Eric Zemmour répond à Présent à propos de son dernier ouvrage. Extrait :
"Si je suis ma raison, l’état dans lequel est la France est irréversible. Si je suis mon espoir et si je considère l’histoire de France, faite de chutes et de sommets, je me dis qu’on va toucher le fond si durement qu’il s’ensuivra un rebond. Raisonnablement je ne crois pas à un relèvement, mais la raison n’a pas toujours raison.
Voyez-vous un précédent au suicide que vous décrivez ?
La chute de l’Empire romain. Il y a, au cœur du suicide français, une haine de soi très caractéristique. Les Romains n’ont peut-être pas ressenti cela – c’est difficile à savoir – mais ils apparaissent emplis d’une lassitude de soi. La grande bourgeoisie romaine, particulièrement, s’est comme laissé massacrer par les barbares. Elle était lasse d’elle-même, comme le préfet de Lutèce dans Astérix et La Serpe d’or : « Je suis las, las, las… » Les Romains de la fin sont passifs. Nous aussi. C’est cela que j’appelle suicide. […]
Selon Jules Monnerot, quand les élites deviennent imperméables et déconnectées du peuple, cela provoque à terme une révolution. Sommes-nous dans ce cas de figure ?
Pour qu’il y ait une révolution, une prise de conscience est nécessaire. Nous n’y sommes pas encore. Le but de mon livre est de déconstruire les déconstructeurs, pour accélérer la prise de conscience. Plutôt qu’une révolution, je vois venir des jacqueries, des « jours de colère ». Avec les Bonnets rouges, on voit de nouvelles alliances : petits patrons et ouvriers. Cela met Mélenchon hors de lui, car il a compris ce qui se passe : cette alliance est celle des victimes de la mondialisation.
Je vois venir aussi l’affrontement de trois jeunesses. D’une part la jeunesse des grandes écoles, supérieures, faite des bons petits soldats de la mondialisation, élevés dans le multiculturalisme chic et la théorie du genre au point qu’ils ne se rendent pas compte combien tout cela est factice. D’autre part la jeunesse populaire, délaissée, « périphérique » pour reprendre l’expression de Christophe Guilluy. Enfin la jeunesse immigrée. Ces trois jeunesses sont étrangères les unes aux autres, elles finiront par s’affronter. […]"