Pendant qu’Emmanuel Macron parle de “souveraineté” européenne et fanfaronne en tant que président de l’UE, on apprend que l’armée française pourrait manquer de munitions de petits calibres pour s’entraîner mais aussi pour ses opérations :
Les masques chirurgicaux et les vaccins contre le coronavirus ne sont pas les seuls produits que la France importe. Les petites munitions utilisées par l’armée française sont aussi fabriquées à l’étranger, depuis la cession de Manurhin aux Émirats arabes unis en 2018. Et la France pourrait souffrir de sa dépendance aux autres pays... Aujourd’hui, ce sont surtout les munitions pour le pistolet autrichien Glock 17 (9 mm) ou à celles pour le fusil d’assaut allemand HK416 (5,56 mm calibre OTAN), qui arment des militaires français aussi bien sur le territoire national qu’en mission à l’étranger.
Bertrand de La Chesnais, directeur de campagne d’Eric Zemmour, responsable de son programme Défense (voir ici) et ancien n°2 de l’armée de terre française, donne un long interview sur OpexNews dans lequel il décrit le programmé Défense pour les présidentielles. Extraits :
En tête de son programme pour la Défense, Éric Zemmour annonce augmenter « significativement » le budget de la Défense. Quelle est son ambition ?
Ce budget sera augmenté d’environ 3,6 milliards d’euros par an, à partir de 2023. Le but est d’atteindre les 70 milliards d’euros en 2030. Une fois au pouvoir, nous ferons une revue stratégique, qui devra être terminée en août, afin de faire une sorte d’audit dans le but de prendre des mesures. (…) Il y a du « physique » dans les 70 milliards d’euros car on sait ce qu’on veut mettre dedans en terme de programmes, d’ambition, d’effectifs, de soldes, d’activités, même si en 2030, on n’aura pas réalisé le quart des grands programmes (…)
Cela rejoint notre thème de campagne : « Ambition ». Cela correspond à un véritable choix du candidat lorsqu’il sera président. Il réorientera toute la politique, y compris la politique budgétaire, en fonction de ses objectifs (…) Cette somme sera concentrée sur les aides aux Français et à la politique industrielle, dont celle de défense est un fleuron. C’est l’une des rares industries qu’on a su garder en France, et heureusement.
C’est la première qu’on peut relancer. À partir de là, on essaiera de faire revivre les sous-traitants. On a quand même des pièces de matériel qu’on doit acquérir aujourd’hui à l’étranger. Et ça, Ambition et Indépendance, c’est le lien. Il faut être totalement indépendants des Américains ou des Allemands qui peuvent bloquer ensuite des exportations [au prétexte qu’une de leur fabrication est insérée dans le matériel concerné] . Il faut absolument qu’on puisse produire en France (…) Nous voulons retrouver la capacité de produire tout et en entier, même si un quinquennat n’y suffira pas. Cela va du petit calibre aux grosses munitions sans oublier les pièces, dans chacun des domaines !
Restons sur l’Europe. Quel avenir pour l’Europe de la Défense, dans votre programme ?
Elle n’existe pas. Qu’il y ait des coopérations de défense au sein de l’Europe, évidemment et nous développerons des partenariats bilatéraux et multilatéraux, dans l’optique de construire des programmes d’armement coûteux mais aussi pour des engagements opérationnels. Nous voulons conserver la capacité de coalition, de commandement, d’actions en communs…
Quelle est la position d’Éric Zemmour sur l’OTAN ?
Elle est claire : nous sommes dans l’Alliance et nous voulons y jouer toute notre place. Mais nous voulons quitter le Commandement militaire intégré et le comité des plans pour faire entendre à nouveau notre troisième voie, celle d’une puissance d’équilibre, capable de parler à tout le monde, sans être engagés malgré nous, sous les ordres d’un commandement étranger, ce qui peut être possible aujourd’hui. On peut très bien, tout en étant dans le commandement intégré, refuser une opération, la France l’a bien montré en Irak par exemple. Mais, même si la nation n’y va pas, nos officiers intégrés vont automatiquement y participer. Ils sont 700 à 800 militaires aujourd’hui intégrés dans la conduite des opérations, qui peuvent se retrouver dans cette situation. Nous les remplacerons par des représentations françaises qui discuteront avec les autres mais qui participeront au coup par coup. Il n’y aura plus d’automaticité (…) quand on appartient au commandement intégré, on négocie des postes qui se traduisent au budget de fonctionnement. Si nous nous retirons, il n’y a plus que la contribution à l’Alliance. Et on peut verser ces sommes sur les équipements, par exemple.
Quelle sera votre politique de recrutement ?
Les trois Armées sont insuffisamment dotées. Elles sont à l’étroit pour remplir leur contrat opérationnel et pour préparer ces conflits « haute intensité ». Chacune des Armées doit augmenter ses effectifs d’environ 30%. Par exemple, la force opérationnelle de l’Armée de terre est actuellement de 77.000 hommes. On la portera à 100.000 postes (…)
Le renforcement global des effectifs va permettre de revoir les dispositif et de doter les forces prépositionnées, qui ont été extrêmement réduites. Si je prends le Sénégal ou le Gabon, ce sont des plots de 300 hommes, en comptant les permanents et ceux qui tournent. C’est ridicule ! Ils ne peuvent rien faire à part de la formation. Nous voulons redonner à ces bases prépositionnées une capacité d’intervention dans les régions où ils sont stationnés. Nous ferons comme avant : recréer des bases interarmées qui peuvent aller éteindre le feu, dans une urgence, dans leur zone. Pour intervenir très rapidement, avant que les renforts n’arrivent de France. C’est pour cela que nous multiplions par deux, d’ici 2027, les postes de ces bases. De 7.000 hommes pour les forces de présence, on passe à 14.000 hommes (…)
Il faut continuer à recruter dans les forces de l’Armée de Terre, sur le terrain, cela ne change pas. En revanche, nous avons énormément de services interarmées, dans la cyber, dans le renseignement, dans l’espace… qui ont besoin de profils beaucoup plus pointus, qui exigent des salaires plus adaptés pour faire face à la concurrence du civil. Donc, dans les 40.000 recrutements prévus, nous recruterons tant des militaires que des civils.
Quelle ambition avez-vous pour les soldats ?
Renforcer la singularité du métier militaire : revoir le statut en droit mais aussi dans ses conditions de vie. Ce renforcement de statut doit protéger les militaires complètement des règles européennes sur le temps de travail [ndlr Directive 2003/88 de la Cour de Justice de l’Union européenne, relative au temps de travail des militaires], qu’ils ne soient pas dans la judiciarisation des opérations, y compris la représentation type syndicale, via des associations…
Le Haut-commissariat de la condition militaire a constaté que les militaires avaient 24% de revenus de moins que les autres fonctionnaires, lié à la mobilité et aux fait que les épouses peuvent moins travailler. C’est pourquoi la décision a été prise d’augmenter les soldes de 20%. Ce métier a des exigences propres mais on prend en compte leurs besoins spécifiques. Nous voulons d’ailleurs valoriser le Haut Conseil à la condition militaire, qui n’est aujourd’hui qu’un simple observatoire, pour qu’il soit plus actif.
Restons sur le théâtre national, que deviendra l’opération Sentinelle ?
On garde le contrat opérationnel de 10.000 pax mais on revoit le dispositif de la Garde nationale pour pouvoir ramener les militaires professionnels vers la préparation de la guerre haute intensité. Et éviter que des soldats surarmés et surentrainés perdent leur temps à garder les monuments ou à faire des risettes sur la Croisette. On profite de la montée en puissance de la Garde Nationale, qui disposerait de volontaires, pour avoir des unités de réserve assurant la défense du territoire. Elle ne sera pas comme le modèle de la Garde Nationale américaine, très équipée et indépendante. La version française de la Garde Nationale a vocation de faire du lien Armée-Nation. Donc, l’Armée ne se retire pas du territoire national mais on fera autrement.
F. JACQUEL
Mon Général,
Depuis 40 ans, aucune loi de programmation militaire n’a été exécutée telle que votée par les représentants du peuple.
Bercy a pris l’habitude de “geler” une partie du budget voté dans chaque budget annuel et de la restituer trop tard pour être engagée avant la clôture de l’année budgétaire.
Grâce à vos annonces, j’espère voir enfin l’exécution complète de la prochaine loi de programmation.