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France : Société

Ce qui manque le plus à la jeunesse ce sont des chefs

Ce qui manque le plus à la jeunesse ce sont des chefs

Le père Danziec écrit dans Valeurs Actuelles :

« Le poète en tout lieu se sent chez lui, sentant qu’il est partout chez Dieu. » Il y a dans la vie du prêtre, un peu de ce qu’Hugo exprime du poète dans La vie aux champs : une soutane se sent partout chez elle, parce qu’elle se sait partout au service de Dieu. Presbytère, sacristie, petits commerces, grande avenue, galerie marchande, hôpitaux, transports en commun : l’univers du prêtre n’a pas de frontières, son champ apostolique pas de grilles.

Mon ministère m’a justement conduit à pousser récemment celles d’un lycée afin d’intervenir auprès d’élèves. Avant de visiter les classes, je demandais au chef d’établissement ce qui, selon lui, manquait le plus à la jeunesse. Si essayer de comprendre les attentes de son prochain, tenter d’en saisir les ressorts, relève d’une courtoisie élémentaire, il s’agit là surtout du plus sûr chemin pour établir une relation vraie. Sans faux semblant, sans fard et sans truchement. A cet égard, la question paraissait évidente. La réponse du Proviseur le fut tout autant. Elle fusa même, tel un acte réflexe. « Ce qui manque le plus à la jeunesse, me dit-il, ce sont des chefs. Un ou deux par classe. Des élèves qui par leur attitude, leur exemple et leur charisme font que le vice rase les murs ». Les mots avaient le mérite d’être clairs, concis et spontanés. Ils étaient surtout imprégnés d’un solide bon sens. Bien-sûr l’expérience des hommes est par définition intransmissible, cela n’empêche pas pour autant d’en tirer des leçons.

Ce ne sont donc pas tant les vertus qui manqueraient à la jeunesse, mais quelques hommes vertueux. Non pas des individus assénant des leçons, mais des personnes donnant le goût. Assurément, l’idéal voudrait que le désordre soit absent des salles de classes autant que des salles de réunion, des abris-bus, des travées des stades ou des queues au supermarché. Un certain réalisme nous fait cependant prendre conscience qu’il n’est pas possible d’avoir une classe, une société, des gouvernants, une femme, un mari ou une paroisse qui soit parfaitement à l’image de nos vœux. Et il n’est pas nécessaire de le rappeler seulement aux enfants. La perfection n’est pas de ce monde, bien que d’une manière toute à la fois mystérieuse et certaine tout notre être y aspire. Il y a en effet dans le cœur de l’homme quelque chose qui ressemble à un appel au sublime et dans le même temps une incapacité à l’atteindre par ses propres forces. L’humain ou le social, inévitablement et par nature, c’est donc le décevant… Charles Péguy disait très bien qu’on ne construira pas le Paradis sur la terre, mais que c’est déjà beaucoup d’empêcher l’enfer de redéborder. En somme de travailler à ce que « les vices rasent les murs ».

La meilleure façon d’avancer dans ce travail consiste certainement à se couper dans un premier temps de ses illusions. Si l’homme est capable de noblesse, il n’en est pas pour autant naturellement bon comme le mythe rousseauiste du bon sauvage et les tenants du vivre ensemble le laissent entendre. Nier les blessures qui traversent le cœur de l’homme – que les catholiques résument sous le nom de « péché originel » – c’est se méprendre sur le réel. L’homme n’est certes pas toujours fameux individuellement, mais plus encore la conjonction de tous ses égoïsmes individuels, de toutes ses passions, de toutes ses misères peut hélas, socialement, conduire au pire.

Ce qui manque à la jeunesse est sans doute semblable à ce qui manque à la vie politique : « des chefs qui font que le vice rase les murs ». Plus qu’un projet « plus-que-parfait » mais au final désincarné du réel, ou du possible, il peut être précieux de se rappeler que le social, c’est d’abord le domaine du moindre mal. Marc-Aurèle, qui fut un sage et en même temps un empereur, disait qu’il a pu rêver la politique de Platon et la réalisation de la cité de la République mais qu’il en était bien revenu. La politique au fond, ne serait-ce pas l’art d’endiguer le péché ? Plutôt que de promouvoir le plus grand bien, le défi consiste peut-être dans un premier temps, plus modestement, à endiguer le mal. Et en endiguant le mal, incontestablement à voir le bien s’en trouver encouragé.

Il n’en reste pas moins que les promesses des campagnes électorales comme les agences de voyage préfèrent nous annoncer le soleil, plutôt que de nous garantir moins de pluie. C’est plus vendeur assurément. Mais ce n’est pas forcément plus juste.

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1 commentaire

  1. Moi je pense que les chefs attendus existent mais qu’ils considèrent qu’on ne les mérite pas et qu’ils n’ont pas envie de se battre pour tous ces gens qui n’en valent pas la peine.
    Que chacun balaie devant sa porte et change de comportement et vous verrez les chefs surgir !

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