Le rappel à Dieu de Jean-Marie Le Pen est-il le symbole, glaçant, de la fin d’un monde, l’ultime clou dans le cercueil de notre civilisation ou le dernier pied de nez d’un homme libre à la face d’une bien-pensance en déroute ?
Un amoureux passionné de la France
Issu d’un milieu populaire, pupille de la Nation à 14 ans, engagé volontaire en Indochine et en Algérie dans une des plus prestigieuses unités de l’armée française : les parachutistes de la Légion étrangère, ce fils d’un marin-pêcheur de La Trinité sur mer témoignait, par sa seule existence et son discours, d’une société aujourd’hui disparue. Un monde dans lequel les taches roses de l’Empire colonial français sur les planisphères, faisaient rêver les petits garçons épris d’aventures. Un monde dans lequel les mots France, honneur, devoir, famille, patrie, fidélité, nation n’étaient pas que des effets oratoires de meetings électoraux, remis à l’honneur par le candidat Nicolas Sarkozy lors de sa campagne électorale de 2007. Un monde dans lequel on croisait dans les rues de notre pays plus de Marie et de Pierre que de Fatima ou de Mohamed. Incontestable réalité dont témoignent les récents travaux de Jérôme Fourquet dans « Métamorphoses françaises ». Un monde, enfin, marqué par un christianisme qui réglait les mœurs et rappelait à l’homme qu’il n’était, ici-bas, que de passage.
C’est « ce monde ancien » selon la belle expression de Patrick Buisson que Jean-Marie Le Pen s’était engagé à défendre. Il était devenu au fil du temps, servi par un incontestable talent oratoire et une immense culture, le « tribun du peuple ». Ce fils du peuple qui avait senti, avant bien d’autres, que la disparition du peuple français, de souche essentiellement gauloise et celte, de culture chrétienne était au programme des tenants d’un mondialisme apatride pour lesquels chaque personne, réduite à sa condition d’individu, n’était plus qu’une unité de production ou de consommation. Contre les tenants d’une conception libertarienne des droits de l’homme qui conçoivent tout déterminisme sexuel, familial, national, linguistique … comme une atteinte à une liberté humaine illimitée il rappelait le rôle des communautés naturelles, protectrices des plus faibles, dans lesquelles s’épanouissent les vertus civiques et familiales, fruit d’une amitié politique qui n’est possible que dans une conception partagée du Vrai, du Beau et du Bien. Enfin, en ces temps où la mode était à la table rase Jean-Marie Le Pen dans ses réunions publiques et tout particulièrement lors de la fête annuelle des BBR (Bleu-Blanc-Rouge) partageait avec des foules immenses et enthousiastes son amour passionné de la France, de son histoire, de sa terre, de son peuple. Il chantait, avec lyrisme et ardeur les grandes heures d’une nation, meurtrie, qui ne voulait pas mourir. Il était à rebours du Credo des pseudo élites mondialisées qui avaient fait leur le constat de Bernard-Henri Lévy, la coqueluche des médias et le conseiller des princes (Mitterrand, Hollande, Sarkozy) : « Bien sûr, nous sommes résolument cosmopolites. Bien sûr, tout ce qui est terroir, béret, bourrées, binious, bref, « franchouillard » ou cocardier, nous est étranger, voire odieux ».
Pétri de culture gréco-romaine et de tradition catholique, Jean-Marie Le Pen ne se croyait pas obligé de ravaler son discours au niveau de celui d’un animateur d’émissions de TV réalités mais, au contraire, il conduisait son public à la suite des héros et des saints qui ont fait notre histoire et citait abondamment les auteurs qui ont le mieux illustré le génie singulier de la langue française.
Les ironies de l’histoire
Jean-Marie Le Pen parce qu’il était un homme libre, comme breton et comme marin, fut pendant des décennies le paria de la vie politique française, le bouc émissaire de tous nos maux. Il fut fustigé pour un antisémitisme dont il se défendit toujours même quand les paroles malheureuses lui avaient été arrachées au terme d’un harcèlement mené par des journalistes avides de les lui arracher. Il fut, ainsi, la victime la plus célèbre des lois mémorielles liberticides Gayssot-Rocard-Pleven qui tranchent, par voie législative, de faits historiques sous le couvert d’antiracisme. Ironie de l’histoire c’est le jour même où la France qui est Charlie célébrait la liberté d’expression qu’était rappelé à Dieu celui qui avait cru pouvoir user, sans limites, de cette même liberté. Selon l’adage orwellien bien connu inspiré de La ferme des animaux : « Tous les crimes contre l’humanité sont égaux mais certains sont plus égaux que d’autres ». Concernant l’antisémitisme attribué à Jean-Marie Le Pen il est aujourd’hui reconnu que la profanation antisémite du cimetière juif de Carpentras s’est avérée être un acte abominable dans lequel ni Jean-Marie Le Pen ni le Front national n’étaient en cause. Peu importent les faits : la manifestation du 14 mai 1990 avait permis au président de la République, François Mitterrand, de rassembler autour de lui les vrais républicains face à la montée d’un antisémitisme largement fantasmé. Un mannequin de Jean-Marie Le Pen, empalé, était, alors, présent au cœur de la manifestation sans que personne n’y trouve à redire. Autre ironie de l’histoire : la communauté juive de France dont les dirigeants ont toujours été à la pointe du combat politique contre Jean-Marie Le Pen sont aujourd’hui les premières victimes d’une immigration arabo-musulmane incontrôlée à laquelle le principal opposant fut … Jean-Marie Le Pen. Tragique réalité dont a bien dû convenir Serge Klarsfeld. Un sort analogue frappa le député conservateur et ancien ministre, Enoch Powell, alors considéré comme un possible futur premier ministre en Grande-Bretagne. Ayant mis en garde dans un discours du 20 avril 1968, dit des « fleuves de sang », sur l’immigration en provenance du Commonwealth qui risquait de submerger le Royaume-Uni, il fut immédiatement voué aux gémonies, ostracisé, marginalisé. Sa carrière s’interrompit là. La récente médiatisation de viols massifs de jeunes anglaises blanches, issues des classes populaires, par des gangs de Pakistanais en Grande-Bretagne depuis les années 90 vient malheureusement justifier les craintes de l’ancien député britannique. Il est parfois cruel d’avoir raison trop tôt et le rôle de Cassandre n’est guère confortable !
Rassembler au service de la France
Pace qu’il était un amoureux passionné de la France, tourné vers l’avenir, Jean-Marie Le Pen s’est toujours attaché à cautériser les blessures de l’histoire. Dans un pays qui n’a pas toujours été économe de guerres civiles, ouvertes ou larvées, et cela particulièrement ces dernières décennies (période 39-45, fin de l’Algérie française) le fondateur du Front national s’était attaché à rassembler ceux qui, animés par le même amour de la France, avaient fait des choix ponctuels différents voire antagonistes. Ainsi se retrouvèrent au FN l’ancien militant du RNP (Rassemblement National Populaire) collaborationniste Roland Gaucher, l’ancien milicien François Brigneau et le Compagnon de la libération Michel de Camaret. Animés par la même angoisse de la Patrie, ils se rejoignaient dans le constat que : « Le sang qui a coulé n’est jamais qu’un sang pur, Et le voici mêlé le sang des adversaires » (Poèmes de Fresnes). A travers le temps, les voyous gauchistes et iconoclastes qui dansaient sur le cadavre de Jean-Marie Le Pen au soir du 7 janvier étaient bien dans la lignée de leur ancêtre révolutionnaire le député Antoine Barnave s’interrogeant à l’Assemblée après l’assassinat, en juillet 1789, de l’intendant Foulon et de son gendre Berthier de Sauvigny : « Ce sang était-il donc si pur ? ».
Enfin, quasiment seul, avec son adversaire Michel Debré et les démographes Alfred Sauvy et Jacques Dupaquier ce fils unique avait tôt discerné que la terre appartient aux vivants et qu’il était illusoire de croire que des zones prospères de faible pression démographique pourraient durablement faire face à des zones déshéritées de haute pression démographique. Un authentique sursaut démographique lui paraissait la condition nécessaire de la pérennité de la France. « Soyez des géniteurs heureux » lançait-il, avec une certaine truculence, à des jeunes du FNJ (Front National de la Jeunesse) rassemblés pour leur université d’été. Ayant souffert dans sa chair et ses affections des horreurs de la guerre, il savait que les relations internationales ne sont pas faites de bons sentiments mais de rapports de force. Les injonctions « Vous n’aurez pas ma haine » et les bouquets de fleurs sont aussi efficaces contre le terrorisme islamiste qu’un cataplasme sur une jambe de bois ! Sur tous ces sujets, qui furent longtemps tabous une prise de conscience semble en cours : certains semblent se rappeler que l’histoire est tragique, que la paix des sociétés est toujours instable. Des nations revendiquent le droit de rester maîtresses de leur destin. Les questions migratoires font chaque jour la une de l’actualité.
S’il ne fut pas une grenouille de bénitier Jean-Marie Le Pen avait mis au coeur de son combat politique la défense de la civilisation chrétienne tant il estimait que le catholicisme était indissociable de l’identité de la France. Doté par la nature d’une énergie et d’une intelligence hors du commun l’ancien officier du 1er REP s’est maintenant présenté devant le juste Juge qui seul sonde les reins et les coeurs. Nous espérons qu’il retrouvera là-haut un autre grand français qui résumait ainsi ses combats pour la France de Dame Jeanne et Messire St Michel :
Seigneur, endormez-moi dans votre paix certaine
Entre les bras de l’Espérance et de l’Amour.
Ce vieux cœur de soldat n’a point connu la haine
Et pour vos seuls vrais biens a battu sans retour.
(Charles Maurras, Prière de la fin)
Jean-Pierre Maugendre