Le 11 janvier 2014, le médecin chargé de Vincent Lambert au centre hospitalier universitaire de Reims avait pris la décision de mettre fin à l’alimentation et à l’hydratation artificielles de ce patient. Cette décision avait été jugée légale par une décision du Conseil d’État du 24 juin 2014, rendue après expertise médicale. Par un arrêt du 5 juin 2015, la Cour européenne des droits de l’homme a ensuite jugé qu’il n’y aurait pas violation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en cas de mise en œuvre de la décision du Conseil d’État.
Après l’intervention de cet arrêt, M. François Lambert, neveu de M. Vincent Lambert, a demandé, en juin 2015, au CHU de Reims de mettre en œuvre la décision qui avait été prise par le médecin. Le nouveau médecin en charge l’a alors informé, ainsi que les autres membres de la famille, de sa décision d’engager une nouvelle procédure collégiale. Toutefois, le CHU a annoncé la décision de ce médecin de suspendre la procédure collégiale en indiquant que « les conditions de sérénité et de sécurité nécessaires à la poursuite de cette procédure tant pour Vincent Lambert que pour l’équipe soignante ne sont pas réunies ». François Lambert a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui a rejeté sa demande par un jugement du 9 octobre 2015. Saisie en appel, la cour administrative d’appel de Nancy a infirmé ce jugement : elle a annulé la décision de suspension de la procédure collégiale et a enjoint au CHU de Reims de mettre le médecin en charge de M. Vincent Lambert, ou tout autre praticien susceptible de lui succéder, en mesure de répondre aux obligations lui incombant vis-à-vis du patient. Mais elle a refusé d’enjoindre au CHU de mettre en œuvre la décision prise le 11 janvier 2014 par le médecin alors en charge de M. Vincent Lambert.
Les deux parties de cet arrêt ont été contestées devant le Conseil d’État :
- plusieurs membres de la famille, dont les parents, de M. Vincent Lambert l’ont contesté en ce qu’il annulait la suspension de la procédure et prononçait une injonction ;
- François Lambert l’a contesté en ce qu’il refusait d’enjoindre de mettre en œuvre la décision prise le 11 janvier 2014.
Par la décision d'hier, le Conseil d’État rejette les deux requêtes dont il est saisi.
1. Il juge tout d’abord que la décision prise le 11 janvier 2014 par le médecin chargé de M. Vincent Lambert ne peut plus recevoir application. Il déduit du code de la santé publique que les décisions de limiter ou d’arrêter les traitements dont la poursuite traduirait une obstination déraisonnable, qui ne peuvent intervenir que dans le cadre d’une procédure collégiale, sont prises par le médecin chargé du patient et ne peuvent être mises en œuvre que par ce même médecin ou sous sa responsabilité. Par suite, dans le cas où le médecin qui a pris une telle décision n’est plus chargé du patient à la date où cette décision peut commencer à être mise en œuvre, la décision en cause cesse de produire effet et ne peut plus légalement recevoir application. Le nouveau médecin doit alors prendre lui-même une décision.
2. Le Conseil d’État juge ensuite que le médecin chargé de Vincent Lambert, qui avait précisément engagé une nouvelle procédure collégiale pour examiner la question de l’arrêt des traitements, ne pouvait pas décider d’interrompre cette procédure pour les raisons qu’il a retenues. Selon le communiqué, ces raisons tenaient à ce que « les conditions de sérénité et de sécurité nécessaires à la poursuite de cette procédure tant pour Vincent Lambert que pour l’équipe soignante [n’étaient] pas réunies », étant précisé que « les conditions d’un échange serein [devaient] absolument être rétablies dans l’intérêt de Vincent Lambert et de son accompagnement ». Le Conseil d’État juge que l’existence d’éventuelles menaces pour la sécurité de Vincent Lambert et de l’équipe soignante n’est pas un motif légal pour justifier l’interruption d’une procédure engagée en vue d’évaluer si la poursuite de l’alimentation et de l’hydratation artificielles traduit une obstination déraisonnable.
Le Conseil d’État rejette donc les pourvois dont il est saisi. Il en résulte que le médecin nouvellement chargé de Vincent Lambert devra se prononcer sur l’engagement d’une procédure d’examen du maintien de son alimentation et son hydratation artificielles.
Rien n’interdit au CHU d’entamer une nouvelle procédure collégiale, depuis le début. Mais il sera obligé de tenir compte de la plainte pénale que les parents de Vincent ont lancé contre le docteur Kariger et contre le CHU pour maltraitances et tentative d’assassinat.