, certains passages pourraient servir de fondement à des revendications communautaristes. La culture protégée n’est pas seulement celle des nations dont parlait Jean-Paul II, mais aussi celle des minorités ("Toute personne a le droit à une éducation et une formation de qualité qui respectent pleinement son identité culturelle".)
Le Wall Street Journal s’inquiète de la censure que certains états pourraient exercer sous couvert de protection de leur culture :
La Chine et d’autres pays répressifs sont enthousiastes : la "convention" pourrait aisément justifier l’interdiction de chaînes de télévision par satellite ou la fermeture de journaux au nom – pour utiliser un terme délicieusement orwellien – de la "sécurité culturelle."