Jean-Frédéric Poisson répond aux questions du Rouge & le Noir. Extraits :
Comment expliquer cette volonté du gouvernement d’engager en urgence, à quelques mois de l’élection présidentielle, une procédure accélérée pour étendre le délit d’entrave à l’avortement ?
Je ne peux l’expliquer autrement que par l’obsession, comme l’a d’ailleurs très justement souligné le Cardinal Vingt-Trois. Voilà cinq ans que ce gouvernement plonge le pays dans une crise identitaire et économique toujours plus profonde et inquiétante, mais il s’acharne dans l’urgence à légiférer sur des sujets sociétaux qui demandent pourtant une immense prudence et de réels débats. C’est évidemment vrai pour le Mariage pour Tous voté plus rapidement que prévu et en dépit de la protestation considérable… Mais c’est flagrant sur la question de l’avortement. Ce gouvernement a fait de l’avortement un droit fondamental, a supprimé la notion de détresse comme condition pour y avoir recours, et enfin le délai de réflexion obligatoire avant de poser un acte aussi peu anodin. Et maintenant, il voudrait faire taire ceux qui tentent d’apporter une voix moins idéologue sur un sujet si difficile, ceux qui rappellent que l’avortement est toujours un drame, ceux qui voudraient aider les femmes à étudier toutes les autres possibilités qui s’offrent à elle…
Il s’agit du point culminant d’un comportement absolument totalitaire. Ce texte est grave parce que le sujet est grave, mais également parce qu’il est liberticide. […]
Que le gouvernement se pose les bonnes questions : si ces sites sont si visités, c’est sans doute parce qu’ils offrent beaucoup plus d’informations que le site gouvernemental qui ne propose que l’avortement. Si le gouvernement faisait son travail d’information honnêtement, il n’aurait pas besoin d’organiser une chasse aux sorcières justifiée par de fausses accusations. On trouve également sur ces sites des témoignages de femmes qui ont avorté : que compte faire le gouvernement, les faire taire elles aussi ? Au nom du droit des femmes ?
Vous défendez la pluralité des sources d’information. Pensez-vous que le ministère de la santé et les structures conventionnées délivrent sur l’avortement une information impartiale ?
Bien sûr que non, puisqu’ils n’informent que sur les modalités pour pratiquer un avortement ; et c’est bien la raison, encore une fois, pour laquelle ces sites non-gouvernementaux ont autant de succès ! Il y a l’information, et il y a également le soutien concret avant et après l’avortement ! Le site IVG.net, par exemple, accompagne de nombreuses jeunes filles après leur avortement. Pourquoi sont-elles arrivées là ? Parce qu’elles avaient besoin d’aide et que le site du gouvernement ne le prévoit même pas.
Le site du gouvernement propose l’avortement en toutes situations, sans donner l’ombre de l’idée d’une solution différente. Ce n’est pas honnête de sa part, et il ne faut pas s’étonner que les gens aillent chercher ailleurs ce qu’ils n’y trouvent pas. Il faut cesser de prendre les femmes pour des imbéciles : si elles visitent ces sites que le gouvernement veut fermer, c’est parce qu’elles y trouvent ce qu’ils cherchent. […]"