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Avec les Chartreux, au cœur de l’Infini de l’Amour

Avec les Chartreux, au cœur de l’Infini de l’Amour

Ces jours derniers, le Salon Beige a récemment publié « A la lueur de la bougie, pistes pour discerner sa voie ». Aussi, nous allons vous proposer durant ce mois un voyage dans différents monastères. Ce voyage durera quelques instants, à chacun de le vivre en ouvrant son cœur, comme une invitation à approfondir notre lien avec le Christ, et pour certains, à tenter l’aventure monastique…

Avec les Chartreux, au cœur de l’Infini de l’Amour.

En 1084, loin de l’agitation du monde, saint Bruno choisit d’adorer Dieu dans le silence et la solitude de la Grande-Chartreuse. Il a été suivi par des milliers de moines. Nous avons marché sur leurs traces, avec bonheur.

Depuis le chevet de la basilique de Fourvière à Lyon on peut observer, en direction du sud-est, une importante masse sombre éloignée d’environ 100 kilomètres. Ce sont les montagnes de Chartreuse. Arrivé aux pieds de cette forteresse de rochers, le voyageur réalise que tout reste à faire car de nombreux à-pics en interdisent l’accès. Quelques routes profitent d’étroits défilés creusés par les torrents et débouchent sur les vallées environnantes, comme le tablier abaissé d’un pont-levis. Serait-ce une indiscrétion de remonter le cours du Guiers-Mort par l’étroite chaussée qui le longe ? Peut-être simplement la réponse à un appel… comme saint Bruno, dont l’Eglise célébrait il y a peu le cinquième centenaire de la canonisation.

En 1084, Bruno s’est installé avec six compagnons dans un vallon isolé sous la montagne du Grand Som avec le désir de se consacrer à la recherche exclusive de Dieu, dans le silence et la solitude. Venu de Reims où il exerça pendant une vingtaine d’année la charge de directeur des études de l’école cathédrale, il ressent le besoin de se donner davantage, ainsi qu’il l’écrit à son ami Raoul le Verd :

« Nous avons parlé pendant quelques temps, je crois, des faux attraits et des richesses périssables de ce monde et des joies de la gloire éternelle. »

Il continue, enthousiaste :

« Alors brûlant d’amour divin, nous avons promis, fait vœu, décidé de quitter les ombres fugitives du siècle pour nous mettre en quête des biens éternels et recevoir l’habit monastique. »

Arrivé sur un premier pallier de verdure après les dix kilomètres qui le séparent d’en bas, le voyageur devenu pèlerin doit garer sa voiture au parking de la Correrie où se trouve de nos jours un musée-monastère.

L’été, la nature est plantureuse et les arbres, dont les troncs servaient autrefois aux chantiers de la marine royale, abritent une faune et une flore exceptionnelles. Il est même possible de rencontrer un loup, ce qui n’est pas du goût de tous les éleveurs de la région… A première vue, les touristes n’en sont pas très inquiets. Par grappes régulières, on les voit emprunter à pied la petite route interdite à la circulation et se retrouver, une demi-heure après, aux portes du célèbre monastère de la Grande Chartreuse. Tout de suite, le randonneur est saisi par le gigantisme de la construction qui date pour l’essentiel du priorat de Dom Le Masson, soit du dernier quart du XVIIème siècle. Les huit incendies, les pillages – notamment ceux des Guerres de Religion, n’ont pas arrêté la prière contemplative. Ils ont seulement ajouté des martyrs à la liste des intercesseurs. Deux interruptions ont tout de même privé les moines de l’antique bastion : la Révolution Française et les lois antireligieuses de 1903. Il faudra attendre 1940 pour que, bénéficiant du statut de réfugiés, les chartreux puissent réoccuper leur monastère.

La porte principale est fermée, et les serrures ne laissent pas de chance aux curieux. Les lourds battants sont ornés utilement de vertevelles, fameux verrous du moyen-âge dont quelques rares spécimens demeurent ici. La signalétique de l’Office national des Forêts rejoint la règle d’or des moines : « Zone de Silence ». « Fuge et tace » – fuis et tais-toi – disaient en effet les premiers solitaires d’Egypte. Ici, le désert est réel et le silence profond. Seul un écriteau signale : « Les moines, qui ont consacré leur vie à Dieu, vous remercient de respecter leur solitude dans laquelle ils prient et s’offrent en silence pour vous. » Un sentiment de frustration pourra gagner le visiteur. Ces bâtiments majestueux, contemporains de Versailles même s’ils n’ont pas été ornés par le Roi Soleil, abritent certainement quelques belles œuvres artistiques… Alors pourquoi ne pas y avoir accès, juste pour voir ? Cette interrogation, légitime en soi, invite à faire un pas de plus … en direction de la profondeur. Il a jadis été dit que saint Bruno était « un homme au cœur profond » et qu’il regardait avec les yeux du cœur. Rien à voir donc, mais tout à scruter… de l’intérieur. L’exercice est évidemment en décalage complet avec les habitudes prises dans le monde. En Chartreuse, plus je me tais et plus j’entends, plus je ferme les yeux et plus je vois. On est dans le registre de la foi et de la charité, non dans celui de la consommation ou du commerce. Malgré lui, le promeneur rejoint l’expérience du chartreux. La solitude, l’absence de rencontre « parlante », le « face-au-mur », sont une pauvreté dans l’ordre de l’apparence. A l’homme de permettre la transformation de ce moins en un plus. C’est ainsi que le chartreux vit la communion divine et découvre d’infinis horizons en s’abandonnant à la miséricorde de Dieu.

Dans le récit de sa visite à la Grande Chartreuse, René de Montozon nous fait découvrir de l’intérieur ce qu’il a vécu, notamment à l’occasion de l’enterrement d’un moine.

Chaque jour, le concret du moine s’organise dans un cadre semi-érémitique. La plupart des offices liturgiques et activités se tiennent en cellule. Seules matines et vêpres ainsi que la messe conventuelle ont lieu à l’église, sans oublier le chapitre, le déjeuner du dimanche et le spaciement – promenade hebdomadaire. La communauté est composée des moines de chœur, prêtres ou appelés à le devenir, des frères convers et donnés. Solitaires, oui, mais aussi communautaires… d’une certaine façon… comme l’avait voulu saint Bruno. Actuellement, ils sont une trentaine, parmi eux une bonne proportion de jeunes, à faire monter vers le Ciel une prière d’intercession pour l’Eglise et le monde, ininterrompue depuis 1000 ans.

Les touristes rencontrés aux abords des hauts murs ne semblent finalement pas gênés par la clôture monastique. Peut-être pressentent-ils que l’amour s’épanouit dans le secret. « La séparation est un fait, ce n’est pas un but. Le but, c’est l’union » écrit un chartreux du XXème siècle. En tout cas, la marche vers la Grande-Chartreuse donne envie de prendre un peu de hauteur. Le sommet du Grand Som (2026 m), avec sa blanche croix qui domine de 1000 mètres l’un des plus longs cloîtres monastiques du monde (478m), attire tout de suite le regard. Quoi de plus attirant en effet pour les yeux que la verticale de lumière ?

Le vallon cartusien ne garde pas longtemps le soleil, surtout l’hiver… C’est pourquoi le chercheur de Dieu se laisse attirer par les pentes boisées, empruntées jadis par saint Bruno qui implanta le premier monastère aux pieds de la falaise. Sur les lieux de la fondation originelle, rien de bien extraordinaire. On est loin de l’imposante abbaye qui recouvre la grotte de saint Benoît à Subiaco. Deux chapelles rappellent l’identité des intercesseurs préférés de l’Ordre Cartusien. La première rencontrée, Notre-Dame de Casalibus ou des Cabanes, en référence aux ermitages primitifs, indique la grande affection qui relie les moines à la Vierge Marie. Environ 110 mètres plus loin, accrochée à un petit éperon rocheux, la chapelle saint Bruno se présente comme une sobre bâtisse sise à l’endroit même des premières cellules.

Dans ces lieux qui ont gardé toute la fraîcheur et la pureté des origines, le pèlerin est saisi. Il s’imagine qu’il va rencontrer le saint fondateur au détour d’un raidillon, tellement le site est préservé et la nature sauvage. Une seule chose n’est plus d’époque : les blocs de rochers, volumineux, présents dans les sous-bois. On dirait qu’il y a eu un éboulement… Un chroniqueur de l’époque relate l’événement du 30 janvier 1132, soit 48 ans après l’arrivée de Bruno :

« En la vingt-troisième année du priorat de Guigues, une masse incroyable de neige, se précipitant des hauts sommets rocheux avec une soudaine impétuosité, emporta dans son effrayant tourbillon et ensevelit sous sa masse immense toutes les cellules des religieux sauf une, et avec elles six moines et un novice. »

Guigues construisit un nouveau monastère, à l’emplacement de l’actuel.

Il n’a pas encore été dit qu’il existe des moniales chartreuses qui partagent la même vocation et le même esprit que leurs frères. On a pu les confondre avec les sœurs de Bethléem qui se rattachent d’une manière différente à cette spiritualité. Les moniales chartreuses quant à elles sont implantées en France ou à l’étranger depuis… 1145.

Une vingtaine de monastères existent dans le monde.

Que dire de plus sinon que les restes des milliers de contemplatifs, enterrés dans le cloître depuis l’aube de l’Ordre, ont sanctifié la terre de Chartreuse… ? A chacun de faire germer la bonne semence dans l’humus de son âme. Le pèlerin de Casalibus en est certain, tout homme porte au plus intime de lui-même un jardinet de chartreux à arroser, désherber, replanter … pour la plus grande gloire du Divin Semeur.

Chaque année depuis mille ans, des jeunes entrent en Chartreuse pour se plonger dans l’amour. 

Un premier contact avec eux peut se faire via leur site : https://www.chartreux.org/

Guillaume d’Alançon

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