Deux analyses complémentaires du rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l’Eglise de France. Deux analyses qui pointent les faiblesses de ce rapport, ou plutôt, ce que ce rapport ne dit pas et qui, pourtant, méritent d’être rappelées. D’abord le coup de gueule de l’abbé Laguérie, ancien supérieur de l’Institut du Bon Pasteur, dont voici des extraits :
[…] On apprend aussi que dans les affaires de pédérastie la société civile compte 75/100 de petites filles victimes tandis que dans l’Eglise les victimes sont à 80/100 des petits garçons. Tiens, tiens ! Cela me rappelle la « bombe » lâchée par le Cardinal Bertone (Secrétaire d’Etat du pape Benoît XVI) au Chili en 2010 quand un journaliste imbécile lui suggère qu’il y aurait moins de pédo-criminalité si les prêtres étaient mariés (on suppose, avec des femmes). Il répond que ça ne changerait rien puisque nombre d’étude américaines ont démontré que les pédophiles (les pédérastes) se recrutent en immense majorité chez les homosexuels. Voir les chiffres ci-dessus pour preuve. Merci Cardinal Bertone : vous anticipez, vous prévenez le cours de l’histoire. Morale de cette histoire : il faut éradiquer du clergé tout séminariste qui souffre (même sans faute de sa part) de cette fâcheuse tendance qui laisse entrevoir le pire.
Mais le plus instructif de ce rapport est la fourchette chronologique retenue par Sauve-qui peut. Il divise les 75 années retenues pour son travail (car il faut bien commencer sous Pie XII (vous savez, ce fameux pape révisionniste qui a sauvé tant de juifs) en tranche de 50-70, 70-90, 90-2020.
Ce clivage est malhonnête et du seul fait de Sauve-garde ! Il met en deux cases distinctes la vraie fourchette clivante de 1970. De 1962 à 1972, le pape Paul VI a réduit 20.000 prêtres à l’état laïc. Ce chiffre officiel doit être multiplié par trois du fait que la plupart sont partis sans laisser d’adresses et n’ont pas fait de demande à Rome. C’est plus de 70.000 prêtres qui ont défroqué en 10 ans. Deux fois le clergé français et cela s’est prolongé bien après 1972, imaginez ! Et notre brave Sauveteur de nous expliquer que les années 1950 à 1970 représentent 56/100 des faits de pédérastie contre 22/100 de 1970 à 1990 et semblablement de 22/10 jusqu’à maintenant. Bien joué, pour camoufler, couper en deux, le pic absolu de trahisons qui correspond exactement à votre aggiornamento, votre funeste concile, vos slogans soixante-huitard, même dans l’Eglise. « Je fais ce que je veux de mon corps » « il est interdit d’interdire » « Tout homme a droit à la liberté religieuse qui consiste à n’être empêché d’agir, en privé comme en public, seul ou en société, selon sa conscience ». En conséquence, quand Jacques Lang confesse ses partouzes pédo-criminelles au Maroc, quand Dany le Rouge aime à raconter le plaisir qu’il éprouve quand une petite fille de huit ans lui ouvre la braguette…il ne fait somme toutes que profiter d’une époque où les repères ont sauté, où les évêques se taisent et camouflent discrètement les pédérastes qu’ils ont à bord. Sans doute la révolution rock’n’roll n’est pas de votre fait, mais vous n’avez rien fait pour la contrer ; vous avez hurlé avec les loups. […]
Si, à l’époque, vous aviez songé à relire l’Evangile ! Mais vous étiez bien plutôt accaparés par les droits de l’homme (Les enfants ne sont-ils pas des hommes ?) ! Car si Jésus n’a jamais parlé de l’homosexualité (saint Paul OUI : Rom 1, 18…) Jésus a été on ne peut plus clair sur la pédérastie que vous ignorez depuis 75 ans : (Math 18, 5-10) […]
Et cette analyse de fond d’Anne Lizotte, sur Smart Reading Press, qui revient aux causes de ces dépravations :
[…] 1956 : la fameuse pilule demandée par Margaret Sanger à Gregory Pincus sort des laboratoires. Son approbation par la FDA la désigne comme «un médicament pour guérir les troubles de la fécondité». Cet énorme bluff de l’histoire scientifique a eu des répercussions fondamentales. Elle sacralisa le plus grand mépris du corps de la femme, et aussi celui du corps de l’homme. Mais d’où vient ce mépris, et quel est-il ? Il est loin de prendre sa source dans le cerveau de cette petite infirmière de Brooklyn élevée par une mère épuisée par une famille trop nombreuse de onze enfants. Ce mépris est devenu, depuis le début du XVIIe siècle, la trame et le fondement de notre façon de concevoir le «corps humain», qu’on l’adule comme on le fait aujourd’hui ou qu’on l’anéantisse comme au XVIIIe siècle.
D’où vient ce mépris ? L’auteur de ce mépris n’est nul autre que René Descartes (1596-1650). Son fameux principe, son principe premier (cogito ergo sum), suivi du principe de certitude («nos sens nous trompent») ont opéré dans notre connaissance de l’être humain une séparation redoutable. Le corps est devenu une «machine», dont l’étendue (espace) et le temps (nombre du mouvement) le réduit aux catégories de la quantité mathématique. Cette machine corporelle peut être mue par une âme unie au corps par ce petit nœud cartésien appelé «glande pinéale», concept qui a disparu rapidement pour donner à l’âme la fonction d’être la «cause motrice» et non la cause formelle du corps. À son tour, cette cause motrice a finalement disparu. L’être humain n’est devenu qu’une machine appliquant aux mécanismes organiques corporels les idées émergentes des projections d’un ego orgueilleusement libre, qui rejette toute autre autorité spirituelle que la sienne.
Celui qui est allé le plus loin dans cette vision, c’est bien Gilles Deleuze, qui ouvre son livre L’Anti-Œdipe par ces mots : «Ça fonctionne partout, tantôt sans arrêt, tantôt discontinu. Ça respire, ça chauffe, ça mange. Ça chie, ça baise. Quelle erreur d’avoir dit le ça. Partout ce sont des machines, pas du tout métaphoriquement : des machines de machines, avec leurs couplages, leurs connexions. Une machine-organe est branchée sur une machine-source : l’une émet un flux, que l’autre coupe. Le sein est une machine qui produit du lait, et la bouche, une machine couplée sur celle-là. La bouche de l’anorexique hésite entre une machine à manger, une machine anale, une machine à parler, une machine à respirer (crise d’asthme). C’est ainsi qu’on est tous bricoleurs».
Considérer le corps humain comme une machine, c’est le mépriser. Cette nouvelle systémie élimine toute la vraie signification du corps et n’en fait qu’un «bien utile» soumis aux passions du désir d’un être complètement disloqué à l’égard de lui-même. Qu’on ne s’y trompe pas ! Cette nouvelle construction du corps humain comme une machine n’est pas uniquement l’invention des philosophes «modernes». Avec leur langage, ils n’en sont que les descripteurs. C’est elle qui a animé une bonne partie de nos «spiritualités» modernes depuis les grands spirituels du XVIe siècle, jusqu’à ce qu’elles meurent d’épuisement après l’hécatombe universelle apportée par la dernière guerre, l’une des plus meurtrières de notre Histoire occidentale.
Qu’a donc fait Descartes ? Si on laisse de côté pour le moment ses antécédents philosophiques, il faut se rendre compte du désastre qu’a apporté celui que l’on adule comme le maître du rationalisme. Il biffe, comme d’un coup de crayon, tout l’apport que l’on doit au corps. Il détruit toute la connaissance sensible, laquelle est réduite au mécanisme organique de la «perception». L’acte par lequel on connaît les propriétés sensibles des choses et celui par lequel on en crée une image, l’acte par lequel on se la rappelle et par lequel on juge sa convenance sont des actes du corps en tant qu’ils sont des actes de connaissance sensible. Ce sont des actes par lesquels on «devient autre en tant qu’autre», par lesquels on reçoit quelque chose d’autre que soi, et par lesquels on enrichit son propre être. Ils ne sont pas uniquement des mécanismes organiques. Si on leur dénie leur qualité d’actes de connaissance, c’est-à-dire l’apport d’une vérité sur les aspects perceptibles du réel, tout l’aspect cognitif et affectif du corps humain s’effondre. Ce ne sont plus des actes de connaissance. Donc ils ne forment pas l’expérience du réel à partir de laquelle on doit accéder à la vérité. Et cette vérité n’existe pas, on la remplace par la «théorie».
Qu’advient-il de ce pauvre corps ? Il n’est même plus un bien utile ; il devient une nuisance ; on recherche l’acte pur de la raison, celui qui serait dépouillé de tout appel à l’expérience sensible. Et l’on bâtit des «IDÉES», non pas une représentation du réel, lequel est jugé inconnaissable, mais un pur témoin de nos rationalisations. C’est ainsi qu’il nous est possible de «penser» le monde ou l’âme, ou Dieu ! Le corps «libéré» de l’âme se disperse dans la recherche de jouissances sensibles ou techniques, ou s’enfonce dans le mépris de lui-même. Ce sont les deux voies qui se sont ouvertes à l’homme moderne tout au long des XVIIIe, XIXe et XXe siècles.
Ce corps méprisé est aussi bien celui qui est livré à la seule jouissance du bien-être que celui qui est soupçonné d’être la source du mal moral. Dans le premier cas, on l’adule ; dans le second cas, on s’en méfie ; dans le premier cas, on crée une société hédoniste ; dans le second cas, on crée une société rigoriste, celle qui a précédé la première guerre. Et l’on n’arrive à rien !
Ce que je viens d’écrire demanderait beaucoup plus de développements. Mais j’écris un article, pas un livre ! Et j’en ai dit assez, sinon pour faire comprendre, du moins pour aider à réfléchir. Qu’est-ce réellement qu’un «pédophile» – pas seulement un abuseur circonstanciel – ? C’est le type même de l’homme déchiré. C’est celui qui découvre en lui-même l’entrecroisement des deux voies et qui est impuissant à choisir la «bonne». D’une part, selon la voie rationnelle, il est adulte, et souvent un adulte brillant. Son système de pensée et d’élocution est bien au point. Professeur, il est souvent brillant, et ses élèves l’adorent ; théologien, il parle comme un livre saint et avec conviction, et il croit à ce qu’il dit, il ne joue pas la comédie ; chirurgien, avocat, magistrat, il fait bien son métier. Socialement, il réussit sa carrière. C’est Preynat, Karadima, Duhamel et d’autres que les médias n’ont pas portés à notre attention. Mais le corps ne suit pas ! Il en est encore aux recherches primaires des tendresses de l’âge prépubère. Des recherches qui lui diraient, dans son corps, qu’il est aimé, qu’il a du prix, que ce qu’il fait vient de son propre être, que son propre corps est engagé, et pas uniquement les mécanismes de sa raison. Il ressent à la fois l’adulation de l’esprit et le mépris du corps, et il est incapable de recevoir l’un avec responsabilité et l’autre avec l’altruisme du service. […]