De l’abbé Danziec dans Valeurs Actuelles :
À quoi bon se mettre au chevet de pierres en péril ou de cathédrales à entretenir, si l’on ne croit pas à leur salut ni à celui qu’elles peuvent nous offrir… Exposer le blanc manteau d’églises qui couvre l’Hexagone aux mites de l’indifférence, ne serait-ce pas livrer notre civilisation judéo-chrétienne au grand froid de l’athéisme : négation de la transcendance, mépris des vertus chrétiennes, disparition du sens du sacré ? À l’heure où la France insouciante partait en vacances sur l’autoroute du Sud samedi matin dernier, l’incendie de la cathédrale de Nantes réveillait les plaies non encore cicatrisées du brasier de Notre-Dame de Paris. Jean Castex l’avait bien compris en se rendant rapidement surplace, accompagné des nouveaux ministres de la Culture et de l’Intérieur. La démarche, sur le vif, était louable. Une fois encore, elle reste néanmoins à se traduire sur le temps long. Plus que jamais, une politique résolue de sauvegarde des édifices religieux de toute taille se fait attendre.
La France périphérique, délaissée et souvent livrée à elle-même, n’a pas manqué de se manifester aux bons souvenirs des pouvoirs publics en se drapant de gilets jaunes. Barricades, ronds-points occupés, esclandres et chaos social : il aura fallu le feu civil pour que l’exécutif prenne la mesure du fossé qui était entrain de se creuser entre le monde de la ruralité, de la campagne, des petites villes et celui des mégalopoles en pointe dans le concert de la mondialisation. L’univers de la tranquillité, du calme et des joies simples face à celui du profit, de la vitesse et du calcul. L’incendie – qu’il soit volontaire ou non -de la cathédrale de Nantes rappelle cette petite musique de l’abandon. Beaucoup d’églises souffrent de ces « brasiers invisibles » évoqués par Michel Onfray lui-même, ces fameuses coupes budgétaires décidées sans peine parce que le patrimoine religieux ne rapporte pas de voix. Un dédain politique qui, depuis longtemps, en dit long sur les priorités existentielles de ceux qui nous gouvernent. Entre la vocation de cette architecture sacrée et ceux qui ont la responsabilité de l’entretenir, le fossé se creuse. On ne restaure pas une prière de pierres sans avoir soi-même de la considération et de l’estime pour le spirituel. À force de nier ses racines chrétiennes, on finit par jouer avec le feu.
Car un héritage n’offre pas seulement un surcroît de patrimoine et d’argent, comme l’amour n’engendre pas seulement un surplus de sensations et de plaisirs. L’un et l’autre, pour porter du fruit, réclament de la responsabilité, du courage et de la fidélité. Aborder la question de l’entretien des cathédrales et des églises sous le seul rapport de l’utile, c’est déjà faire fausse route. Entendons-nous bien, pour un catholique, une cathédrale ne sert à rien. Elle sert quelqu’un, ce qui est bien différent. Et ce quelqu’un, c’est Dieu. Ses bâtisseurs n’avaient pas la folie des grandeurs mais celle du Christ, de Notre-Dame et des saints du paradis.