A l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant le 20 novembre, et à l’approche de la Marche du 24 novembre contre les violences faites aux femmes, La Manif Pour Tous a invité une mère porteuse américaine à venir témoigner de son expérience en France
Cinq enfants attendus et mis au monde pour d’autres
Kellya réalisé trois gestations pour autrui : deux « commerciales », par l’intermédiaire d’agences américaines, pour un couple d’hommes français et pour un couple homme-femme espagnol. Entre ces deux GPA commerciales, elle a fait une GPA « altruiste », c’est-à-dire sans l’intermédiaire d’une agence, pour un couple homme-femme américain qui lui a été présenté.
Kelly était la mère porteuse idéale : les grossesses et les accouchements s’étaient très bien passés pour les trois enfants qu’elle a eus avec son mari, raison pour laquelle elle a intéressé les agences et les couples. Agée aujourd’hui de 34 ans, Kelly a donc eu cinq autres enfants dans le cadre des trois gestations pour autrui qu’elle avait consenties à faire.
Le débat français sur la GPA
Le contexte français est marqué par un débat actif sur la GPA depuis déjà plusieurs années, en lien avec le fait que certains de nos concitoyens ont recours à des mères porteuses à l’étranger et avec une revendication d’avancées en la matière portée par quelques associations.
S’il n’est pas question de légaliser la GPA « sous ce mandat », comme le disait le député Guillaume Chiche, le débat porte depuis plusieurs années sur la retranscription à l’état civil français des actes de naissance établis dans les pays où sont nés les enfants concernés, le plus souvent les Etats-Unis.
La ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, a fait part de son souhait, à l’instar du député Jean-Louis Touraine, rapporteur de la Mission parlementaire d’information bioéthique, de systématiser la retranscription des actes de naissance, ce dont Manuel Valls disait lui-même que « cela reviendrait à accepter et normaliser la GPA » [La Croix, 3 octobre 2014].
Emmanuel Macron ayant fait part de son opposition à la pratique de la gestation pour autrui, et affirmé que la PMA sans père n’entraînerait pas la GPA dans un second temps, on attendrait au contraire des actes forts de l’exécutif attestant de la réalité de cette opposition à une pratique indigne.
Dans ce contexte, il était urgent d’écouter une mère porteuse raconter son témoignage. En effet, jusque-là, on a pu entendre presque exclusivement des parents commanditaires d’enfants nés de GPA. Les très rares cas où des témoignages de mères porteuses sont rapportés, c’est en lien avec des agences de mères porteuses, dont il est connu qu’elles payent ces femmes pour s’assurer du contenu de leur témoignage.
Le témoignage de Kelly
Les 19 et 20 novembre, Kelly a rencontré de nombreux Français qui, tous, ont pu l’interroger sur son incroyable expérience : journalistes, politiques, mais aussi de simples citoyens venus assister à l’une des projections du film « Big fertility » qui raconte son histoire bouleversante.
Répondant sans restriction à toutes les questions qui lui ont été posées, Kelly a fait part des immenses difficultés qu’elle a rencontrées, de la manière dont elle a été manipulée et utilisée par les agences et par les commanditaires, de sa grande peine, aussi, de n’avoir aucune nouvelle des enfants qu’elle a attendus et mis au monde à l’issue de la première et de la troisième GPA.
Kelly a parlé spontanément de ces enfants, évoquant très naturellement l’âge qu’ils ont aujourd’hui et son impression d’avoir une responsabilité à leur égard : alors qu’elle explique s’être considérée, sur la recommandation des agences, comme une sorte « baby sitter » pour ces enfants, l’attachement et le manque sont manifestement là.
Beaucoup lui ont demandé d’expliquer pourquoi elle avait fait trois GPA alors que, dès la première, cela s’était mal passé. Les raisons sont simples : outre les difficultés financières de la famille, il lui a été dit, à l’issue de la première GPA, que les problèmes qu’elle avait rencontrés étaient rarissimes, et qu’elle pouvait recommencer en toute confiance, ce qu’elle a donc fait. Et puis, dans le monde de la GPA, plus on en fait, mieux on est payé. Difficile, dans ces conditions, de ne pas recourir à cette « solution » quand on ne sait plus comment s’en sortir, d’où la troisième GPA de Kelly. Enfin, comme elle l’explique, les agences se comportent comme les établissements de crédits à taux usuraire : ce sont toujours les mêmes, ceux qui sont en grandes difficultés, qui sont démarchés. C’est finalement cette troisième gestation pour autrui qui aura définitivement fait prendre conscience à Kelly que le problème n’est pas lié à l’éventuelle malchance de tomber sur untel ou unetelle : elle se bat désormais pour faire savoir aux femmes que le principe même de la GPA est une utilisation de la femme, réduite à la fonction d’incubatrice.