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Cathophobie / Institutions internationales

«Affaire des hosties»: la CEDH ne rendra pas justice aux chrétiens

«Affaire des hosties»: la CEDH ne rendra pas justice aux chrétiens

De Nicolas Bauer pour l’ECLJ :

Par une décision, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a refusé de juger l’ « affaire des hosties ». Cette affaire mettait en cause une performance artistique réalisée à partir de 242 hosties consacrées, dérobées au cours de messes. L’objectif du performer, affiché et assumé, était de blesser les catholiques. Dans cette affaire, l’État espagnol était attaqué devant la CEDH par une association chrétienne, qui lui reprochait d’avoir soutenu ce sacrilège. La performance avait été exposée à Pampelune en 2015-2016 et avait été largement subventionnée par la municipalité. Aujourd’hui encore, des photos de cette performance sont régulièrement exposées dans des musées à travers l’Espagne.

L’ECLJ était partie à l’affaire des hosties, au nom de la Conférence épiscopale espagnole. Comme l’ECLJ, les sept autres tiers-intervenants avaient considéré que les autorités publiques espagnoles avaient violé les droits des catholiques, non seulement en permettant une telle performance mais aussi en la soutenant, par des subventions. Les faits et enjeux de cette « affaire des hosties » sont résumés dans ce précédent article

La décision de la CEDH, rendue fin 2023, est un très mauvais signal : tout semble permis contre les catholiques en Europe. Cette décision, déclarant la requête irrecevable, mérite d’être analysée, autant juridiquement que politiquement, et même spirituellement. D’après un ancien juge de la CEDH, interviewé par l’ECLJ :

« Cette décision est politiquement correcte. Les juges n’ont pas voulu entrer dans le fond de l’affaire. Ils ont trouvé des prétextes pour éviter de se prononcer sur cette affaire, sensible sur le plan religieux ».

Analyse juridique du rejet du premier grief

L’association requérante soulevait deux griefs devant la CEDH. Le premier était relatif au principe de « neutralité et impartialité de l’État », qui dans la jurisprudence européenne constitue une obligation. Ce principe découle du droit à la liberté de religion (article 9) et s’étend à toutes les autorités publiques. Il est incompatible avec l’accueil et le soutien financier, par une municipalité, d’une exposition offensant gravement les fidèles d’une communauté religieuse. Il y avait donc bon espoir que la CEDH condamne l’Espagne pour violation de son devoir de neutralité religieuse.

Cependant, les juges européens ont rejeté ce premier grief, pour non-épuisement des voies de recours. Ils ont considéré que l’association requérante aurait dû déposer un recours administratif contre l’exposition de Pampelune, plutôt qu’une plainte pénale. Or, le choix de la voie pénale se justifiait par la présence, dans le Code pénal espagnol, de dispositions parfaitement applicables aux faits de l’« affaire des hosties ». L’article 524 du Code pénal sanctionne les actes qui « offensent les sentiments d’une confession religieuse légalement protégée dans une église (…), ou une cérémonie religieuse » et l’article 525-1 punit « quiconque, afin d’offenser les sentiments des membres d’une confession religieuse, dénigre publiquement leurs dogmes, croyances, rites ou cérémonies en public, verbalement ou par écrit, ou insulte, également publiquement, ceux qui les professent ou les pratiquent ».

Par une telle exposition réalisée à partir d’hosties dérobées pendant des messes, le performer, ainsi que la municipalité en tant que complice, s’exposaient donc à des poursuites pénales sur le fondement de ces deux articles. Comme l’explique l’ancien juge de la CEDH, précité,

« Contrairement à ce que dit la Cour, l’association requérante était fondée à saisir les juridictions pénales espagnoles. Ces juridictions l’ont admis, en jugeant l’ « affaire des hosties » sur le fond. Elles n’ont pas reproché à l’association de ne pas avoir intenté un recours administratif ».

En reprochant à l’association de ne pas avoir intenté de recours administratif en parallèle de la plainte pénale, la CEDH a contredit sa propre jurisprudence. En effet, si un requérant dispose de plusieurs voies de recours pouvant être effectives, il est uniquement dans l’obligation d’utiliser l’une d’entre elles[1]. Lorsqu’une voie de recours a été utilisée, l’usage d’une autre voie dont le but est pratiquement le même ne peut donc pas être exigé[2]. C’est au requérant de sélectionner le recours qui est le plus approprié dans son cas[3]. La CEDH a rappelé de nombreuses fois ces principes, mais elle ne les a pas appliqués dans l’ « affaire des hosties ».

L’ancien juge de la CEDH que nous avons interviewé confirme cette analyse :

« Dans la jurisprudence de la Cour, un requérant qui a épuisé une voie de recours n’a pas l’obligation d’utiliser d’autres recours parallèles ayant essentiellement le même but. L’association requérante avait choisi de déposer une plainte pénale et la Cour a exigé plutôt un recours administratif. Imaginons la situation inverse : si l’association requérante avait déposé un recours administratif, la Cour aurait-elle exigé de déposer une plainte pénale ? C’est absurde ».

Analyse juridique du rejet du second grief

Le second grief de l’association chrétienne requérante était relatif au classement sans suite de sa plainte, considéré comme arbitraire. L’association remettait en cause la conclusion des juridictions pénales espagnoles selon laquelle la performance n’était pas constitutive d’une infraction pénale. Les juges européens ont rejeté ce second grief, pour défaut manifeste de fondement, c’est-à-dire qu’ils ont considéré qu’il n’y avait aucune apparence d’arbitraire dans les jugements pénaux espagnols de l’« affaire des hosties ». Ce grief a été déclaré irrecevable et n’a donc pas fait non plus l’objet d’un examen au fond.

Pourtant, les éléments témoignant de jugements pénaux apparemment arbitraires sont nombreux. Ce qui saute aux yeux, c’est le décalage entre les faits établis par les juridictions pénales – profanation de 242 hosties consacrées, dérobées au cours de messes – et la non-application des articles 524 et 525-1 du Code pénal espagnol. Comment penser qu’une telle profanation n’offense pas les sentiments religieux des catholiques ? Ou encore, qui peut croire que l’exposition sacrilège n’a pas dénigré publiquement les dogmes, croyances, rites et cérémonies catholiques ? Ces conclusions des juridictions pénales espagnoles étaient pour le moins étonnantes et imprévisibles. Elles sont même choquantes, étant donné que le performer espagnol assumait son intention d’offenser les catholiques et de dénigrer leur religion[4].

Dans d’autres affaires, les articles 524 et 525-1 du Code pénal espagnol sont toujours appliqués. Ainsi, en 2020, une femme espagnole a été condamnée à une amende de 2 700 euros pour avoir imité une procession catholique avec un vagin en plastique habillé comme s’il s’agissait de la Sainte Vierge[5]. Le tribunal pénal a retenu que cette femme dénigrait non seulement une procession, mais aussi la Vierge elle-même ainsi que des prières catholiques (Credo, Ave Maria). De même, en 2018, le Tribunal suprême espagnol a confirmé la condamnation d’un homme ayant crié lors d’une messe en plaçant une banderole sur l’autel. Cet homme a été condamné à six mois d’emprisonnement[6].

Dans l’« affaire des hosties », pourquoi le Code pénal espagnol a été ignoré ? Il est possible que certains juges espagnols aient fait primer leurs croyances personnelles sur le droit pénal[7]. Ainsi, l’un d’eux, Fermin Otamendi, a considéré devoir rappeler que les hosties consacrées sont des « petits objets ronds et blancs ». Selon lui, le performer aurait traité ces hosties « avec discrétion, sans que sa conduite puisse être qualifiée d’irrespectueuse, d’offensante ou d’irrévérencieuse ». Or, le Code espagnol ne lui demandait pas son opinion personnelle. Pour savoir si les articles 524 et 525-1 étaient applicables, ce qui comptait était de déterminer quelle était la signification pour les catholiques des hosties consacrées, d’une part, et de la conduite du performer, d’autre part.

Pour toutes ces raisons, la CEDH aurait dû considérer avoir suffisamment d’éléments pour examiner le second grief de l’association requérante au fond, plutôt que de le déclarer irrecevable.

Une décision sans appel possible

Contrairement à un jugement, une décision de la CEDH est sans appel. Il n’est pas possible pour l’association chrétienne requérante de demander un renvoi de cette affaire en Grande chambre, formation la plus solennelle de la CEDH. La décision est donc définitive. […]

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9 commentaires

  1. Je croyais que ce blog était souverainiste.

  2. La CEDH n’existe que parce que les états veulent bien y adhérer..

  3. Une pensée pour ce “performer” qui a commis un péché impardonnable, selon les critères mêmes du Christ ! Dès lors, la justice des Hommes, qui ne sera pas rendue, eut été du miel à côté de ce qu’il l’attend…

  4. La Justice Divine suppléera aux carences de la CEDH. Prions pour Dieu ne punisse pas ces pervers comme ils le méritent quand ils comparaîtront devant son Tribunal: Ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient, sauf celui qui les a inspirés…

  5. Voilà une intention particulière pour jeûner davantage durant le Carême…

  6. La CEDH c’est bien ce machin qui a jugé normal de laisser Vincent Lambert mourir de faim et de soif? Qui peut croire en une telle justice…

  7. Et à l’origine de tout cela ? Cette habitude sacrilège et exécrable de distribuer la communion dans la main instituée en 1969 à la suite de Vatican II. Elle fait aussi le bonheur des FM:. pour leurs messes noires.

  8. Je gage que la sentence aurait été bien différente s’il s’était agi d’une plainte déposée par des mahométans !

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