Emmanuel Laloux est le président du Collectif des Amis d'Éléonore. Il écrit dans Le Figarovox :
"La France tient-elle vraiment ses engagements à l'égard des personnes handicapées? Pas vraiment, si l'on en croit le tout récent rapport du commissaire européen aux droits de l'homme. Après une visite dans notre pays en septembre dernier, Nils Muižnieks y déplore de nombreuses discriminations liées au handicap. Il se déclare notamment «préoccupé par les milliers de personnes handicapées se voyant contraintes de quitter la France pour chercher à l'étranger, en particulier en Belgique, des solutions adaptées à leur situation.» Plus grave encore, il déplore «les difficultés d'accès à l'emploi et les conditions discriminatoires réservées aux travailleurs handicapés dans certaines structures spécialisées.» Le commissaire européen aux droits de l'homme invite donc les autorités françaises à «redoubler d'efforts pour remplir leurs obligations tirées, notamment, de la Charte sociale européenne en matière d'accompagnement des personnes handicapées et d'accès à l'emploi, faute de quoi ces personnes resteront marginalisées et exclues de la société.»
Faire en sorte, sans attendre tout d'en haut, que les personnes atteintes de handicap soient heureuses au milieu de ceux qui n'en souffrent pas, c'est pourtant possible. Et pas seulement en Italie, où la cohabitation des uns avec les autres fonctionne très bien!
La preuve par la très étonnante expérience que vivent au cœur de la ville d'Arras (62), plusieurs personnes porteuses de Trisomie 21. Chacune dans son appartement y vit en pleine autonomie, aux côtés des autres résidents, familles traditionnelles ou personnes âgées. La majorité de ces personnes trisomiques travaille et pratique des loisirs à l'extérieur, emprunte seule les transports en commun. Dans cette résidence «Îlot Bon Secours», la personne porteuse de Trisomie 21 n'est jamais perçue comme handicapée ou anormale, mais tout simplement «extraordinaire». Sa singularité intellectuelle, émotionnelle ou relationnelle la distingue des personnes dites «ordinaires». C'est tout.
Des démarches comme celles-ci, où l'utopie est devenue réalité, pourraient se multiplier en France, grâce notamment à la législation européenne qui les encourage fortement. Les fonds structurels et d'investissement pour la période 2014-2020 constituent en effet «une opportunité historique, pour protéger les droits des personnes les plus exclues de l'Europe, celles vivant dans des institutions» selon le Groupe Européen d'Experts sur la transition des institutions vers les services à base communautaire (déclaration du 4 février 2014).
Ces experts estiment donc que les fonds européens doivent désormais être prioritairement utilisés pour développer des «alternatives à base communautaire» et non pas à perpétuer une sorte de ghettoïsation dans les établissements spécialisés, aussi qualitatifs soient-ils.
Ce n'est donc pas un hasard si le collectif «Les amis d'Éléonore», très impliqué dans la réussite de la résidence «Îlot Bon Secours» d'Arras a élaboré 21 propositions de nature à favoriser l'inclusion des personnes porteuses de trisomie 21. Celles-ci seront débattues dans la matinée de ce samedi 21 mars au CESE (conseil économique, social et environnemental) à l'occasion du 2e Printemps de l'Optimisme. Avec l'espoir que 21 personnes trisomiques puissent les présenter l'après-midi même au Président de la République. La demande a été faite à l'Élysée. À ce jour, elle est restée sans réponse.
Cher François Hollande, 21 minutes devraient suffire à vous convaincre qu'il ne manque peut-être pas grand chose pour que les personnes trisomiques soient plus heureuses en France."