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Europe : identité chrétienne / L'Eglise : Benoît XVI

Benoît XVI face à l’apostasie de l’Europe

Benoît XVI face à l’apostasie de l’Europe

De Thibaud Collin dans l’Appel de Chartres :

Le rappel à Dieu de Benoît XVI est l’occasion de se replonger dans sa magistrale œuvre théologique et de mieux goûter la richesse et la finesse de son Magistère. Dans les nombreux axes de lecture possibles, l’une apparaît comme central pour nous français. Benoît XVI a pensé avec une particulière acuité l’effondrement de la foi chrétienne en Europe.

Seuls ceux qui n’ont pas un minimum de sens historique peuvent nier un tel effondrement. Certes, celui-ci a connu de nombreuses étapes de flux et de reflux, mais rapportée à une échelle séculaire, la pente est vertigineuse. Rappelons qu’en France aujourd’hui, il existe moins de 2 % de la population qui se déclarent catholiques pratiquants. Comment comprendre et plus encore affronter cet effondrement ? Les causes sont multiples mais Benoît XVI a considéré que la perte de crédibilité de la foi chrétienne dans le monde actuel n’était pas seulement due au contre-témoignage de certains catholiques mais venait également d’une altération inquiétante de la raison en régime de modernité.

“Face à ce rétrécissement de la raison qui discrédite la foi chrétienne vue comme une option subjective et plus ou moins irrationnelle, le défunt pape a choisi une stratégie osée. .”

Il n’a eu de cesse dans ses textes et ses discours d’expliquer que la raison moderne s’est de plus en plus identifiée à la seule méthode de la science expérimentale. Il ne s’agit pas de nier la légitimité d’une telle approche du réel ; il s’agit de comprendre que l’absolutisation de la méthode expérimentale rejette en dehors du champ de la rationalité des pans entiers de l’expérience humaine.

Quelle valeur accordée aux réponses apportées aux légitimes questions constituant le point de départ de la métaphysique, de la morale ou de la religion ? Si ces questions portant sur le sens et la destinée de l’homme ne sont pas traitables par la méthode scientifique puisque leurs objets dépassent la matière observable et mathématisable, comment éviter qu’elles soient rejetées dans la simple sphère de la subjectivité ? Ainsi « au nom de ses expériences, le sujet décide ce qui lui semble acceptable d’un point de vue religieux, et la ‘’conscience’’ subjective devient, en définitive, l’unique instance éthique ». La conséquence immédiate d’un tel repli subjectiviste est que « l’éthique et la religion perdent ainsi leur force de construire une communauté et tombent dans l’arbitraire. Cette situation est dangereuse pour l’humanité »[2]. La raison rétrécie du scientisme sécrète un éclatement du monde humain en des systèmes de valeurs incompatibles dont les rapports ne peuvent être réglés ultimement que par la force arbitraire, fût-elle celle d’une majorité ou d’un consensus social. Benoît XVI a souvent affirmé que celui-ci ne suffit pas à fonder le vrai, le bien et le juste.

Face à ce rétrécissement de la raison qui discrédite la foi chrétienne vue comme une option subjective et plus ou moins irrationnelle, le défunt pape a choisi une stratégie osée. Au lieu d’affronter de l’extérieur la modernité, il a choisi d’éveiller nos contemporains aux contradictions auxquelles s’exposent le projet moderne. Ainsi l’humanisme revendiqué de l’Europe des Lumières peut-il perdurer s’il se coupe de ses racines chrétiennes ? L’université est née dans la chrétienté médiévale. La conviction de la liberté et de l’égalité des hommes a été fondée sur leur commune relation à une même source, Dieu créateur et provident. La recherche scientifique qui postule la rationalité du réel matériel s’est déployée dans une culture où le monde a été compris comme étant issu du Logos divin et non pas du chaos. Bref, la foi a ensemencé la raison grecque et celle-ci a été l’instrument d’un développement de l’intelligence de la foi. Cette réciprocité est au fondement de la chrétienté médiévale dont l‘Europe est l’héritière. La volonté de la raison moderne, née en Europe, de se couper de sa source théologique l’a désarticulée en profondeur. La philosophie séparée de la foi a fini par être elle-même niée par les sciences expérimentales. Aujourd’hui, la raison éthique et politique se retrouve privée de fondements et le monde humain est confronté à un risque de dislocation. Il est urgent pour l’Europe de suivre la leçon de Benoît XVI et de retrouver la centralité de Dieu.

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